CHAPITRE I - La taverne les Trois-cornes: l'arrivée (2) ~ Brore ~

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Mis en ligne le 12/09/2019


Un choc retenti, qui continua en stridule sifflant dans l'air. La dague fut déviée, emportant le jeune homme qui tomba presque cul par-dessus tête. Penaud, il se redressa pour ramasser son arme ébréchée sur le tranchant.

L'homme étrange rengaina une lame de poing en la faisant tournoyer autour de ses doigts.

Le garçon, par terre, sur les genoux se frotta l'avant-bras, encore vibrant et douloureux de la rencontre des lames. Il fouilla dans sa mémoire pour retrouver le souvenir de l'affrontement. La seule sensation qui demeurait était celle du choc puis de la chute. Ce qui s'était passé avait été trop rapide pour qu'il le perçoive. Il chercha dans la foule, en vain, la réaction de quelqu'un. La fête continuait à côté.

Le garçon voulut se relever, mais s'arrêta lorsqu'il découvrit l'autre, face à lui, fixe, le regardant à travers ses mèches éparses. Très vite, il s'abaissa à son niveau, face contre face, presque nez et lèvres contre nez et lèvres. Le jeune arrivant entrevit ses yeux, pareil à ceux d'un hibou, d'une force de présence qui le retenait cloué immobile au plancher.  Une pièce d'argent, tenu par deux doigts, entra dans son champ de vision par la gauche.

– Tu peux me la donner, demanda l'autre d'une voix nasillarde, je l'ai attrapé pendant ta chute.

– Quoi !

Tout lui semblait confus, même la lumière de la taverne. Il eut du mal à replacer ses pensées dans sa tête.

– Eh bien... pour la faire courte, j'ai perdu un pari avec un salop d'archer... et je lui dois une pièce d'argent avant minuit, dit-il.

Sa voix était éraillée, comme ivre, accompagné de la gestuelle de quelqu'un engourdi ou un peu limité.

La seule réponse qui venait en tête du jeune garçon était « oui », pour ne pas vexer l'autre et ne pas prendre le risque de se faire trancher à la vitesse de l'éclair. D'autant qu'avec le recul, il comprit que l'autre n'aurait eu aucune peine à lui voler la pièce, il lui avait demandé, et par conséquent il était peut-être possible de discuter, et peut-être d'avoir des informations. Il peina à trouver une bonne suite de mot pour attaquer la discussion.

– Eh bien... je consens à vous la donner si vous acceptez de boire un verre et de discuter. C'est moi qui invite ! Dit-il.

– Très bien.

L'étrange personne se redressa avec entrain, agitant ses bras dans le vide, sans doute satisfait de la proposition du jeune homme.

Les deux s'assirent, au moment où la tenancière repassa. Le jeune demanda une chope de bière et posa une pièce de bronze sur le comptoir, vite remplacé par deux de cuivres. Alors que la boisson arriva, le jeune se demanda par où commencer ses questions. Il ne voulait pas faire un interrogatoire, mais avez besoin de réponses .... Il fut coupé dans ses pensées.

– La spécialité, lança l'autre en lorgnant le gobelet en bois du garçon, appelé également le trois-cornes, d'où le nom du bar....

– Je sais... reprit-il, on m'a vanté cette boisson à la cap...

Il s'arrêta en pleine phrase. Son interlocuteur laissa un silence pour faire remarquer qu'il en avait pris note. La sensation d'inconfort oppressa à nouveau le garçon. Quelque chose le déranger dans l'attitude de l'autre, une sorte d'inconstance qui l'empêchait de lire clairement ses attitudes. Il paraissait ivre, mais à certain moment aussi vigilant qu'un aigle en pleine chasse. Pour garder bonne contenance et ne pas se laisser démonter, le garçon avala une gorgée.

– Quel est votre nom ?

Demanda l'autre avant que le jeune ait fini qui pensait pouvoir tempérer la discussion jusqu'à ce qu'il est fini.

