Exiguë

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PDV de Reagan

⚠️ scène qui peut-être difficile

Je tourne, je vire dans l'espace exiguë qu'est notre salle de bain. L'eau coule en torrent dans la baignoire pendant que je fais les cents pas. J'arbore le périmètre de long en large, libérée de l'inconfort étouffant de mes vêtements mais prisonnière d'une cellule sphérique qu'est ma tête avec mes souvenirs. Jules est partie travailler après avoir terminé sa valise et s'être assurée de mon état. Enfin de mon état de façade. Elle m'a laissé un cadeau foireux en évoquant mon frère, on le faisant remonter à la surface, en le réanimant de ces eaux troubles et maintenant, je me répète les scènes en boucle telle une leitmotive coincée dans ma tête.

Je m'arrête devant le miroir. Je ressens de petites décharges électriques; les nerfs de mes jambes bougent encore. Je n'arrive pas à les calmer, l'immobilité leur est impossible. Je me penche au dessus du lavabo. Je m'appuye sur mes mains, prenant prise sur quelque chose de solide, encré dans le sol et bien réel pour tenter de reprendre mon souffle saccadé.

Si seulement c'était si simple. Le concret ne me fait rien. Je cherche mon propre regard dans le miroir. Je ne sais pas ce que j'espère y trouver. Peut-être de la compréhension ? De la force? En tout cas, tout ce que j'y découvre dans cette glace, ce sont des yeux remplis de dégoût, de rage et de supplication.

L'air devient chaud. L'atmosphère moite fait naître une fine couche de sueur sur ma peau dégueulasse. Je regarde mon corps nu, souillé par les souvenirs de ses actes.

Mes cheveux tombent sur ma poitrine. Ils caressent mon ventre. Le contacte doux de ceux-ci me fait frissonner. Un frisson glacial. Malsain. Comme ceux que je ressentais avant. Ma gorge se noue. Je déglutis péniblement. Un petit pincement au cœur se fait sentir, suivit de ce sentiment autrefois endormi que je déteste et qui na jamais cessé de me côtoyer :La sensation d'un gouffre m'aspirant sans que je puisse lutter.

Le meilleur moyen d'empêcher une chanson d'envahir complètement ta tête c'est de la chanter... c'est peut-être pareil avec la douleur Ray.

Du bout des doigts, je caresse mon sternum. Je suis les reliefs de mon squelette, j'esquisse la bosse de mes os jusqu'à atteindre mes cheveux reposant sur ma clavicule. Je saisis la tignasse aux reflets auburns et les places dans mon dos. Un carré de peau se libère alors. Mon souffle s'accélère, tout comme les battements de mon cœur. Mon instinct primitif me cris de stopper ma démarche. Plus j'ai chaud plus je sens que mon corps me prévient d'un danger éventuel. Mais je passe outre.

Mes ongles s'implantent dans la chaire pleine de mon épaule. Des petits croissants de lune rougeâtres apparaissent. Les battements de mon cœurs font écho dans cette petite blessure nouvelle à vif. Je mords ma lèvre fort, anticipant mon prochain mouvement. Mes dents et mes lèvres me servent de bâillon, pour qu'aucun son ne sorte.

Ma main se plaque autour de ma gorge comme un sangle cette fois, puis descend sur ma poitrine jusqu'à la naissance de mes seins. Malgré cet état second, je prend le soin de suivre mes gestes dans le miroir. Une fois que je sens le grain de beauté faisant une petite bosse, je sais que j'y suis. Je me souviens. J'y suis. Mes doigts deviennent tremblant, mes mains moites. Mon corps essaie de se défendre en frissonnant, transpirant mais je continue encore. Le faire va te soulager.

Mon indexe touche mon sein. Ma main vient le recouvrir. J'ai envie de vomir. Mes doigts se resserrent autour de celui-ci. Tu te souviens ? Oui. Je progresse. Je presse plus fort, c'est presque douloureux. Avec ma paume je commence à fais des ronds, des palpations. Les larmes coulent soudain sur mes joues. Elles finissent leur route sur le sol. Je ferme les yeux. Mes simples larmes se transforment en sanglots. Mes mains deviennent les siennes. La salle de bain devient la chambre de la maison de vacance. J'ouvre la bouche afin de chercher de l'air dans ma suffocation. Stop! Arrête! Arrête! C'est ce que j'aurais aimé lui crier... mais je suis muette... Stop.

J'ouvre mes yeux en grand. Je retire ma main comme si c'était un demon. Dans le miroir je découvre ma poitrine meurtrie d'un rouge vif, je suis à fleur de peau. Mon visage est trempé de transpiration et de larmes. Mes cheveux sont collés sur mes joues. Degueulasse! Tu es pathétique !

Dans une rage aveuglante doublée d'un gémissement de douleur cinglante, je place mes mains sur mon visage au bord de l'effondrement. D'un geste violent, je fais voler le premier truc posé sur au bord du lavabo. Un bruit de verre éclaté résonne. Je crois que c'est mon cœur pendant un instant. Mais non, c'est le parfum de Jules... une odeur de vanille s'éveille. La rage s'évanouit, faisant place à la culpabilité lorsque la fragrance rassurante me ramène presque à un état normal . Merde! Je suis conne! Qu'est-ce qu'il ne va pas chez toi Reagan!

Je me baisse rapidement pour nettoyer mon bordel. Je lève les pieds, marche sur la pointe des pieds avec prudence pour éviter les bouts de verre. Je saisis les plus gros morceaux avec mes doigts.
Je regarde le bain un instant. J'ai oublié l'eau.. je reviens sur le fragment de flacon brisé dans ma main. Il gît dans une petite flaque de sang. Le bout de verre à pénétrer ma peau. Merde !

Hello! Juste une petite précision: Cette scène était super difficile à écrire. Elle est plutôt dark mais malheureusement se sont des réalités pour certains (es) ... je ne prône pas ce genre mais je pense qu'il faut ce sentir libre d'en parler avec quelqu'un! Reagan n'est pas décrite comme faible ou forte, elle est ici pour montrer que d'être perdu arrive à tout le monde et qu'il y a de l'aide ... Voilà ! Xx si besoin, je suis à votre écoute pour discuter de tout et de rien! All my love xxx
Fred

Le Chef-d'œuvreWhere stories live. Discover now