A l'aube du renouveau

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L'air de cette fin du mois de Juin sentait l'humidité. Je hâtais le pas le long de l'avenue Berthelot. À quelques centaines mètres, s'élevait l'école du Service de santé, haute bâtisse dont les cheminées disparaissaient dans le plafond nuageux, me glaça les entrailles. Les murs d'un blanc passé s'affronter avec les hauts monticules de sac de sable, censé barricader les entrées. Mon regard rencontra mon reflet au travers d'une vitrine d'un magasin quelconque. Mes cheveux d'un auburn autrefois étincelant étaient tiré en arrière, se rassemblant en un chignon serré qui épousait délicatement le bas de ma nuque, à la jonction de ma veste d'uniforme. Mon teint blafard et mes yeux hagards complétaient ma tenue d'officier de la neuvième direction. Remontant la lanière en cuir de ma sacoche sur mon épaule, je stoppais cette courte contemplation de ma personne, afin de me tendre tout entière vers mon objectif. Je gravis les marches en pierre brute d'un pas franc et assuré, essuyant furtivement mes pommes moites sur ma jupe. L'intérieur de la bâtisse sentait le tabac froid, l'eau de Cologne bon marché et la transpiration masculine. Un homme à l'allure frêle et au visage émacié s'approcha immédiatement de moi

-Frau Vladinsky1, le chef de section vous attendez plus tôt.

-Si vous vouliez bien m'introduire immédiatement, je vous en serai gré.

Vexé par mon manque de tact, l'officier releva le nez en l'air et agita la main de façon impétueuse s'éloignant sans plus attendre, je m'engager à sa suite au travers du dédale de couloirs faïencier. Faisant abstraction de l'excitation inhabituelle imprégnant le lieu, je vissais mes yeux clairs sur la croix gammée dessiner sur le brassard de l'homme. Nous nous engagions à présent, sur les premières marches du grand escalier. Cet ouvrage en chêne massif et aux marches abruptes montait en colimaçon. Les lattes grincèrent à chaque pied posé, le bruit se répercutant contre les murs décorés à la splendeur du Führer. Les secondes s'étirèrent en minutes alors que nous atteignions enfin, une lourde porte à double battants. Le son sourd d'un poing cognant contre le bois emplit le couloir. La porte coulissa, et le SS s'avança de quelques pas.

-Heil Frau commandant. Frau Vlandinsky est arrivée.

L'officier se retrouva face à moi, s'écartant légèrement afin de me laisser entrer. Je m'engouffrais sans plus tarder dans le bureau. Le grincement de la porte se refermant tel piège n'atteignit pas la plus petite partie de ma conscience, j'avais beau être venue tellement de fois que je ne saurais les compter, cette pièce me procurait toujours les mêmes sensations, tout comme l'homme se détachant en contre-jour à la fenêtre. Je humais l'air délicatement. L'odeur musquée se dégageant de l'individu me fit frémir. Mes talons claquèrent sur le plancher ciré, alors que je m'asseyait négligemment dans l'un des lourds fauteuils en velours.

-Il va pleuvoir.

Je souriais malgré moi à l'énonciation de ce simple fait. Finalement, il pivota sur lui-même, s'appuyant nonchalamment contre le dormant en bois. Un visage au menton dessiné, des pommettes hautes, un nez élégant, des lèvres fines et des yeux aussi glaçant que les lacs de Sibérie. Nos regards s'affrontèrent quelques instants, l'air s'emplissant d'électricité. Il passa une main dans ses cheveux châtains avant de la glisser dans sa poche. Je lui souris effrontément.

-Ta soirée c'est bien passé Klaus ?

-Le vin était bon, la compagnie fort agréable, mais j'avoue avoir eu quelques problèmes de chauffage ce matin.

-La sensation des draps froids contre la peau n'est jamais vraiment agréable.

-Il semble me souvenir, qu'ils ne l'ont pas été durant une bonne partie de la nuit.

-Les fuites inopportunes font parties de mes spécialitées.

Un sourire en coin apparut sur sa peau d'albâtre. Passant son pouce sur sa lèvre inférieure, il contourna le bureau en pin, laissant son regard courir le long de ma silhouette. Je m'efforçais de garder une respiration lente et régulière, tandis qu'il s'accroupissait à mes côtés. Ses doigts calleux imprimant de légère caresse sur l'intérieur de mon poignet. Il approcha lentement ses lèvres de ma joue, son souffle traçant le contour de ma mâchoire. Sa bouche effleura le lobe de mon oreille.

A l'aube du renouveauWhere stories live. Discover now