– Brore, répondit-il

– Brore ! Intéressant. Simple et rude dans les sonorités à cause des « r « qui roulent sous la langue. C'est un nom qui permet de se faire appeler de loin, parfait pour un serviteur. Intéressantes trouvailles !

Il ne sut pas comment prendre cette remarque, elle avait un fond de vrai.

– Et vous ? Demanda-t-il

– Les noms ne doivent pas être donnés à la légère, ils permettent d'en savoir beaucoup sur une personne. Attendons de nous connaître mieux...

– Bah ! Vous m'avez demandé le mien ! La politesse voudrait que...

– La politesse voudrait qu'on n'agresse pas le premier venu sur un simple coup de tête...

– Vous avez été étrange... votre façon de bouger... de me fixer... de porter la main à ma cuisse. J'ai eu peur de tomber sur un voleur ou pire.

– Vous venez dans une taverne perdue au milieu de la forêt et la seule chose qui vous inquiète c'est les voleurs ? Intéressant ! Cependant, pour vous aider à adoucir votre malaise je vous proposerai de jeter un coup d'œil derrière vous.... Tous ici sont trop ivres ou trop gais pour chercher à vous importuner. Ce lieu est peut-être peu recommandable par son éloignement de la ville, mais c'est sûrement de toute la région le plus recommandable en termes d'ambiance et de tenu. Marmine y veille, dit-il en pointant la tenancière du doigt....

Elle avait les cheveux courts, grisonnants, la mine rude et renfrognée. Mais curieusement, et d'autant plus de par son âge ( la soixantaine), son visage était dessiné de traits d'enfants. Elle était petite, avec un embonpoint certain, lui donnant une silhouette arrondie, mais équilibrée et uniforme.

–... Elle a à cœur qu'aucun désordre n'arrive jusqu'ici, ce lieu est exclusivement destiné à la fête et non au coup bas. Ça mon cher, c'est une mentalité de citadin ! Intéressant ! Que vient faire un citadin par ici ?

Brore resta réservé. Des questions lui démangeaient les lèvres et pourtant, alors que la discussion débutait à peine, il avait l'impression d'apporter uniquement des réponses à l'autre, et du même coup trahissait la raison de sa présence. L'autre se ravisa en comprenant que le garçon ne répondrait pas.

– Le seul ici, que je vois poser problème, c'est vous, déclara-t-il !

À la fin de sa phrase, il appuya son regard sur Brore. Ce dernier vu distinctement ses deux grands yeux. Les pupilles se gonflaient lentement dans les pulpes vitrées. Brore sentait son être aspiré à travers. Incapable de bouger, de penser, il ne pouvait que se laisser envahir par cette pression sur son esprit. Il se noya dans l'obscurité des yeux dilatés. La lumière, les bruits de fête disparurent.

C'était comme être à demi endormi. Brore sentait son corps, mais allégé, flottant. Tout lui paraissait soit loin soit irréel. Puis il entendit l'écho d'une suite de questions qui lui était adressées et remarqua, que sans s'en rendre compte, il répondait. Sa bouche s'agitait, sans que sa pensée puisse avoir ou non le choix de sceller ses mots. Il voulut résister à cette emprise qui écrasait sa volonté. Dès lors, dans l'obscurité se dessina l'ombre d'un oiseau immense qui déployait lentement ses ailes autour de lui, et le serra. Son cœur s'accéléra, la respiration devint de moins en moins évidente, de sorte que chaque nouvelle bouffée était plus difficile que la précédente. Le bruit d'une chaîne d'acier tapant contre un mur le mit dans une peur panique qui le fit s'agiter au-delà de la raison.

– NON !


La suite arrivera avant le 20/09/19

En attendant, n'hésitez pas à commenter l'histoire et à me dire ce qui vous plaît ou non, afin que je l'améliore !


Les Chroniques de Tamaran: Les ÉlémentalistesWhere stories live. Discover now