II Viens ici

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Emmanuel avait terminé de lire « Le feu de la chair » depuis presque trois semaines. Il l'avait littéralement dévoré, ravi de la puissance de ces pages. Il avait remarqué que le style de l'auteure était en train de changer. C'était plus intime, plus tranchant. Les phrases plus courtes, les adjectifs presque agressifs. Et c'était magnifique. Brûlant.
Comme tout le monde (par exemple la presse, qui donnait libre cours à son imagination, proposant des théories du moins improbables) lui aussi, Emmanuel se demandait qui pouvait être l'homme mystérieux qui se cachait derrière l'anonymat que la littérature lui garantissait. Qui était l'homme pour lequel cette jeune femme avait des mots enflammés d'un désir infini? Il était curieux, très curieux.
Jusqu'à ce moment là il avait résisté à la tentation de demander une rencontre avec elle même s'il aurait pu l'obtenir très facilement, mais résister devenait de plus en plus difficile.
Le président ressentait une certaine affinité avec elle, sans savoir pourquoi. D'ailleurs il la connaissait seulement à travers de ses livres, et il n'était même pas sure de la véridicité de ses mots noirs imprimés sur le papier immaculé.
Et pourtant il se sentait dragué vers elle.
Il en avait parlé avec sa femme, qui l'avait rassuré: ça n'était pas bizarre de ressentir une affinité avec l'italienne, car il se revoyait en elle. Jeune, intelligente, avec beaucoup de talent, juste comme l'avait été lui au même âge. Et peut-être aussi grâce à un certain degré de sapiosexualité, qui du reste l'avait emmené à épouser sa prof du lycée.
-En tout cas on peut arranger une rencontre privée avec elle, si tu veux la connaître, mon cher- le rassura Brigitte.
-Je ne sais pas si c'est le cas- replia-t-il, soudainement pensif.
-Pourquoi?-
-Dernièrement les italiens ne m'aiment pas. Je ne connais pas ses idées politiques, c'est vrai, mais je ne voudrais pas rendre notre rencontre gênante.- vérité désagréable mais toujours vérité. La presse italienne aimait particulièrement lui faire une mauvaise image, et c'était très désagréable.
-Mais pourquoi devriez-vous parler de politique? Elle est romancière, pas politicienne- remarqua Brigitte.
-C'est vrai, mais je veux éviter tout embarras. Mes sondages sont en train de tomber de plus en plus bas, nos cousins transalpins ne me supportent et je ne veux pas écouter d'autres critiques. Surtout s'il s'agit de critiques sensées et intelligentes- fut la réplique sèche du chef d'état.
-Tiens, toi, effrayé par une jeune femme de vingt-quatre ans? T'es sur que tu vas bien?- se moqua-t-elle de lui avec un fin sourire.
-Tu viens de dire que je me revois en elle, donc je te dis que tu la sous-estimes.- répondît Emmanuel, s'assoyant sur leur lit. Il était presque minuit, et il était fatigué, comme d'habitude.
-Quoi donc? Tu ne veux plus la rencontrer? Toi, qui obtient tout ce que tu veux?-
-Je n'ai pas dit ça. On peut toujours trouver une occasion « neutre », avec d'autres personnes.-
-La soirée musicale de l'Élysée?-
-Tu sais, j'aime tes idées- fit il, en la regardant.
-Seulement les idées?-
-Non. Tout-
-Flatteur- rigola-t-elle. Emmanuel sourit, et l'embrassa tendrement.

