L'aventure commence

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Je marche le long de la route à deux voies et des voitures me frôlent toutes les trois secondes en klaxonnant. Je sens mon cœur se soulever à chaque fois qu'un camion passe à côté de moi, manquant me faire tomber. J'ai l'impression que le vent qu'il occasionne va me happer et m'entraîner dans le sillage de ses roues.

Je me recroqueville un peu plus sur le bas-côté, hésitant à marcher directement dans le fossé, lorsque le son d'une voiture ralentissant se fait entendre derrière moi. Le véhicule s'arrête à ma hauteur et la vitre côté passager s'ouvre.

Je ne prête pas attention au chauffeur et me remets en marche, convaincue qu'il s'agit d'un pervers s'arrêtant pour me harceler.

La nuit est tombée et je garde mon Taser à porter de main, mais on ne sait jamais.

- Désolée mon pote, je suis beaucoup trop chère pour toi.

- Ça, mon cœur, tu n'en sait rien. Mais je suis déjà flatté que tu es pensé à moi dans ce sens.

Oh.Mon.Dieu
Je ne prends pas la peine de tourner la tête vers la voiture qui me suit au pas. OK, ce n'est pas un pervers. C'est le pervers.

- T'as pas deux ou trois ados sans défense à persécuter? lui demandé-je sans lui adresser un regard.

Ma voix est cinglante. Toute la colère refoulée jusque'là surgit comme un ouragan déchaîné.

Il rigole.

Des voitures le dépassent en klaxonnant et il ne semble même pas le remarquer.

Que ce type m'agace.

Je m'arrête et me tourne vers lui. Il me regarde intensément, pas comme je le pensais. Il a l'air sérieux. Quelque chose dans son regard a changé. Quelque chose que je ne lui connais pas. Et moi je suppose que j'ai l'air furieux.

Je me remets à marcher d'un bon pas. La voiture redémarre.

- Tu veux que je t'amène quelque part?

- Va te faire voir. Je n'ai aucune raison de monter avec toi. Je n'ai aucune confiance en toi, je ne te connais pas et, le plus important je ne te sens pas.

Du coin de l'œil, je le vois poser un bras apathique sur le dossier du siège passager.

Je lui lance un regard méfiant. Il me fixe, un bras poser négligemment sur le volant, le menton dans la main. Un éclat malicieux éclaire ses yeux bleu outremer et un sourire séduisant s'épanouit sur son visage.

Je sais ce que je trouve étrange. J'avais oublié la véritable couleur de ses yeux. Les dernières fois où je l'avais rencontré, ses pupilles étaient tellement dilatées que l'iris entier formait un globe noir et qu'il restait à peine un contour bleu autour. Cette-fois ci, la couleur dominante est le bleu, bien que la pupille soit anormalement dilatée.

Il incline légèrement la tête sur le côté.

- Allons, je sais très bien que c'est faux. Je suis même certain que tu rêves de moi toutes les nuits.

Il a parlé d'une vpix douce mais son timbre dégoulinant d'arrogance ne me trompe pas.

Je sens les poils de mes bras se soulever alors qu'un frisson à la signification encore incertaine me parcourt de la tête au pieds. Je tente de garder contenance en lui lançant un regard mortel qui aurait suffit à stopper une armée entière au galop. Il ne cille même pas. Il se contente de laisser ses lèvres charmantes s'ouvrir sur un large sourire affable. Teinté de dédain.

Ma main, plongée dans mon sac en bandoulière depuis le début de la conversation et crispé sur la crosse de mon Taser, se met à trembler de rage. Je dois faire un effort surhumain pour renoncer à m'en servir. En tous cas, pas tout de suite.

J'inspire profondément et grimace en me remettant à marcher.

Il me suit.

- Tu as raison, je rêve souvent de toi. Sauf que, lorsque c'est le cas, il s'agit immanquablement de cauchemars.

Comme la réponse e vient pas, je le regarde, un peu surprise. Il a repris une attitude sérieuse et me fixe de ses yeux bleus perçants.

Je soupire une deuxième fois. Cet imbécile ne me ficheras pas la paix tant que je ne lui aurais pas donné ce qu'il veut. Ou tant qu'il ne se seras pas pris un bon coup d'électricité.

Je réfléchis quelques instants. Je n'ai nulle part où aller.

Dormir dehors est hors de question, et Levis Man n'a jamais eu d'attitude franchement belliqueuse envers moi. Juste absolument insupportable. De toute manière, si besoin est, j'ai toujours mon Taser.

Je repose mon regard sur lui, mon visage redevenu impassible.

- Ma mère m'a toujours dit de ne pas monter dans la voiture d'un inconnu.

Et pour appuyer cette maxime, j'ouvre la porte et m'assois sur le siège passager. S'il tente quoi que ce soit, il va avoir une drôle de surprise.

Il redémarre à toute allure, coupant la priorité à une voiture qui klaxonne furieusement.

Gabriel et Cassiopée

Les ailes d'émeraudeWhere stories live. Discover now