16 septembre ABBB

J'ai vu la nouvelle représentation et

Je pense avoir eu l'occasion d'affiner mon avis depuis hier et j'étais très

Savez vous ce moment quand on ne peut pas décrire ce qui

j'ai enfin

17 septembre ABBB

Je suis vraiment confus et mes écrits risquent d'être très mauvais et tout aussi confus que moi mais je voudrais vraiment essayer de mettre au clair tout cela et je pense que l'écriture peut m'y aider.

Donc voilà, j'ai revu encore deux fois la représentation, elles sont semblables à chaque fois, et se finit toujours par la Demie. Et cette fois, j'ai

20 septembre ABBB

Il est 23h, la plupart du cirque dort, mais vous l'avez comprend moi non. Je pensais pouvoir écrire tous les soirs pour vous faire un rapport depuis ma première vision du spectacle, mais peut-être mes brouillons confus du 16 et 17 vous ont fait comprendre que malgré mes tentatives, je ne parviens pas à écrire quoi que ce soit sur elle. 
Aujourd'hui, je me sens prêt à parler, je l'espère en tout cas, sinon ce soir sera comme ces derniers jours  : des essaies interrompus que je n'ai pas osé effacer, car ils font aussi partis de l'évolution de mes pensées, et je pense intéressant de pouvoir revoir mon propre trouble à l'avenir.

Enfin bon, voici, j'ai revu 5 fois le numéro de la Demie.

Cette....je ne sais pas comment la décrire... je ne sais pas si elle est humaine ou non. 
J'ai tenté d'analyser mes émotions, et les siennes aussi, je l'ai fixé, j'ai tenté de déchiffrer ses pensées, si elle en avait. Mais quand je posais les yeux sur elle, ses étranges caractéristiques, et ses actions maladroites attirent mon regard, comme celui de tous les spectateurs. Je me suis d'abord concentré sur son physique, le détailler, en voir vraiment les différences et les points commun  : 
D'abord ce qui vient tout de suite aux yeux, c'est son absence de bras. C'est ce qui est le plus marquant évidement, le plus visible. Tout le monde en a 4, elle n'en a que 2. Sa taille ensuite, est étrange. Pas plus grande qu'une enfant, elle n'est pas non plus ce qu'on appelle une naine, car les proportions de son corps sont les bonnes. Elle a même des jambes grandes pour sa taille, probablement à cause de sa paire de bras en moins, ce qui n'est pas le cas de ces gens qui ne grandissent pas autant qu'il ne le devrait. Sa petite taille est encore plus choquante à côté de Fortmientien, grand homme, qui atteint presque les trois mètres. Bien que je sois d'une taille encore acceptable, je reste petit, et la plupart des gens, hommes et femmes, me surpassent largement. Peut-être que cela participe dans ces difficulté que j'ai à rire d'elle.

Son front à été clairement mis en avant. Ses cheveux noirs sont lustrés au gel et tiré en arrière par une petite queue de cheval. Sa peau est pâle, elle ne voit probablement jamais d'autre lumière que celle des projecteurs, qui embrasent les paillettes saupoudrées sur son visage et ses épaules, et illuminée ainsi, en constate avec le sombre de sa chevelure, l'absence de troisième œil est évidente. Il paraît évident que personne ne regarde plus loin que cela, que ses difformités. Et peut-être que j'ai trop de recul, mais cette idée me dérange.

Je ne veux pas me faire passer pour quelqu'un de plus clairvoyant que les autres, de plus éclairé, comme si j'avais quelque chose de plus, de supérieur aux autres. Je n'ai rien d'exceptionnel. Je suis ce genre de personne qui n'aime pas le conflit et qui préfère encore taire son avis et se convaincre que la majorité doit avoir raison même quand je pense qu'elle a tort pour ne pas sortir du lot, je suis cette personne qu'il suffit de charmer avec un beau discours et du charisme pour me faire retourner ma veste. Je suis petit, et plutôt banal d'apparence, je n'ai pas un physique repoussant, mais rien de ce qui pourrait me permettre d'être dit beau non plus. J'ai une bonne éducation, mais je manque de convictions, d'avis tranchés, d'opinions flamboyantes. Un peu effacé, un peu discret, un peu manipulable, sans être naïf non plus, ni vraiment fondu dans la masse. Je suis dans un subtil entre-deux vague et mouvant qui me donne ce caractère oubliable.

C'est pour cela que je ne sais toujours pas pourquoi ce spectacle me dérange. 
Parce que cela au moins je le sais  : je ne supporte pas de voir cette foule se moquer de cette jeune fille prétendue non-humaine et qui pourtant, sous ses yeux torves, ou plutôt devrais-je dire soumis, a cette nuance de tristesse amère et résignée d'une personne si accoutumée aux insultes et moqueries qu'elle en est imbibée au point que cela ne fasse plus aucune différence.

Demain nous repartons.