Deux jours après

-Si c'est une blague, ce n'est pas drôle- la jeune femme marchait nerveusement dans la chambre à coucher en parlant au téléphone, sous un regard métallique. Encore totalement nue, après leurs ébats. L'homme profita du spectacle pour parcourir son corps avec ses yeux, toujours affamé. Toujours ardent de désir pour elle.
De sa position assise, le dos appuyé à l'oreiller, il pouvait admirer tout.
Des yeux qui l'avaient ensorcelé, pure ambre, aux lèvres encore gonflés pour leurs baisers, au cou fin et élégant, les clavicules délicates. Et encore, ses courbes fermes. Sa poitrine généreuse, les mamelons rose foncé, visibles sur sa peau blanche. Sa taille fine, ses hanches sinueuses. Ses jambes longues, élancées. Et là, entre ses cuisses modelées par le sport, la pièce maîtresse. Son sexe, dont il pouvait encore percevoir la saveur sur la langue, et qu'il pouvait entrevoir à chaque pas qu'elle faisait. Une fleur des pétales délicates. Chair tendre, juteuse, de texture douce, rose, et pourtant capable de le serrer dans un étau de soie. Un resserrement puissant et velouté, qui chaque fois l'envoyait au paradis.
Cette pensée et cette vision l'excitèrent à nouveau. C'était surprenant, car il croyait ne plus avoir l'âge pour un autre round si vite. Mais évidemment son corps était d'un tout autre avis.
Sous son regard à la couleur changeante elle s'assit sur le lit, clairement ennuyée.
-Écoutez, je n'ai pas dit que je ne veux pas venir à la soirée... Oui, je comprends que l'invitation vient du Président, mais...- elle lui lança un regard désespéré. Il l'observa avec un fin sourire. Son interlocuteur paraissait être victime d'un attaque de logorrhée, ne la laissant presque parler, et il savait très bien que ça l'énervait beaucoup. Il entendait une voix masculine au bout du fil, même s'il n'arrivait pas à comprendre ses mots.
-Oh bon sang! Écoutez-moi, je suis vraiment ravie de l'invitation du président, c'est merveilleux qu'il ait pensé à moi et je le remercie, mais je ne pourrai pas être là!-
-Non, le treize août n'est pas possible, pour moi.-
-Ce ne sont pas vos oignons.- ton plus tranchant, signe qu'elle était de plus en plus énervée.
-Non, je ne serai pas en France, désolée.- ironie. Aïe. Décidément fâchée.
-Et si vous voulez bien m'excuser, je suis occupée.- sarcasme. Alerte rouge.
Elle raccrocha en soupirant bruyamment. En la connaissant désormais très bien il savait qu'elle était irritée, voire furieuse. Elle haïssait quand quelqu'un cherchait à l'obliger à faire quoi que ce soit.
Il lui caressa la joue.
-Fais-moi un sourire, s'il te plaît-
Elle obéit, et un petit sourire étira ses lèvres. D'ailleurs ce n'était pas contre lui qu'elle était en colère. Surtout après ce qu'il avait fait avec sa bouche. Trois fois et elle en voulait encore.
-Le président sait être très énervant- constata-t-elle, plus calme, en frottant la joue contre la paume de la main de l'homme. Elle aimait ces mains. Puissantes, les veines évidentes, la peau mate et lisse... elle ferma les yeux, et cette fois son soupir fut différent. Un soupir qui donna un frisson d'anticipation à son compagnon.
-Je veux passer ton anniversaire avec toi comme on a décidé, pas avec le président- continua-t-elle.
-Je sais. Moi aussi, je veux le passer avec toi et apprécier ta surprise- replia-t-il. Il savait qu'il s'agissait d'un voyage, mais il ne connaissait pas la destination. Il était curieux, très curieux, mais il ne voulait pas gâcher la surprise.
-Je me demande comment pouvais tu le supporter quand il était ministre... il cherche toujours à obtenir quelque chose! Avant avec son charme, et après avec son influence. Je suis sûre qu'il fera appeler mon éditeur pour que j'aille à cette foutue soirée-
-J'aurais voulu le tuer, plusieurs fois- lui assura-t-il, descendant lentement avec sa main. Les lèvres, le menton, le cou, le sein. Il pinça doucement le mamelon, qui se dressa. Elle se mordit la lèvre inférieure.
-Tu aurais dû- fit elle, encore contrariée.
-Mais si je l'avais fait, maintenant je ne serais pas ici, avec toi, à faire ce qu'on va faire- la réponse vint avec un ton malicieux.
-Et qu'est-ce qu'on va faire, maintenant?- une question faussement innocente, une main fine qui glissait le long de son torse sec et musclé.
-Mais rien, ma chère. Je n'ai plus l'âge pour un deuxième round- taquina-t-il.
Elle haussa un sourcil, amusée.
-Menteur- un nouveau sourire, lorsqu'elle glissa sous le drap, sur son bas-ventre. Elle effleura sa chair tendue, lui donnant un frisson.
-Manu?- voix enrouée, accent sur le « ma », exactement comme il préférait.
-Oui?- ces yeux, ces abîmes de miel. Jeunes, mais avec un regard ancien. Profond, doré, chaud.
-Che aspetti a baciarmi?- *Tu attends quoi pour m'embrasser?*
-Che tu me lo chiedessi. Vieni qui- *Que tu me le demande. Viens ici* avec cette réponse il l'attira sur lui, et quand finalement elle fut assise à califourchon sur son bassin, il prit sa bouche avec passion.
Et après désir. Désir et plaisir. Désir brûlant, plaisir aveuglant. Feu de la chair.

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⏰ Última atualização: Jul 20, 2019 ⏰

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Le feu de la chairOnde histórias criam vida. Descubra agora