L'attrape rêve

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Vanézia, était depuis son plus jeune âge victime d'horribles cauchemars, ses nuits n'étaient pas de bonne qualité. Victime de terreurs nocturnes, cela se ressentait sur sa scolarité. Elle était comme hantée par quelque entité. Rien ni avait fait, ni l'homéopathie, ni la phytothérapie, ni la médecine traditionnelle. Ses parents avaient épuisé les ressources en termes de thérapie.

Elle était sous calmants et somnifères depuis quelques temps. Le médecin s'était voulu rassurant, mais il y avait de nombreux effets secondaires. La psychologue après avoir évoquée d'éventuels problèmes de couple entre ses parents, avait renoncée, le couple était amoureux et solide.

Vanézia avait une passion, la lecture. Elle affectionnait particulièrement les légendes amérindiennes et les coutumes des natives. Cette année-là, une exposition avait lieu au parc des expositions de la Porte de Versailles à Paris, concernant le peuple Navajo et les tapis médecines. D'autres peuples indiens y étaient conviés. Vanézia avait insisté pour y aller. Ses parents n'avaient pas d'objection ; d'une part c'était culturel, d'autre part, ils souhaitaient faire plaisir à leur adorable fille.

Des gradins avaient été disposés autour d'une sorte d'arène où les chamanes faisaient les démonstrations d'élaboration de tapis médecines, tout en expliquant leur art médicinal ancestral. C'était fascinant. Un atelier coiffure venait en complément, les indiens expliquaient pourquoi ils gardaient les cheveux longs et comment ils se coiffaient, les différents styles de nattes avaient une signification bien précise.

Les cheveux courts étaient synonymes de faiblesse et de castration. Des cheveux longs lâchés, entraînaient désordre et incohérence dans les comportements. Les cheveux nattés avaient des actions spécifiques et bienfaitrices. Ils permettaient de rassembler les différentes essences, et de communier avec les éléments. Une fois la ou les nattes élaborées, il y avait les plicatures de celles-ci à effectuer. Ensuite, il ne restait plus qu'à ajouter un ruban blanc pour les maintenir en place.

Vanézia et ses parents étaient impressionnés, ils n'avaient pas vu le temps passer, c'était passionnant. La jeune enfant se dirigea ensuite vers le stand Huron. L'un des vieux indiens l'observait attentivement depuis un certain moment. Il s'approcha d'elle et lui mit sans façon la main sur le front. Les parents de la fillette se précipitèrent, mais l'imposant Huron leur ordonna de rester en place et de ne pas l'interrompre, il leur intima le silence.

Les yeux clos, il se concentrait. Sa respiration s'était sensiblement ralentie, son amplitude était devenue superficielle, infime, presque au point de s'arrêter. Il rouvrit les yeux, ôta sa main du front de l'enfant et dit à Vanézia « reste là papoues, je reviens ». Il réapparut quelques minutes plus tard, muni d'une branche fine de roseau, de plumes, de rubans et de tissu aux multiples couleurs, il y avait aussi un petit caillou blanc, percé en son centre.

L'indien congédia les parents de la petite, ce qu'il avait à lui dire était confidentiel et renforcerait la magie. Le chamane lui dit d'un ton péremptoire « assied toi et écoute ». L'enfant obtempéra, le vieil homme lui expliqua alors qu'il fallait qu'elle fabrique elle-même son attrape rêve, afin de concentrer les pouvoirs. Bien sûr, il la guiderait et l'aiderait si besoin.

Vanézia devait d'abord prendre le roseau souple, et en faire un cercle. Elle consoliderait celui-ci avec de la cordelette très fine et solide. Ensuite, la petite fille recouvrirait le cercle obtenue avec du tissu ou de la corde, comme elle voulait. Il lui faudrait d'autre part tisser une sorte de toile d'araignée en prenant soin de laisser impérativement un trou au centre. Cela permettrait de laisser passer ses rêves les plus doux. Si elle le souhaitait, elle pouvait ajouter un petit colifichet au centre du cercle, afin d'accentuer les pouvoirs de l'attrape rêve. Ce n'était pas obligatoire, mais bien utile.

Une fois l'objet terminé, le vieil indien lui dit « tu devras le mettre dans ta chambre, en pleine lumière. Personne ne devra le toucher hormis tes parents lors de l'installation. Tu devras l'aimer comme toi-même et parfois tu devras faire brûler de l'encens en dessous, afin de le purifier avec le souffle des âmes de mes ancêtres. Son initiation terminée, il se leva, prit la main de l'enfant et la reconduisit auprès de ses parents. Il leur tourna le dos et s'éloigna sans une parole à leur égard.

Une fois rentrée à la maison, la fillette implora son père afin d'accrocher l'attrape rêve à un endroit bien précis de sa chambre, un endroit lumineux, toujours éclairé. Ensuite, Vanézia demanda que l'on brûle de l'encens sous celui-ci. Après son repas, elle alla se coucher, le cœur serein. Cette nuit-là puis les suivantes, elle ne fit plus de cauchemars. Son nouvel ami, Isa, ne lui avait pas menti. Son prénom signifiait dans le dialecte huron, « le protecteur ». Isa avait invoqué l'esprit du « Grand Manitou » afin qu'il veille sur le sommeil de la papoues.

L'attrape rêveWhere stories live. Discover now