Chapitre 1

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Ça fait longtemps que je n'ai rien écrit. Je ne sais pas par où commencer. Pour être honnête je ne sais même pas à qui je m'adresse. 

   Beaucoup de choses ont changé depuis mes dernières publications. Ma plus grande victoire aura été ma rencontre avec moi même. On dirait que je suis folle à dire ça alors je vais m'expliquer un peu mieux. 

   J'ai grandi dans la joie et dans l'ignorance du monde jusqu'à cette ravissante période de l'adolescence. Cette période où l'on doit apprendre à se connaître. Personne ne m'avait prévenue. Personne ne nous dit comment faire, pour nous parler, pour nous regarder, et surtout pour nous aimer. Cette période est dangereuse car c'est notre passage de la protection des autres à notre propre protection. On est vulnérable, mais aussi perdu. Avec du recul, certes peu mais pas négligeable, je vois cette période comme si on devait avancer dans un brouillard épais entouré de l'inconnu et les yeux bandés. Ce brouillard qui cache des milliers de façons de tomber dans le vide. Et je pense être moi même tombée dedans, comme beaucoup d'autres. Et l'on vit cette période comme une chute interminable. Tout ce que l'on sait dans ce moment là, tout ce dont on est sûr, c'est que l'on tombe et où on finira: à terre. Mais laquelle?

   Toujours dans cette vision de la chose je pense qu'il y a plusieurs paliers de chute. Le dernier est réservé à ceux qui, malheureusement, ne pourront finir leur chemin. Pour ma part, je pense être tombée bien bas. Je suis tombée par petits coups, j'ai descendu les paliers un à un durant près de quatre années. Il y a bien-sûr eu des années où je tombais plus souvent, plus vite sans jamais avoir le temps de respirer, de me relever. J'ai vécu ces deux années en apnée, j'attendais la chute finale, celle dont je ne pouvais me relever. J'y ai pensé, souvent. J'ai essayé, souvent. Quand j'y réfléchis, je ne comprends pas ce que je fais là encore maintenant. Si je regarde la Moi d'avant je la vois mourir, régulièrement. 

   Et puis un jour, je me suis relevé. C'était beau, magique même. Ce jour là je me suis enlevée des tonnes de chaînes mentales qui m'entravaient dans ma remontée. J'avais été fortement fragilisée par les deux années que je venais de vivre, mais je me sentais légère et libérée. J'avais encore bien-sûr quelques blessures ouvertes, mon corps, ma vision de qui j'étais et de qui je devais être, les autres aussi étaient toujours un combat mais je recommençais tout à zéro et c'est l'espoir que j'attendais depuis tant d'années. Cette année là a été compliquée parce que je devais apprendre à oublier et à pardonner. J'étais un peu redevenue sauvage avec mon rapport à l'autre, j'étais toujours sur mes gardes prête à bondir sur la moindre personne qui entachait cet espoir. Je vous raconte ça comme si ça avait été simple. Loin de là. J'étais extrêmement seule, le monde autour de moi avait compris comment fonctionner et moi j'étais toujours entrain de construire qui j'étais. Je me sentais en retard. Eux même me le faisaient sentir. Je voulais être aimée, je reprenais confiance et je me poussais à croire que peut-être ceux d'avant s'étaient trompés et que j'étais une bonne personne. Malheureusement, j'ai compris assez vite cette année là que j'étais "pas comme eux", j'avais cette aura qui repoussait les gens. J'essayais de m'intégrer en changeant qui j'étais fondamentalement, en usurpant l'identité de "la lycéenne modèle". J'essayais de ressembler à une fille comme j'aimais dire. Bizarrement, même si je pensais en avoir fini avec ceux d'avant, ils étaient toujours présents, je me modifiais selon les centaines de critiques que j'avais pu recevoir de leur part. J'étais inconnue à moi même. 

   Cette année là a été mitigée. J'avais cette victoire de devenir quelqu'un, mais il me restait encore tous ces cadavres passés que je continuais à traîner. Mais cette année a été le début de quelque chose de magnifique. Suite à cela j'ai du partir en filière littéraire, c'était pas vraiment un choix j'avais énormément d'a priori sur eux. Ça a  un peu été un échec quand j'ai su que je partais là-bas. Ma famille me le faisait ressentir, c'est comme si je devenais une ratée avant même d'avoir essayé quoi que ce soit. Mais j'y suis quand même allé. Et ça a été ma première bouffée d'oxygène. Je pouvais enfin apprendre à me construire. J'ai arrêté d'avoir peur d'être rejetée, peur d'être jugée simplement parce que tous les préjugés sur les personnes de cette filière faisaient que quoi que je décide de faire je pouvais pas faire pire que ce que l'on pensait de nous. Cette année là je me suis teint les cheveux en violet, ça a un peu été comme un "Vous me voyez? Tant mieux parce que de là où je suis je vous emmerde tous et plus jamais je me cacherai!". J'ai essayé différents styles, très féminins, puis masculins, je me suis maquillée puis j'ai arrêté. J'avais beau m'être libérée d'une nouvelle chaîne j'avais encore ce besoin de me mettre dans une case. J'acceptais pas le fait qu'on est pas simplement une forme fixe de nous même, que l'on est en éternel changement. Je croyais encore à cette époque, que je devais trouver une forme de Moi qui pouvait être comme je voulais, mais qui devait être fixe. Et que je devais garder à vie. Parce que dans ma classe, c'était un peu comme ça. Il y avait cette fille très jolie, qui, quoi qu'il se passe, devait rester cette fille très jolie. Et cela marchait sur toutes les personnes présentes. J'avais encore cette aura qui éloignait les gens, j'avais ce regard de dégoût pour ma personne, envers mon corps je l'aimais toujours pas mais c'était loin d'être mon problème numéro un. Le monde, tel que je le voyais, me faisait comprendre que c'était normal de ne pas s'aimer, d'avoir des complexes. La haine aussi, à cette époque tout autour de moi me disait que la haine était normale, et essentielle au bon fonctionnement de la vie. Alors je me construisait avec cette idée. Qu'il faut faire avec, savoir que ça existe, et presque même se fonder autour. Tous les exemples que j'avais me montraient que c'était inévitable. 

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