•Chapitre 11•

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Je sens une main me secouer l'épaule. Des doigts aussi fins que minuscules, s'inscrivent dans ma chair à travers l'épais coton de mon haut de pyjama. Sans pouvoir me contrôler, je lâche un grognement d'exaspération. Puis j'ouvre à moitié un œil, pour découvrir le visage d'Emji à quelques centimètres du mien.

Je grommelle des mots inaudibles dans ma gorge, et prends un certain temps pour lever la tête de mon oreiller. Quoi!? Il est déjà sept heures? Mince! J'ai l'impression de n'avoir pas beaucoup dormi la nuit. Que dis-je? Une impression? Faux! J'affirme n'avoir pas du tout dormi cette nuit.

Je n'ai cessé de cogiter, de ruminer, de marmonner, de chercher des réponses à des questions profondément troublantes qui parasitent mon système nerveux.

__ Maman, qui est-ce qui m'a dessiné? Me demande-t-il à brûle-pourpoint.

Des secondes me sont essentielles pour comprendre de quoi il parle. Et sans grand effort, je me souviens. Pourtant, je n'ai pas envie de répondre à sa question, qui à mon sens est gênante, et me fout dans un malaise grandissant.

__ De quoi parles-tu Emji? Continué-je en jouant à l'ignorante.

__ De l'immense tableau dans le salon qui me dépeint objectivement, explique-t-il et je souffle intérieurement car dès le matin, il commence avec ses mots politiquement soutenus.

Je ne suis pas encore totalement habituée à cet aspect de sa personnalité.

__ Ah! Tu l'as vu?

__ Je l'ai vu et je suis venu t'en parler. Ainsi, je t'ai posé une question: Qui en est l'instigateur? Toi?

L'instigateur…Moi à cinq ans, je pissais encore au lit, et comptais les chiffres en l'envers.

Emji est-ce que c'est trop te demander un quart d'heure de plus de sommeil? Si tu ne le constates pas, je suis exténuée, et mes yeux sont encore bouffis. Je n'ai pas assez dormi, et maintenant j'en paie les pots cassés.

__ C'est Joséphine, je mens une fois de plus avec un petit sourire.

__ Viens voir, lance-t-il d'un coup.

__ Je l'ai déjà vu, hier, mon chéri.

__ Je veux que tu viennes voir maman, insiste-t-il en balancant Pink coincé contre son corps.

__ D'accord, concédé-je avec un autre sourire.

Je rejette les draps sur le côté, et glisse mes pieds dans mes chaussons. J'aurais aimé lui tenir la main pour que nous allions ensemble observer la peinture qui le caricature, pourtant je me heurte à chaque fois à la stricte réalité: Emji et moi ressemblons plus à deux camarades, qu'à une mère et son fils.

Notre relation est étrangement spéciale.

Arrivés dans le salon, je constate que la couverture repose sur le parquet. La curiosité de mon petit surdoué a été implacable, et il a cédé à la tentation. La veille, en laissant la toile reposer ici, je n'ai pas vraiment pensé à ce qu'il pourrait dire ou faire au moment où il la verrait. J'étais juste obnubilée par le foutoir de mes émotions, que je n'ai pas pensé à lui.

Mea culpa! En même temps je n'aurais pas pu le cacher. L'appart n'est pas si grand, et n'offre pas des coins secrets où cacher des colis comme celui-ci.

Je suis maintenant obligée de continuer sur cette lancée mensongère. C'est Joséphine qui a envoyé le paquet. D'ailleurs, il va falloir que je lui en parle pour qu'elle me couvre, et joue le jeu. Même comme je sais d'ores et déjà, qu'elle ne me laissera pas filer de sous son détecteur de questions.

Je déteste t'aimer (Tome3)Where stories live. Discover now