été 1987

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Le soleil caressait sa peau, à Louise. Il teintait son corps dénudé d'une jolie nuance dorée. Il râlait d'ailleurs de n'avoir pas accès à son corps en entier; un léger maillot pistache en cachait une partie. Une infime partie, mais suffisante à en faire mourir les autres vacanciers de curiosité. Son buste fin se soulevait et s'abaissait au gré de son sommeil, sa peau parsemée de sable était encore humide. Ses cheveux blonds n'étaient qu'embellis par le sel de la méditerranée; à demi emmêlés ils encadraient un visage boudeur, caché par de fines lunettes de soleil. Une douce brise venue de l'ouest faisait danser les pages d'un livre délaissé sur le sable. Premier Amour, de Samuel Beckett. Louise avait également posé près d'elle un petit panier en osier, duquel s'échappait une grappe de raisin frais.

A présent, le soleil déclinait. Le raisin était mangé, le livre rangé. La mer encore chaude lui avait fait de l'œil, on pouvait l'apercevoir à quelques mètres de là, l'eau jusqu'aux hanches. Tournée vers l'horizon, elle se décida à plonger.

Quand elle sortit de l'eau, une pensée vint lui effleurer l'esprit, puis se fit de plus en plus évidente; elle avait une irrépressible envie de peau contre la sienne.
. . .

Après une petite demi-heure de marche à travers les rues pavées de la ville côtière, Louise arrivait enfin face à un très grand portail de fer forgé, grignoté par le lierre. Il donnait accès à une grande maison appartenant à sa grand-mère; elle y avait invité ses amis les plus proches pour l'été. Elle tourna la poignée dans un grincement, et la lourde porte racla les gravillons de l'entrée.

Une douche et une robe enfilée plus tard, elle se trouva bientôt à trinquer son verre contre ceux de ses compagnons. Ce soir c'était champagne, son amie Jeanne avait sympathisé avec un vendeur de guitare. Au lieu de lui offrir un verre, c'est avec une bouteille entière qu'elle était repartie, ses beaux yeux verts ayant sans doute envoûté ce pauvre jeune homme. Tous rigolèrent à l'évocation de cette anecdote et elle éclata d'un rire démesuré. Il était clair et chantant. Soudain elle s'écria :

"Du jazz ! Je veux du jazz "

Un ami s'exécuta dans un sourire, il déposa sur le vieux tourne-disque le vinyle préféré de Louise et quelques instants plus tard, leur soirée commençait vraiment, bercée par l'air de Take Five de The Dave Brubeck Quartet, virevoltant à travers la nuit.

Tous discutèrent frénétiquement, tous se saoulèrent, tous dansèrent, tous riaient à outrance, tous, sauf un. Ce un, c'était Yvan, ce garçon intriguant à la peau matte et aux cheveux coupés ras. Il avait un regard en amande, et les pommettes rehaussées. Peu bavard, il gratifiait tout de même chaque conversation d'un sourire éclatant. 

Les heures passèrent, et les invités se retiraient dans leur chambre au compte goutte. Il ne restait plus que Louise et Yvan, dans le silence de la nuit. Les bougies étaient bientôt fondues, leur flamme oscillait doucement, pouvant s'éteindre d'une seconde à l'autre. L'alcool était redescendu, le tourne disque éteint.
Puis les bougies s'éteignirent. Alors Yvan fit craquer une allumette, et une faible lueur vint éclairer brèvement les traits fins de son visage tandis qu'il alluma une cigarette.
Louise se leva vivement, et attrapa une pomme qui trainait sur la table. Elle vint s'asseoir à califourchon sur une chaise, bien plus proche d'Yvan. Les secondes passèrent, ils s'habituaient tous deux à la pénombre et pouvaient à présent très bien se distinguer. Sur leurs pupilles brillait le reflet de la lune. 

Louise croqua la pomme, elle fixait Yvan intensément. Le jus coulait entre ses seins. Pas un instant elle ne le lâcha du regard. Le jus coulait, et lui il ne faisait que l'observer, expirant la fumée de sa cigarette. Il semblait si condescendant face à la provocation de Louise, et pourtant, il crevait d'envie de cueillir ce jus qui tâchait maintenant sa petite robe bleu ciel. 

...

Louise et Yvan étaient partis se coucher chacun de leur côté, laissant une tension torride régner dans l'air. Tout leur été se déroula ainsi, chaque soir ils se retrouvaient seuls, et ils échangeaient leurs pensées dans le silence. Tout ce que l'un voulait faire à l'autre était palpable dans l'air. Yvan voulait glisser ses doigts entre les lèvres de Louise, serrer son cou, caresser ses seins. Louise voulait Yvan tout entier, elle voulait passer ses mains sur tout son corps et dévorer sa bouche. Leurs corps s'attiraient mais leurs consciences les retenaient. 

Lorsqu'ils se quittèrent, ils se firent une petite bise d'au revoir. Les lèvres de Louise touchèrent la commissure de celles d'Yvan, et c'est à cet instant précis qu'ils surent tout ce qu'ils avaient raté. 

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⏰ Last updated: Nov 09, 2019 ⏰

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étés brûlantsWhere stories live. Discover now