Cariña

Souvenirs, souvenirs : Février 1999 - Elio part 1

            Je ne sais même pas comment qualifier ma rencontre avec Amandine. Un heureux hasard ? Le destin ? Un accident de parcours ? Une bouffée d'oxygène ? Un grain de folie ? En fait, c'est un peu de tout ça à la fois.

Ça fait deux semaines que j'ai mis un terme à ma relation et je n'ai pas la pêche. C'est le second week-end que j'erre de pub en pub sans but précis. J'ai tellement le cafard, que je me botte le cul tout seul pour m'obliger à sortir et voir du monde, mais mon vague à l'âme doit se ressentir, car les gens me tiennent à distance. Honnêtement, ça m'arrange. Je n'ai aucune envie de parler ou de danser. Je ne suis même pas motivé pour boire ! Je tente une dernière fois avant de rentrer. Je laisse mes jambes aller où elles veulent, de toute façon, mon cerveau n'est pas en capacité de réfléchir. Sauf qu'au moment de pousser la porte, je prends conscience que c'est la troisième fois de la soirée que j'entre à El caliente. Sans motivation, je me fraie un passage jusqu'au comptoir. Carlos vient me voir pour prendre ma commande. C'est à ce moment-là qu'on me tape sur l'épaule. Tournant la tête, je découvre Anita, la cousine de mon ex. Il manquait plus que ça ! Je l'aime bien, mais s'il y a bien des gens que je ne voulais pas rencontrer, c'est la famille de Monica ! Seulement, dans une petite ville comme la nôtre, où tout le monde se connaît, je me dois de faire contre mauvaise fortune bon cœur aussi j'entame un échange avec elle. La discussion m'obligeant à reprendre contact avec la réalité, le cocktail aidant, je regarde autour de moi. L'assemblée s'amuse, boit, rigole... Anita me parle, mais je n'écoute que d'une oreille distraite. J'appréhende tellement qu'elle mette la rupture avec sa cousine sur le tapis.

En faisant un tour d'horizon, je vois que la jeune fille qui se tient aux côtés d'Anita m'est totalement inconnue et qu'elle ne semble pas s'amuser beaucoup elle non plus. Je remarque aussi son charme. Si seulement elle pouvait lâcher la télévision du regard quelques secondes pour me faire face.

À plusieurs reprises pendant mon échange avec Anita, mes yeux se portent sur l'inconnue, espérant qu'elle tourne la tête vers nous ou tout simplement qu'elle s'anime. Sérieusement, on mettrait une statue à côté d'elle, je suis sûr qu'elle serait plus vivante ! Anita continue de me parler, mais mon attention est désormais ailleurs. Pourtant, elle prend gentiment de mes nouvelles, me pose des questions sur les futures sélections. Je réponds mécaniquement, espérant que ce ne soit pas pour faire un compte rendu à Monica, sans réussir à lâcher sa voisine des yeux.

Mais quelle bêcheuse ! Le seul moment où elle décroche de l'écran, c'est pour prendre son verre. Verre-écran, écran-verre. Ah, tiens, son regard m'effleure... Pas la plus petite réaction, pas un sourire. Décidément ! Je sais que j'ai une réputation de Don Juan et je ne la contredirais pas. Mais là...

Anita doit avoir remarqué l'intérêt, si on peut appeler ça comme ça, que je porte à la demoiselle, car elle propose de me la présenter. Tiens, elles se connaissent ? Je suis de plus en plus curieux ! J'accepte. À ma grande surprise, Amandine, puisque c'est son prénom, est française. Ceci explique pourquoi je n'avais pas souvenir de l'avoir déjà vue. Je laisse Anita tapoter sur l'épaule de son « amie », elle fait ça si bien. La petite française se tourne alors vers nous avec un grand sourire sur les lèvres. Et Dieu, quel sourire ! D'un coup, la salle semble plus éclatante, plus lumineuse. Mon cœur se met à battre comme si je venais de traverser le terrain pour marquer le but de la victoire. Si je suis dans cet état avec un sourire, qui ne m'est même pas destiné, ça promet !