Chapitre 1.
***Jenifer Elle Oyane***
Je me suis réveillée aujourd’hui trempée de sueur. Cela faisait longtemps qu’un tel cauchemar m’avait habité.
Moi, en état de choc et apeurée, complètement nue devant tout le monde. Tout autour de moi, flottaient des visages familiers avec des mains noires qui me pointaient du doigt, dénonçant mon esprit libre. J’ai eu beau essayer de m’expliquer, aucun son ne sortait de ma bouche asséchée par la peur. Puis un homme s’est approché de moi, avec le visage de mon ex-mari et il a arraché de ses mains une grande partie de mon cœur et s’en est allé avec la chair sanguinolente. Autour de moi, les rires fusaient de toute part, moqueurs et hargneux. Puis un autre homme s’est approché de moi avec le visage de Denis cette fois-ci et a arraché ce qui me restait de mon cœur et s’en est allé à son tour.
J’ai baissé mes yeux sur ma poitrine, pour n’y découvrir qu’un trou béant à la place de mon satané cœur. Je me suis effondrée dans le rêve. C’était trop de douleur à supporter.
- Madame Oyane, Madame Oyane vous m’écoutez ? me demande l’élève assise devant moi en se rendant compte que je ne fais pas qu’avoir l’air distraite, je le suis vraiment !
J’arrête de tapoter nerveusement sur la table avec mon stylo feutre pour lui répondre.
- Evidemment que je t’écoute Tcheska ! Le problème c’est que je ne sais pas quoi te dire!
Je chasse les réminiscences de ce mauvais rêve de mes pensées.
Franchement, les parents exagèrent de nos jours. Tcheska ! On dirait le prénom d’un chien polonais saoul et borgne, pff. Je ne suis pas de très bonne humeur mais j’essaie tant bien que mal de le dissimuler par un sourire avenant. Je me concentre de nouveau sur la jeune femme un bref instant avant de laisser mon esprit dériver tout doucement vers le cadre qui accueille notre conversation.
Je regarde le confortable bureau dans lequel je la reçois. Le décor chaleureux et rassurant a été entièrement choisi par mes soins afin de ne pas effrayer les élèves de la fondation Khan lors de leur tête à tête avec moi. Je suis satisfaite du résultat et ne changerai pour rien au monde de bureau. Les couleurs des meubles de bois sont claires et lumineuses. On se sent tout de suite en sécurité quand on entre ici. C’est l’effet recherché.
Mes élèves. Je ne pensais pas un jour utiliser ce groupe de mot : « mes élèves ». Me voici moi et mes diplômes de droit et gestion à la tête de l’une des plus grandes fondations du Gabon. Je suis sure que même celle de la première dame nous envie les ressources que nous employons ainsi que notre popularité auprès de la population gabonaise.
Mes élèves. Ce sont parfois de jeunes filles pleines d’espoir et de promesses, d’autres fois des femmes plus mures qui ont décidées de retrouver les bancs de l’école... Je les admire beaucoup pour leur courage. Je ne sais pas si moi-même j’aurais eu le cran de reprendre les cours si j’avais abandonné en chemin. Jeunes ou âgées, elles ont très tôt abandonné le cycle scolaire normal et la fondation Khan, donne une seconde chance à celles qui veulent bien la saisir. Nous formons dans différents domaines qui permettent, dans des cursus assez courts, d’être rapidement autonome et d’ouvrir une petite entreprise individuelle lorsqu’on a d’assez bonne note pour décrocher la bourse de fin d’année de la Fondation. Coiffure esthétique, couture, cuisine, secrétariat (même si je n’aime plus tellement ce terme car j’estime que nous formons des assistantes et non de simples secrétaires), action commerciale, vendeuse en pharmacie … Bref, rien de neuf sous le soleil.