Chapitre 3

1K 50 6
                                    

Je ne savais pas quelle date nous étions, pourtant en me réveillant ce matin, mes maux de ventre me l'ont rapidement fait savoir. Nous sommes le 16 juin, soit l'anniversaire du jour de la mort de ma mère. Je ne comprends toujours pas pourquoi on appelle cela un anniversaire, j'ai toujours associé ce mot à un jour heureux, or, en cette journée du 16 juin, la seule chose que je ressens, c'est de la tristesse et de la culpabilité.

J'ai perdu ma mère à l'âge de vingt ans alors qu'elle était atteinte de leucémie. J'ai appris l'existence de sa maladie lors de ma dernière année de lycée, à cette époque la leucémie était en phase chronique et les médecins m'expliquaient que sans traitement son espérance de vie ne dépasserait pas les trois à cinq ans. Malheureusement, en résidant aux États-Unis, ma mère ne bénéficiait pas d'une prise en charge complète des soins. De plus, sa situation précaire ne permettait pas de rembourser le traitement. Par conséquent, je lui avait promis que je la sauverai de la maladie, et ainsi, j'ai juré de travailler dur pour payer ses soins. À partir de là, j'ai enchaîner les petits boulots et augmenté mes résultats scolaires. Mais malgré l'argent gagné pour lui apporter quelques soins, la maladie s'est aggravée et seule la greffe de moelle osseuse pouvait sauver sa vie. Cependant le coût de l'opération était exorbitant, plus de trois cent mille euros. Alors, pour ne pas trahir ma promesse, j'étais prête à contracter un prêt sur trente ans afin de payer l'opération. Malheureusement, faute de temps pour trouver un donneur compatible, ma mère décéda à l'âge de quarante-cinq ans, le 16 juin 2002. Et tout ça, c'était de ma faute, si seulement j'avais fais mieux, si seulement j'avais travaillé plus et gagné plus d'argent, j'aurais pu payer l'intégralité de son traitement et gagner plus de temps. Ce jour là, j'ai su que j'avais trahi ma promesse et que jamais je ne reverrai ma mère. Alors depuis ce jour fatidique, j'ai décidé de détester le principe même de promettre, c'est à cause d'une promesse que j'ai donné de faux espoirs à ma mère et jamais plus je ne ferais souffrir et trahirais quelqu'un de la sorte. Au final, la seule chose que je m'évertue à faire pour ne pas déshonorer sa mémoire, c'est de travailler sans cesse et d'être la meilleure dans tout ce que je fais.

En raison de la mémoire de ce jour, j'ai l'humeur massacrante et les nerfs à fleur de peau dès le réveil. Dans la cuisine, je me fais couler un café mais ne prends pas la peine de petit-déjeuner, je sais que je n'arriverai rien à avaler. Après avoir bu mon café, je me brosse les dents, m'habille et me maquille. Une fois prête, j'entame de sortir de chez moi avant de m'arrêter devant le miroir de l'entrée. En regardant mon reflet, je me rappelle que même si cette journée est difficile, je ne dois pas céder, je ne peux pas. Si j'affiche ma faiblesse aujourd'hui, les autres auront pitié de moi et je ne veux pas que cela se produise. C'est donc avec le cœur serré mais une façade inébranlable que je pars au travail.

Après cinq minutes de marche, j'arrive au bureau et m'engage dans le premier ascenseur qui s'ouvre. J'appuie sur le bouton menant à mon étage et alors que les portes commencent à se fermer, une personne fait irruption dans l'ascenseur. Même si elle est de dos, je la reconnais à cause des mèches rebelles sur sa tête, c'est Margot. Au moment où elle tente d'appuyer sur le numéro de notre étage, elle se rétracte comprenant qu'il est déjà activé. Puis elle se retourne vers moi tout en se baissant pour me saluer. Mais en se relevant son visage se crispe, apparemment elle n'est pas très heureuse de me voir. Alors, pour essayer de faire la discussion je lui fais remarquer son état de nervosité lors de son arrivée en trombe dans l'ascenseur et la questionne sur la raison de cette état. Elle me répond qu'elle ne l'ai pas, mais son bégaiement la trahit et me dit le contraire. Je lâche un sourire en coin, face à cette vaine justification.