24 septembre ABBB

Je n'avais presque plus d'encre, et j'ai décidé d'économiser le fond qu'il me restait au cas où je n'aurais pas l'occasion d'en racheter pendant longtemps. Ce fut le cas, mais pas parce que j'ai pu profiter d'un arrêt dans une ville, nous sommes en pleine campagne sans rien alentour exceptés quelques masures d'ermite ou de paysans attaché solidement à leur terre. Non simplement, aujourd'hui j'ai eu l'occasion de parler avec certains membres de la troupe, pour la première fois. Il me semble que je commence à me faire accepter. Je ne devrais probablement pas faire ce genre comparaison, mais j'ai l'impression d'être un de ces plongeurs des îles Molaetaka qui attendent immobiles à la surface de l'eau des récifs jusqu'à ce que les poissons s'habituent à leur présence et finissent par les approcher. L'un d'entre eux m'a vendu son encre, il n'en avait pas besoin. J'ai donc de quoi écrire pour un bon moment, cette idée me soulage. Cela fait tout de même 4 jours que je n'ai pas pu écrire, moi qui avait tant à dire. Voilà donc tout ce que j'avais envie d'exprimer depuis cette dernière représentation  :

J'avais une sorte de colère en moi, après mes derniers écrits. Je sais que ma propre confusion doit être fatigante à lire, mais je peine encore à m'exprimer, et cela me frustrait de ressentir quelque chose que je pouvais pas expliciter. Je suis donc sortis avec le public, et je suis aller marcher autour du camp de roulotte pour respirer l'air frais et me vider l'esprit. C'est là que j'ai croisé un des acrobates, qui pour ce soir n'avait pas pu faire son numéro, à cause d'une entorse. Il m'a invité à m'assoir à côté de lui et à commencer à me parler de son métier d'un ton très sérieux, et passionné. C'était une rencontre très étrange, il m'a parut qu'il avait un peu bu, et qu'il avait eut un élan spontané de vouloir se confier à moi. J'ai donc appris qu'il était amer, car ce cirque était autrefois plus porté sur les prestations des gens comme lui, et pas des animaux, et qu'il avait eu l'impression d'être remplacé. Ensuite je suis partis me coucher, mais j'ai gardé ses mots dans ma tête, et d'une certaine manière cela m'a soulagé. Comme si je n'étais pas le seul qui était désapprobateur de l'utilisation des animaux. C'est là que j'ai pris conscience que c'était bien l'utilisation de tous les animaux qui me gênait, ce que je n'avais pas réalisé avant. Bien qu'impressionné par le spectacles, j'avais eu le droit à la vision moins fabuleuses des cages, des animaux qui tournent en rond, et des séances de dressage reposant sur la privation de nourriture.

Les jours suivant, j'ai simplement fait mon travail, sans que rien de spécial ne se produise et à vrai dire j'avais presque enlevé mes préoccupations de mon esprit. Et puis hier, j'ai nettoyé la cage de la Demie... Pour nettoyer les cages, le processus est plutôt simple. On connecte une autre cage roulante à la principale, on y a place de la nourriture, et l'animal sort pour aller chercher sa pitance. Ensuite on sépare les deux cages et on nettoie la principale. Puis on fait le processus inverse pour qu'il retourne dans celle d'origine. Aidé de plusieurs autres, nous avons fait sortir la Demie de sa petite cage roulante, puis j'ai été chargé de changer la paille qui en couvrait le fond pendant que quelqu'un vidait et lavait le seau de déjections et qu'un autre récurait avec un peu d'eau mousseuse les murs et le sol. Je n'intervenais donc qu'après que le sol soit propre et j'ai eu le temps de l'observer de près, sans paillettes et froufrous. Elle s'était assise comme j'aurais pu moi-même le faire, les jambes repliées contre elle qu'elle entouraient de ses deux bras pour se mettre plus en boule. Ses cheveux noirs étaient lâchés et ses yeux avaient l'air moins vide que sur scène. Eilie de son prénom, dut sentir que je l'observais, car à un moment donné elle tourna la tête dans ma direction et peut-être par honte de la scruter comme une curiosité j'ai tourné la tête comme quelqu'un pris en faute. Il a ensuite été à mon tour de changer la paille et je me suis demandé un instant ce que cela faisait de d'avoir que ça pour se réchauffer la nuit. J'aurais bien continuer mes spéculations, mais on m'a de nouveau mis au travail et l'effort physique a chassé de ma tête le petit visage pointue d'Eilie.

Aujourd'hui j'ai eu le loisir de me reposer un peu pour faire les comptes des dernières représentations et du coût de l'achat d'une nouvelle cage pour les crocodiles, et je vous écris donc ceci à tête reposée.

Je me demande si j'assisterai ou pas aux prochaines représentations. Tout cela me prend énormément la tête et je n'ai qu'une envie  : rentrer chez moi.


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⏰ Last updated: Dec 30, 2019 ⏰

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Monstre de foireWhere stories live. Discover now