eight - Cher corps

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Je n'ai pas envie de juste dicter ce que je vois de mon corps. J'ai envie de tout reprendre et de peser mes mots.

Mon corps dispose presque d'une personnalité. Quand il a mal ou va mal il n'envoie pas les signaux. Il ne dit rien quand il est malade et fait comme si tout va bien.

Quelques côtés négatifs de ce fait, je l'ignore totalement quand je suis malade, et en l'apprenant, j'ignore les dégâts et ne demande pas à être soignée.

Moi j'essaie de le protéger des médecins qui essaient de le bousiller avec des médicaments même pas adaptés à la bonne maladie, sans toujours trop de succès.

Mais parfois, il ne peut plus cacher la douleur, et c'est alors une réelle torture. Submergé par cette ennemie, c'est le mot.

Là encore, je voudrais le protéger des médecins ingrats qui jugent les corps d'incapables et les gens de chochotes. Il voudraient ouvrir mon ventre pour au final me dire que je n'ai rien ?

Ils me traitent déjà de menteuse. Mais si mon corps devait être personnifié à ce moment là, il baisserait la tête et dirait que le médecin a raison. Comme je l'ai fais.

Mais il a vécu ce corps. Beaucoup, beaucoup vécu.

Cher corps,


Tu avais cinq ans, que déjà je ne fonctionnais pas comme les autres. J'avais parfaitement conscience de mon corps. Je me sentais bien, avec toi. Et toi, tu étais parfait pour moi.

Je te trouvais tout juste assez maigre. On ne se moquait pas de toi. Et je ne ressentais jamais rien.

Maintes fois ma mère se réveillait alors qu'extenuée elle s'était endormie sur le canapé, et te découvrait couché par terre à ses pieds.

Je m'en fichais, et toi aussi. Tout comme la cascadeuse que nous étions d'ailleurs : tout descendre la tête la première, presque mon credo.

Tu épatais les gens, toi avec ta force incroyable pour une gamine et moi pour mon caractère de baggareuse. Le combat de taureau, personne ne te battait, même très musclé.

Si doux caractère que c'est en plantant la tête sans le sable à une fille de l'école que nous devinrent meilleures amies.

Puis était venu le primaire. Une autre histoire, pas exactement pire que la maternelle mais ils tapaient plus fort. Et ça faisait un peu mal parfois.

Mon hyperactivité montait en flèche que je te faisais du mal comme j'en avais dans le crâne. Chaque cicatrice, je les agrandissais.

Je suis, bizarrement, fière des colonies de cicatrices qui ornent mes bras. C'est le signe qu'ensemble on s'en est sortis !

Malgré mon cousin lorsqu'il me bloqua les mains dans le grillage. Malgré le gros Mattéo qui te croyais être un punching-ball.

Malgré les claques légendaires d'Aurélia, les bagarres avec Morgane et tous ces bleus qu'elle t'infligeait. Malgré la mine de critérium plantée dans la main trois semaines de temps.

Malgré la punition que tu dûs faire avec un stylo planté dans le dos dont la maîtresse se moquait éperdument. Malgré l'herpès d'angoisse qu'elle te  provoqua. Quand tes organes ne répondaient plus à cause d'elle.

Le collège se passa mal à la maison. En fait, on te reprochait une chose, en particulier mon père : "Eh la galette ! T'as grossi fais gaffe !" S'esclafait-il.

Tu grossissais. Maman qui voulait aider, se trahissait quand même. "Tu rentres plus dans ce pantalon ? Mais je le portais encore à vingt-cinq ans !". Elle en avait trente.

Petites histoires d'un rêveur terre-à-terreWhere stories live. Discover now