Prologue : Lyon, 25 mars 2003, 23h25

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La nuit était noire d'encre. La lune et les étoiles étaient cachées par d'épais nuages d'orage. Les lampadaires étaient tous éteints. L'air était lourd de pluie. Au loin, le premier coup de tonnerre retentit. Ce quartier de la banlieue de Lyon, déjà relativement sinistre de jour, était terrifiant la nuit. On pouvait aisément imaginer les voyous, voleurs et autres canailles au fond des sombres impasses emplies de sacs poubelles, et de toutes les ordures que les Encombrants n'avaient pas récupérées. Malgré l'heure tardive, le printemps à peine né se faisait déjà sentir, et les débuts de chaleur n'aidaient pas l'odeur pestilentielle à s'échapper. Les mois suivants risquaient d'être horribles. On pouvait apercevoir, au-dessus des toits bas des maisons bancales, la fumée d'un feu lancé par un groupe de jeunes qui régnaient en maîtres sur les rues du coin. Leurs rires, étouffés par les poubelles qui tapissaient leur cachette, laissaient imaginer l'état déplorable dans lequel ils étaient. De loin en loin, la sirène de quelque voiture de police égarée se faisait entendre. Rien ne paraissait vouloir troubler cette nuit si ordinaire. Soudain, la porte d'une petite maison discrète s'ouvrit, laissant sortir la silhouette encapuchonnée d'une jeune femme portant un paquet contre elle. Elle était à l'image de la maison et du quartier : noire, invisible et oubliée de tous. Aucune des fenêtres de l'habitation qu'elle venait de quitter n'était allumée. Pourtant, une paire d'yeux brillants apparue derrière l'une des vitres. La fenêtre s'ouvrit sur le visage d'un jeune homme qui pleurait. L'une de ses larmes tomba sur la tête de sa compagne qui leva les yeux vers lui. Un rayon de lune, sûrement le seul qui parut cette nuit-là, éclaira son visage maigre. Elle avait les traits tirés et les larmes avaient laissé des sillons sombres sur ses joues pâles. Les cernes noirs, qui ressemblaient à des coups, contrastaient douloureusement avec ses grands et magnifiques yeux violets et ses lourds cheveux blonds, qui encadraient sous visage comme l'eut fait une auréole. L'homme regarda la silhouette s'éloigner jusqu'à ce qu'elle disparaisse au coin de la rue. Dans sa main droite, elle serrait le paquet avec tendresse, tandis qu'elle éclairait la rue devant elle à l'aide d'une torche. Elle marchait d'un pas hésitant qui trahissait son épuisement. Lorsqu'elle passa devant la bande de jeunes, ceux-ci étaient déjà trop shootés pour faire attention à elle. Quelques rues plus loin, elle sortit du quartier en traversant un petit cours d'eau et pénétra dans l'exact opposé de ce qu'elle venait de quitter. Les rues étaient propres et les maisons blanches s'alignaient avec une régularité entêtante, séparées par de petits jardins. L'atmosphère même semblait changé. Passé le ruisseau, ce n'était plus les mêmes odeurs, plus les mêmes bruits, même l'air semblait plus léger. Elle s'arrêta enfin après une demi-heure de marche devant une barrière vert feuille qui interdisait l'entrée à un grand complexe composé d'une dizaine de maison identiques, d'une cour et de ce qui devait être une école accompagnée de ses bâtiments d'administration. Elle regarda autour d'elle puis s'éloigna de la barrière. Un peu plus loin, l'énorme haie qui entourait le complexe avait été abimée par un trop grand nombre de ballons lancés par des enfants malhabiles. La femme était suffisamment menue pour s'y glisser mais elle s'y engagea précautionneusement en protégeant le paquet qu'elle tenait. Après quelques difficultés pour détacher ses cheveux qui s'étaient emmêlés dans les branches, elle parvint à passer de l'autre côté. Elle hésita un peu devant la série de maisons identiques puis elle se dirigea vers la dernière. Elle toqua doucement à la porte. La lumière au-dessus de l'entrée s'alluma et la porte s'ouvrit silencieusement. La femme retira sa capuche et la jeune femme qui avait ouvert lui fit signe d'entrer. Sous la lumière blafarde du vestibule, la promeneuse nocturne paraissait encore plus pâle, ses cernes plus noirs. Dans ses yeux ne brillait plus aucune lueur et ses cheveux n'avaient plus d'éclat. La jeune femme en face d'elle avait la peau basanée, un visage enfantin rieur, de longs cheveux frisés bruns et de petits yeux noirs en amande dans lesquels brillait une vive lueur d'intelligence et une flamme marquée de curiosité. Elle devait avoir 25 ans tout au plus, comme sa visiteuse, mais cette dernière avait vieilli beaucoup plus, trop, vite. L'étreinte de son amie fit regagné un peu de couleur au visage triste de la visiteuse qui lui tendit son paquet comme si ce geste lui arrachait le cœur et murmura :

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⏰ Last updated: Jun 12, 2019 ⏰

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Une AmeWhere stories live. Discover now