Chapitre I : Fin

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Je raccrochais au nez de mon interlocuteur après cet échange mouvementé. Du vrai foutage de gueule, je veux bien être sympathique et compréhensible mais comme tout le monde j'ai mes limites. Je posais le téléphone sur la table, croisant les bras en regardant par la fenêtre de mon appartement. Qu'est-ce que je pourrais bien faire ? J'ai beau signalé le fait qu'elle me manque et que j'ai besoin de la voir depuis des mois, rien à faire.  Le boulot le boulot le boulot, il n'y a que ce mot qui sort de sa bouche, que ce mot qu'elle arrive à articuler sans passer pour une imbécile. Je frappais doucement ma cuisse en fixant mon animal de compagnie. Un beau scarabée du nom de Lucy. Cette belle bête vivait ici depuis déjà une semaine, un record. Je sentais l'amour et l'affection dans ses yeux, cette bestiole semblait amoureuse de moi, cette bestiole m'aimait de tout son cœur et désirait profondément devenir ma plus belle œuvre. J'attrapais délicatement Lucy pour le déposer devant moi. Je sentais cette excitation et cette adrénaline dans mon corps, mes extrémités devenaient froides et mon cœur semblait battre à l'intérieur de ma gorge. Tu es si beau et si gracieux. Tes mouvements semblent divins voire irréels. Crois-moi, un être tel que toi donnerait l'envie à un athée de passer son dimanche à l'église. Je me levais de ma chaise avant d'attraper mon verre, levant les bras en fermant les yeux. Je t'aime.

J'assenais un coup violent sur le crane de Lucy, répétant l'action jusqu'à l'épuisement. De la bave coulait délicatement de mes lèvres avant de terminer sa course sur le fond de céréales que le corps écrasé de Lucy venait de créer. Je pouvais à peine retenir mon érection, admirez cet œuvre d'art. Lucy is dead. S'il avait pu parler on l'aurait entendu me remercier d'avoir donner un sens à sa vie. Je suis si fier de toi, merci pour tout. Je reposais mon fessier sur ma chaise en attrapant une feuille de papier vierge au bout de la table. Elle est vide. Vide d'affection. Je comptais bien donner vie à ce jardin illuminé offrant des possibilités infinies. J'attrapais ce qu'il restait de son corps pour le déplacer sur cette belle feuille. Je donnais différentes positions à l'animal décédé qui semblait me demander encore plus. Je ne pouvais retenir ces larmes, mon fils, même mort, continue de demander l'aide de son père. Tu es ma plus belle œuvre fiston, je te le jure. Je n'ai même pas besoin de quérir un pinceau pour te rendre ton éclat, tu es beau naturellement. Passons cette dernière nuit ensemble. Je posais ma tête sur la feuille, sentant le corps de Lucy faire quelques craquements à mon contact. Je t'aime.


Dring... Dring..Dring...

Je redressais rapidement la tête en entendant la sonnerie de mon téléphone, me relevant frénétiquement en essayant de repérer d'où venait le bruit. Le silence. Un silence pesant régnait à l'intérieur de la pièce. Avais-je rêvé ? Je posais ma main gauche sur mon visage, rigolant nerveusement. J'ai cru qu'elle m'avait rappelée. Je me voyais déjà lui répondre qu'il était préférable d'oublier la conversation mouvementée d'hier soir. Je m'étirais un instant en observant Lucy du coin de l'œil. Tu es immonde, dégueulasse et répugnant. Tu n'es qu'une raclure, un vulgaire délinquant. Tu devrais rapidement rejoindre le seul endroit pour les gens comme toi, les poubelles. Et dire que je t'aimais. Je grognais légèrement en cognant ma tête contre le mur. Débile débile débile, je suis débile. Le voici mon problème. J'ai toujours donné mon amour aux gens qui le méritaient pas. Ils se sont tous joués de moi d'une manière ou d'une autre. Et pourtant regardez moi, je continue. Incapable de m'arrêter. J'espérais tellement faire la rencontre d'un être qui m'aimerait autant que moi que j'en ai oublié ma propre santé. Peu importe. Un jour ou l'autre je rencontrai la bonne personne.

Je prenais rapidement ma douche en prenant soin de me laver le visage. Je pouvais encore sentir le corps sans vie de Lucy contre ma joue. J'observais un long moment mon reflet dans le miroir. La même routine, tous les jours. Je passais plus de temps à regarder mon ignoble visage qu'à prendre ma douche en elle-même. Mes cheveux noirs retombés sur mes yeux, cachant le marron de ces derniers. Je ne pouvais m'empêcher de fixer ma canine gauche. Sa couleur virant du jaune au bronze était à vomir. Je voudrais bien m'en occuper en allant chez un dentiste mais il est hors-de-question que quelqu'un me pénètre de la sorte. Ces outils de torture, c'est abject. Je m'habillais en vitesse en prenant soin de mettre mes clés et ma carte d'identité dans ma poche. Presque huit heures. Je devrais me dépêcher ou je risque d'être encore en retard. Mon patron s'avère bienveillant mais je doute qu'il laisse passer un nouvel écart de conduite. Je refermais les derniers boutons de ma chemise avant d'attraper mon sac à dos et de sortir de chez moi. En verrouillant la porte de mon appartement j'entendis un bruit de clés au loin. Mon regard vint se poser sur celui qui venait de commettre un terrible affront à mon calme matinal. Encore ce vieux crouton, son manteau marron recouvrait quasiment tout son corps ratatiné et ses chaussures semblaient venir tout droit du passé. Imaginez un fromage fondu de raclette qui aurait vu un épisode d'une série policière, vous obtenez Mister Alderson. Ses enfants l'adorent, les inconnus le haïssent. Il passait à coté de moi, sans un sourire ni un regard. Cet individu est un défaut incarné mais sa capacité à ignorer ce qu'il déteste force mon respect, j'envie cette sérénité. Peut-être aurai-je la même à son age ? Je ne pus retenir un petit rire avant de me diriger vers les escaliers tandis que le pain de mie desséché prenait l'ascenseur. Ses escaliers sont immondes. Je n'ose même pas imaginer le visage de l'architecte, si une œuvre s'avère aussi laide son créateur doit être... J'en ai des remontés juste en y pensant.

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⏰ Last updated: Jan 26, 2020 ⏰

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