Le Voyage de Ko et autres contes [ÉDITÉ]

Bonus : Le Soleil et les girafes

Autrefois, toutes les girafes avaient le cou court. Elles vivaient sur des plaines ensoleillées, où la trop proche lumière de l'astre du jour brûlait les yeux de ceux qui osaient le regarder.

Les longs cils noirs des girafes ne les protégeaient pas assez des puissants rayons, aussi, elles fixaient toujours le sol ou l'horizon (mais ni au lever ni au coucher) pour éviter d'être aveuglées. Une girafe au cou court, comme tous ses congénères, but à un lac et omit de fermer les yeux. Elle pencha la tête sur le lac, où le seul reflet du soleil lui vola la vue. En si peu de temps qu'elle le vit, elle tomba folle d'amour pour l'astre brûlant, et s'étira pour mieux sentir ses chauds rayons. Elle tendit la tête autant que son petit cou le permettait, et tendit les jambes jusque sur la pointe des sabots. Les autres girafes, intriguées, dressèrent la tête à leur tour pour voir de quoi il en retournait, et sentirent sur leur front les chaudes caresses du soleil. Toutes les girafes, muent d'un même amour, d'un même élan, se tendirent et se tendirent pour approcher l'inatteignable. Elles se tendirent tant et si bien que, peu à peu, leurs pattes s'allongèrent, et leur cou s'éternisa.

Trop d'entre elles ne purent résister à la curiosité, ouvrant les yeux sur l'astre aveuglant, et se virent privées de sa lumière jusqu'à la fin de leurs jours.

Le soleil, voyant cela, s'enfonça dans les cieux, s'éloignant de la terre et de la lune, dans l'espoir d'épargner les girafes enamourées.

Les grandes dames se tendirent alors davantage, dépassant bientôt les arbres les plus proches des cieux. Et le soleil se recula encore, et les dames grandirent encore.

Un jour, enfin, les girafes cessèrent de grandir, et le soleil cessa de s'éloigner.

Aujourd'hui encore, Dame Girafe étend son cou dans l'espoir un peu fou d'effleurer son amant d'amadou. Et le petit lac qui leur avait le premier révélé la beauté de leur aimé ne sait s'il faut rire ou pleurer, car les grandes dames sont forcées de gesticuler pour s'y abreuver, mais quand bien même, elles lui font de la peine à tendre ainsi vers un insaisissable infini.