12. Et si...?

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Il y a encore quelques mois, j'étais là. Il y a quelques mois, j'arpentais les couloirs de cet endroit en me demandant comment allait être ma vie future. Je la voyais si noire. Si sombre. J'étais pessimiste putain. Pourtant, je n'ai jamais éprouvé, pas une seule fois, une once de regret. Pas une fois je me suis dis que je voudrais revenir à cette nuit-là, à cette horrible tempête et que je voudrais changer le cours des choses. Non. Parce que je me connais et quand j'y pense, même maintenant, je me dis que j'aurai forcément fait la même chose. J'aurai essayé.

Peut-être, oui...Peut-être je regrette le fait de ne pas avoir réussi à sauver Manu. Peut-être est-ce là le seul regret que je porte en moi que de savoir que cette nuit nous a pratiquement tout pris. Sa vie, ma mobilité...Ouais peut-être que j'aurai pu m'y prendre autrement et peut-être même que j'aurai pu être ce gars qui écoute son copain pour une fois dans sa vie.

Mais je ne l'ai pas fait. Je suis parti et j'en ai payé le prix. Un lourd tribut peut-être, mais au final, je m'y suis fait. Du moins, j'essaye encore de m'y faire. De me dire que dorénavant je suis comme ça et que rien ne me changera sauf un miracle et honnêtement, je n'y crois pas trop. Je n'ai jamais été le genre de gars à croire aux miracles. Parce que mon existence elle-même en ce jour relève du miracle. Tout le monde me l'a dit : j'aurai dû mourir cette nuit-là.

- Gabriel ? Tu ne viens pas ?

Le regard vide ou plutôt perdu dans mes pensées, je ne me suis même pas rendu compte que je me suis arrêté au beau milieu du couloir tandis que Cléo accompagne Basile devant.

- Si, j'arrive.

Aujourd'hui, nous sommes venus voir Jacqueline. Selon Cléo et même les médecins, ma grand-mère n'est plus vraiment au mieux de sa forme et tout n'est qu'une question de jours. De semaines. Pour eux, c'est déjà assez exceptionnel qu'elle ait tenu aussi longtemps vu son état.

Quel con j'ai été. J'ai pensé à moi avant de m'occuper d'elle. Je l'ai laissée toute seule et je n'ai même pas pris soucis de savoir...Là par contre je regrette. J'aurai dû. J'aurai dû être là, plus présent. Ne serait-ce que venir tous les jours. Je le pouvais, rien ne m'en empêchait, mais je ne l'ai pas fait. Je me suis enfermé dans ma bulle en me mettant des œillères d'amour sur les yeux et j'ai oblitéré tout le reste. J'ai volontairement mis de côté, aux oubliettes, tout ce qui pouvaient éventuellement me gâchait ces moments-là.

Je m'en veux. Quel genre de petit-fils, fait ça au juste ?

- Gabriel ? C'est toi ?

Au détour d'un couloir, j'entends une voix qui m'interpelle et quand je me retourne légèrement, je remarque un garçon en fauteuil, s'étant arrêté juste à ma hauteur, l'air complètement surpris.

- Michael ?

- Oh mec ! Ça fait trop plaisir de te revoir ! T'as l'air en forme dis-moi !

En forme ? Peut-être que pour lui c'est le cas étant donné que notre dernière rencontre commence à remonter légèrement.

- Et toi alors ? Qu'est-ce que tu fais là ?

Il se penche légèrement sur le côté, dévisageant Cléo et Basile se trouvant alors juste derrière moi.

- Ah, partez devant. J'arrive. Je n'en ai que pour cinq minutes.

- Comme tu veux. Viens Basile, laissons Gabriel à son amant.

Je ne préfère même pas relever. Cléo sait très bien ce que je pense de ce genre de mentalité. Ce n'est pas parce que je m'entends bien avec Michael que tout de suite, j'ai envie de me le faire. Je n'ai qu'une personne en tête et ça tombe bien, car cette même personne est ancrée dans mon cœur et dans ma peau. Je ne pourrais pas chasser Basile aussi facilement, même si je le voulais alors m'envoyer en l'air avec quelqu'un d'autre ? Impossible.

- Tu marches !

- Oui et non...Comme tu peux le voir, j'ai un petit coup de main quand même. Je me sens comme un grand-père parfois.

- Au moins, t'es debout. Moi, regarde...Toujours sur mes roulettes, c'est la misère.

- Je suis désolé.

Je ne sais même pas pourquoi je m'excuse. Je n'y suis pour rien dans son malheur. Je ne suis pas fautif, ni rien. Pourquoi a t-on tendance à s'excuser ou se sentir coupable pour des choses qui ne nous concernent même pas ? Je ne comprends pas.

- En tout cas, t'as l'air heureux, c'est cool. Je suis content pour toi.

- Pour tout te dire, je le suis peut-être même un trop. C'est louche.

Dis le mec qui aime baigner dans le malheur comme un poivron pourri baigne dans son jus.

- Pourquoi tu veux que ça cache quelque chose ?

- Je n'en sais rien. Tu sais depuis que je me suis réveillé sur ce lit, tout me parait plus...étrange. C'est bizarre à expliquer et je ne saurais sans doute pas le faire pour que tu puisses comprendre, mais...

- Tu as l'impression de vivre un rêve éveillé ?

- Voilà ! C'est ça.

Tout me parait beaucoup trop beau. Trop idyllique. Trop parfait.

- Tu ne t'es jamais posé la question Gabriel ? Et si tout ceci n'était qu'un rêve ? Un de ces rêves si réels que l'on n'a pas envie de le quitter. Un de ces rêves qui vous retournent le cerveau.

Alors, mon bonheur avec Basile de ces derniers jours aurait été une grotesque illusion, c'est ça ?

- Soyons fous, cinq minutes veux-tu ?

- Comment ça ?

Michael sourit et me dit alors dans une sorte de délire étrange

- Et si tu ne t'étais jamais réveillé de ce lit d'hôpital ?

Voyage au centre de ton cœur (BxB) - Tome 2 (PAUSE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant