Ésa :.. de toute façon j'ai perdu pieds.

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Je fixe les nuages, comme s'ils allaient pouvoir me la montrer.
Elina n'a rien dit de plus depuis le décollage, semblant concentrée sur quelque chose d'invisible à mes yeux. Elle est ailleurs, ou ici, je ne sais pas. Je ne sais rien, je ne sais pas où l'on va, mais quelque chose me dit que la destination de cet avion ne sera pas vraiment notre point d'ancrage final.
Je ne peux m'empêcher de surveiller les autres passagers comme si Calista pouvait à tout instant se trouver derrière moi. Sans même un regard, Elina semble lire dans mes pensées :
_ Ils ne sont pas là. Ils sont bien trop occupés à essayer de comprendre comment fonctionne le premier élément et à chercher comment ils vont s'emparer du second.
_ Quoi ? Qu'est-ce que...
Je ne termine même pas ma question parce que je sais déjà que je n'aurais pas de réponse. Mais j'en tente pourtant une autre :
_ Qui est cet homme en costume ? Celui qui se trouvait avec Calista.
_ Celui qui ne supporte pas la façon dont tout fonctionne autour de lui. Celui qui veut changer ce dont il a la sensation qu'on lui a imposé.

J'observe les traits durs, froid et impénétrables de cette fille à côté de moi. Celle dont je ne connais rien, et ne sait pas si au fond elle est vraiment celle qu'elle prétend être.
_ Tu sauras ce que tu dois savoir en temps voulu. Alors tu comprendras que rien ne se passe par hasard.

Elle a appuyé le "rien" et j'ai la vague impression d'une référence à Kairy.
_ Tu parles de... Elle est en vie ?

D'un ton toujours aussi dénué d'émotion, elle répond :
_ Elle aussi, tu sauras quand il sera temps.
Et puis elle se lève comme pour écourter cette conversation qui semble n'avoir aucune importance. Alors d'un ton agacé, je lui crie un peu plus fort que je ne l'aurais voulu :
_ C'est moi le Temps ! Alors...

Elle se retourne, ses mains agrippées sur le siège, son visage à quelques centimètres du mien :
_ Bien justement. Les réponses que tu veux, tu ne sais pas, mais tu les as déjà.
J'ouvre la bouche mais ne trouve rien à dire. Elle sourit, satisfait de son effet et puis s'en va.

**

Je ne sais pas combien d'heures se sont écoulées, je sais juste que je me réveille d'un sommeil contre lequel j'ai lutté mais qui a fini par m'emporter.
Elina détache sa ceinture et attend que tous les passagers soient descendus, sa main devant moi pour me faire comprendre d'en faire de même.
Et alors que tout le monde se dirige vers l'aéroport, Elina, elle, contourne l'avion d'un pas assuré.
Derrière, je le suis beaucoup moins quand les hélices d'un hélico se mettent à tourner.
Elle enfile alors une veste de cuir, et me tend du matériel.
_ Mais où est-ce que...
Devant mon visage qui doit pâlir, avec un geste sûr, elle descend ses lunettes de soleil et sourit :
_ Ne me dis pas que tu as peur, parce que ça ne fait que commencer.

Encore quelques pas sur le tarmac, une main claquée dans celle d'un homme qui lui cède les commandes, elle enclenche la manœuvre et avant de décoller prononce cette phrase qui résonne dans mon casque :
_ Je te rappelle que le Temps est censé être à l'aise avec les Quatre éléments.

Alors je déglutis difficilement, censé est le mot. Parce qu'à peine la Terre à quelques mètres sous nous, je m'accroche en me disant qu'il y a déjà un long moment que de toute façon j'ai perdu pieds.

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