- Ça vous amuse, n'est-ce pas ? me demande-t-elle d'un ton froid.

- Je ne sais pas, tout dépend à quoi vous faites référence, répondis-je d'une voix sérieuse.

Ça question et le ton qu'elle a employé ne me rassurent guère sur la suite de la discussion et en effet sa voix se fait de plus en plus dure.

- Mépriser les autres et toujours avoir le denier mot. Ce sont les seules choses qui semblent vous amuser, me reproche-t-elle.

Elle a vraiment choisit le mauvais jour pour me faire des reproches. Ses mots me font un effet électrisant et ne manquent pas de me blesser personnellement. Alors, pour que mes pensées négatives ne refassent pas surface, je réplique sur un ton détaché :

- Eh bien, en vérité ce sont plutôt des conséquences de mon premier plaisir.

- Et en quoi consiste-t-il exactement, pour que vous ayez si mauvais caractère ?

Je sens l'énervement mais surtout la tristesse monter en moi, Margot ne me connaît pas, ne sait rien de ma vie et pourtant me elle m'accable déjà des pires défauts. Elle ne se rend pas compte que la personne que je déteste le plus, c'est moi. Elle ne peut pas comprendre ce que l'on ressent lorsqu'une personne meurt à cause de vous, à cause d'une putain de promesse. J'ai promis de sauver ma mère, j'ai promis de travailler dur pour elle, pourtant j'ai tout foiré et je l'ai laissé mourir. Je suis coupable de sa mort et jamais plus je ne veux entendre quelqu'un promettre de travailler dur, surtout quand en vérité on ne travaille jamais assez. Si je suis si dure avec les autres, c'est pour leur éviter d'être comme moi, c'est-à-dire une fille qui à laissé crever sa mère. Alors, Margot, je vais t'expliquer pourquoi j'ai si mauvais caractère :

- C'est évident, je veux être la meilleure. Je méprise ceux qui abandonnent dès la première difficulté alors qu'ils ont juré travailler dur. Je les méprise car ils font des promesses qu'ils ne parviennent pas à tenir. Ils ne savent pas ce que travailler dur signifie et ils ne comprennent pas non plus l'enjeu d'une promesse.

Le ding de l'ascenseur retentit, je sors d'un pas déterminé et rejoint l'open space afin d'accueillir nos recrues. Quelques seconde après moi, Margot arrive et vient se poster face aux employés, puis un instant plus tard apparaît Daniel, le nouveau responsable marketing. Voulant rapidement mettre fin aux présentations, j'invite nos deux nouveaux collègues à se présenter. Je fais mine d'être intéressée mais au fond je suis à bout de souffle. Les larmes me montent aux yeux , il faut vraiment que je sorte de là. Heureusement, les applaudissement ne tardent pas et je ne perds pas de temps pour rejoindre à grandes enjambées mon bureau où je m'enferme à double tour. Une fois à l'intérieur, je me laisse glisser contre la porte pour finir ma course sur le sol. Je suis assise, les genoux à hauteur de menton et plonge ma tête à l'intérieur du creux qui s'y est formé. Cette fois ci, mes larmes coulent et dévalent mes joues, décidément ce n'était vraiment pas le bon jour pour me faire des reproches. Mon corps tressaille et ma respiration se fait de plus en plus difficile à mesure que je repense à ce fameux jour du 16 juin 2002.

Finalement, c'est cloîtrée, en pleure, dans mon bureau que je passa ma journée.

Viens sous mon parapluie (ELENA vers.)Where stories live. Discover now