Nuit claire

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  Je n'ai jamais eu de réelles relations. Le genre de relation qui te prend aux tripes, qui te retourne le coeur et qui te laisse un bordel sans nom dans tes sentiments. Alors oui, j'ai eu quelques petites choses durant mon adolescence, mais aucune de ces choses ne m'a rendu ivre en un baiser. Il y a eu ce gars en première, un petit brun qui était perdu dans sa vie autant que je l'étais dans la mienne. On n'était même pas officiellement en couple ou quoi, on se voyait juste en dehors des cours dans les zones pas trop cool et un peu louches de la ville. Mais ni lui ni moi étions vraiment stables alors ça nous correspondait bien ce genre d'endroit. Et puis nous n'étions pas très communicatifs non plus. Quand on arrêtait de s'embrasser les lèvres et le corps, on parlait un peu mais c'était clairement plus pour la baise qu'autre chose. Et ça ne me gênait pas vraiment, je m'y attendais et je l'avais choisi.

Et en début d'année il y a eu cette fille. Elle était tellement belle que j'suis sûr que là-haut, les étoiles étaient jalouses. Elle était si belle. Et gentille en plus. Et puis sympas, on pouvait parler sans s'ennuyer. Elle était parfaite quoi. Mais elle était trop parfaite. Elle était tellement parfaite que je n'ai pas osé lui raconter la vérité sur ma vie. Ça aurait fait juste tâche dans son monde nacré. Alors j'ai menti. J'ai menti pendant les deux mois où on s'est fréquenté. Ces deux mois qui ont suivi le jour où elle m'a embrassé sous une pluie torrentielle. Elle n'est jamais venue chez moi parce que j'avais honte et elle n'a pas non plus entendu une fois parler de mes parents. Mais évidemment entre quelques doux baisers et violents mensonges, elle s'en est rendu compte. Et je n'étais même pas triste, quand elle m'a laissé tomber. Encore une fois, je le savais. Je m'y attendais.

Je n'ai pas eu de relations qui me rendaient ivre en un baiser jusqu'à ce que ce soit Chan qui m'en dépose un sur les lèvres. C'était fou, hein ? Mais j'avais l'impression d'avoir vidé toutes les bouteilles d'alcool qui traînaient dans ma maison en quelques millisecondes. Si j'avais pu mourir ivre d'amour sur place, je l'aurais fait.

  Quand il m'a embrassé, ses doigts ont glissé le long de ma mâchoire qui tremblait toujours. Et chaque parcelle de peau qui touchait la mienne était juste un nouveau brasier qui tiédissait de plus en plus. Ça lançait des pics de chaleur dans tout mon corps alors qu'il effleurait juste du bout des doigts les contours de mon visage. J'étais ivre de son baiser et saoule à son contact. Mon coeur était en train de chavirer. Mes mains étaient posées je ne sais où quelque part sur son corps, sûrement sur ses hanches. Et je me demandais si lui aussi avait l'impression d'exploser au contact de mes doigts.

  Quand il s'est éloigné, j'ai senti un tel vide que j'en ai eu peur. J'ai eu peur de devenir comme elle. Est-ce que ma mère ressentait pareil, quand on lui enlevait ses bouteilles ? Est-ce qu'elle avait l'impression d'être aussi larguée que moi après ce baiser ? Si elle était comme moi, je la comprenais peut-être un peu. Je comprenais pourquoi elle ne voulait pas s'arrêter et pourquoi elle abusait autant de l'alcool. L'ivresse ça rendait accro. L'ivresse romantique aussi, apparemment.

  Chan m'a embrassé une seconde fois après avoir repris sa respiration et il a chuchoté un truc du genre « j'sais pas ce que je suis en train de faire », à peu près quoi. J'm'en souviens pas exactement, j'étais pas assez concentré pour retenir chacun de ses mots. J'ai répondu « moi non plus » et il m'a dit « pourtant ça me plaît ». Et ça me plaisait tellement moi aussi. C'était pas trop logique et un peu trop soudain mais, contre ses lèvres, j'ai murmuré :

Chan tu veux pas partir ?

– Partir où ? Quand ça ?

Les nuits d'été | HyunchanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant