OS Good Omens

1/ Secret

Hello people! Texte écrit pour le défi du Discord Good Omens. Il est encore possible de participer, il suffit de poster un OS sur le thème "Secret" avant le 02/01 (je crois).

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La Connaissance, c'était pour les humains. Aziraphale n'y avait pas droit.

L'ange eut un soupir douloureux et ramena ses jambes contre lui. Il se tenait assis sur l'une des robustes branches d'un pommier, dans un verger où le soleil caressait encore de ses chauds rayons la campagne.

Au loin se devinaient les silhouettes de Crowley et des enfants, et un peu plus près, tout près des racines de l'arbre, Anathema et Newt devisaient en buvant de grands verres de thé glacé. C'était un été comme tout le monde pouvait rêver d'en avoir, chaud mais pas trop, suffisamment sec pour que la chaleur ne soit pas insupportable.

Il avait l'impression de revenir à une époque lointaine, de nombreuses années en arrière où un homme et une femme – peut-être devrait-il dire « le premier homme et la première femme » – avaient vécu dans un jardin verdoyant.

Paradisiaque, pensa-t-il, et l'ange retint un sourire amer.

L'arbre supportait son poids, et Aziraphale supportait l'Histoire du monde, une histoire lourde de péchés et de bontés, d'actions et de discours, de moments brefs et de sourdes éternités. Le pommier avait toujours été un arbre fragile, mais celui-ci semblait plus haut que les autres, et surtout, le poids d'un ange – aussi corpulent soit-il – restait, d'une certaine manière, brumeux.

Aziraphale était un nuage.

Il entendait les cris de joie des enfants et les menaces que proférait Crowley, au milieu d'eux, tout en leur courant après. Le démon avait toujours su s'y faire avec ceux qui n'étaient pas encore adultes, mais l'ange savait qu'à chaque fois qu'il en voyait, il ressentait – comme lui – un pincement au cœur. Les enfants étaient des enfants après tout, qu'ils soient destinés à détruire le monde ou non.

Les conversations d'Anathema et de Newt lui parvenaient par bribes, et il n'en comprenait pas vraiment le sens. L'ange soupira, puis cueillit une pomme qu'il fit rouler entre ses doigts habiles. Les anges n'en mangeaient pas. Après tout, la Connaissance, c'était pour les humains. Et Aziraphale ne le savait que trop bien.

Peut-être que s'il n'avait pas été tenté de croquer un morceau de pomme après la fuite d'Adam et Eve de l'Eden, aucun de ses tourments ne serait advenu. Peut-être n'aurait-il pas été gourmand, peut-être n'aurait-il pas été égoïste lorsqu'il voyait un client s'approcher d'un de ses livres, et peut-être n'aurait-il pas désiré, désiré comme aucun humain ne l'avait jamais fait, le plus beau de tous les démons.

La Connaissance, c'était pour les humains, et c'était certainement pour cela que les conséquences étaient si lourdes pour un ange. Il imaginait déjà ce que dirait Gabriel si jamais il apprenait ce qu'il avait fait. Il avait désiré et désirait encore quelqu'un. Trahison ! Il désirait une créature qui avait chuté du Paradis, un démon. Trahison ! Trahison ! Trahison !

Aziraphale eut un triste sourire. C'était son petit secret. Personne n'en saurait jamais rien, et surtout pas Crowley.

Un nuage noir se posa à ses côtés.

Le démon étira paresseusement ses ailes sombres, mais Azirapale n'eut même pas envie de lui faire la remarque de son imprudence. Après tout, ils étaient entre eux, l'Apocalypse n'avait pas eu lieu, et ils n'étaient plus vraiment soumis aux lois de l'Enfer et du Paradis.

-Tu es triste, l'Ange ? demanda Crowley.

Aziraphale secoua la tête, et reporta son attention au loin. Les enfants jouaient avec le chien d'Adam, tout était calme, tout était heureux, tout allait bien. Il vit du coin de l'œil Crowley se saisir de la pomme avec laquelle il jouait, mais sentit surtout un délicieux frisson le parcourir au contact de ses doigts.

-Tu la mangeras ? fit le démon.

-Les anges ne goûtent pas au fruit défendu, murmura Aziraphale.

Et cela valait pour tous les fruits défendus, qu'ils soient de chair ou fruités.

-Oh, tu n'es plus vraiment un ange, non ? Tout comme je ne suis plus vraiment un démon, répondit distraitement Crowley.

La créature aux ailes noires mordit dans la pomme, et Aziraphale sentit ses entrailles se tordre. Le démon se tourna vers lui, et il ne put résister à l'envie de lui retirer ses lunettes de soleil. Crowley sourit, mais retint la main de l'ange dans la sienne. Il l'embrassa, Aziraphale retint un hoquet.

-Non, je ne suis plus vraiment un ange, souffla-t-il.

Le silence tomba, et les deux créatures occultes regardèrent l'horizon durant un moment. L'ange finit par dire :

-Tu t'entends bien avec ces enfants, non ?

-Je les apprécie, répondit Crowley. Mais tu sais, l'Ange, je n'apprécie pas trop cette sensation que j'ai lorsque je les observe jouer dans la poussière.

-De mauvais souvenirs, murmura Aziraphale.

-La promesse d'un arc-en-ciel, compléta le démon.

Il se tourna vers Aziraphale, et ses yeux jaunes plongèrent dans les yeux de l'ange. Ce dernier frémit en l'entendant dire :

-Sois mon arc-en-ciel, l'Ange. Tu veux ?

Aucun des deux ne réagit vraiment lorsqu'Aziraphale lâcha la paire de lunettes de soleil et lorsque la pomme tomba de la main de Crowley pour éviter miraculeusement la tête de Newt. Ce fut un instant hors du temps, une éternité de quelques secondes, un infime moment où un nuage embrassa un soleil, où un ange effleura un démon, où Aziraphale connut Crowley.

-Mon ange... murmura Crowley lorsqu'ils se séparèrent. Et s'ils savent ?

-Je ne suis plus vraiment du Paradis et tu n'es plus vraiment de l'Enfer. Et quand bien même ils auraient encore un droit de regards sur nos actions, my dear, ce sera notre petit secret...

Peut-être que finalement, la Connaissance n'était pas seulement pour les humains.