Musique : Je suis seule à la terrasse du restaurant où je me suis régalée... Au menu : Brochette !
Les musiciens s'installent doucement, fermement décidés à remplacer la musique qui bat trop fort, peut-être pour qu'elle attire d'autres patients... Un garçon d'une dizaine d'années entouré d'hommes tous aussi bronzés et ridés entre en scène.
Certains jouent sur des gros bambous, sorte d'énormes xylophones, le jeune garçon frappe une jolie marmite, genre Ali baba... Avec un marteau tout aussi stylisé...ils sont neuf, je n'ose plus partir ! Certains me regardent avec un large sourire, comme s'ils me remerciaient d'être là !... D'autres semblent comme gênés. Sentent-ils qu'ils me retiennent à cette table alors que je voulais partir ?
La musique s'emballe, la marmite sonne et résonne, le rythme devient effréné, de nouveaux sons s'ajoutent aux premiers déjà présents, la marmite devient comme la cloche du village sonnant les fêtes...
Tous les neufs sont vêtus d'un tee-shirt ou d'une chemise. Leurs hanches sont enveloppées dans un tissu à gros carreaux rouges, beiges et noirs par-dessus une sorte de jupe vert olive. Ils ont un turban sur la tête marron et doré. Devant la scène trône fièrement un dragon... Les joueurs s'arrêtent à un moment qui ne semblait pas être la fin, comme si ce morceau pouvait ne jamais se terminer. Ils s'applaudissent en riant. Un temps de silence pendant lequel on entend la masseuse qui frappe son client du revers de la main, elle doit maintenant le masser... Le silence s'installe, laissant la place au vent et au bercement des voitures qui passent à côté de la terrasse.
Un dixième musicien arrive, une flûte à la main. Au "bambou" xylophone, l'homme me sourit et fait signe aux autres qu'il va recommencer à jouer. Le garçon rit en se cachant la bouche de ses deux mains... On dirait qu'ils n'attendaient que mon signal. Le deuxième au bambou semble presque dormir... Faut dire que la musique se fait lancinante avec les flûtes qui chantent derrière et la marmite, et les xylo et quelques tambours... Un joyeux désordre pour mon oreille absolument novice de ce genre de musique ! Cette fois-ci, le morceau se conclut, mais le flûtiste continue un duo quelques secondes de plus... Ils éclatent tous de rire... Nouveau silence. Je regarde l'orchestre, alors le même bambou que tout à l'heure me fait un signe de la main... Et commence à jouer un morceau... En prélude, les autres se joignent aussitôt à lui, l'un d'entre eux est assis devant une tortue-dragon dont il émet des sons de... Tambourins ? Ces sons métalliques, rapides, soutiennent la musique et la ralentissent ou l'accélèrent pendant que le garçon joue cette fois en étouffant le son qui résonnait tout à l'heure. A ses côtés, le plus vieux de la troupe, s'est assis mais il est derrière le rideau et ne peut me voir... Ou je ne peux le voir !? Je l'entends frapper régulièrement sur un gong. Mon regard croise celui d'un musicien bailleur, il se met à dodeliner de la tête en rythme... Pour cacher son ennui ou sa fatigue ?
On dirait qu'ils se contentent d'être là, présents, de jouer sans attendre autre chose qu'une attention, un sourire, un partage musical.
Ils sont maintenant douze ! Deux plus jeunes hommes viennent de les rejoindre. Un allemand avec son fils se sont installés pour dîner, le flash alerte les musiciens... Qui baissent la tête, ferment les yeux pour certains. Un des bambous joint ses mains et se penchent en avant en souriant il me dit "ok"... Un des plus jeunes qui vient d'arriver se place au bambou à son tour. Ils font une pause silencieuse, le temps que cet air nous sorte de la tête et nous quitte. On dirait parfois le chant des oiseaux, des grillons, des grenouilles. Ce doit être une chanson qui invoque les animaux !
Nouvelle chanson démarre... Je dois avouer que je serai incapable de dire si je l'ai déjà entendu ou non ? Cette fois-ci, je distingue nettement les flûtes qui jouent ensemble une mélodie pendant que les bambous en jouent une autre, une sorte de quatre voix s'impose. Le garçon frappe fort sur sa marmite, le son l'emporte dans un rythme qui est syncopé, cette fois-ci.
Puis, je distingue comme une lame de métal comme dans les petits instruments d'enfants, comme cette boite à musique style moulin dont on tourne la manivelle pour faire claquer la lamelle métallique chantonnant.
Les deux bambous finissent le morceau dans un instant de complicité amicale ils se sourient, me sourient... Puis se retournent vers leurs acolytes. Il y a un des musiciens qui s'est endormi, adossé sur le fond de la scène, au beau milieu de l'estrade. Les musiciens le voient mais personne ne le réveille, cela ne semble incommoder personne ; arrivent deux jolies danseuses, habillées de jaune et vert. Elles ont les cheveux noirs noués dans le dos et encerclés par une couronne dorée. L'allemand continue de prendre un air très inspiré et d'user de son flash...
Elles ont une manière surprenante de rouler les yeux, une faculté à découvrir le blanc de l'œil en regardant à droite ou à gauche, de sorte que ce regard devient vite hypnotique. Au début, je m'étais dit que j'avais envie de partir, la musique du gamelan et les danses aidant, je suis restée, comme clouée à ma chaise. Heureusement, d'autres spectateurs moins attentifs m'ont fait sortir de cette torpeur, sinon, je restais là jusqu'à la fin, quoique... Le lendemain matin, en passant devant leur estrade, j'ai pu voir qu'une porte coulissant derrière l'estrade avait été ouverte et laissait entrevoir batterie et guitares électriques. A croire que ces musiques et danses traditionnelles du début de soirée avaient laissées leur place à plus de modernité plus tard dans la nuit...
A Munduk, j'ai eu la chance d'écouter un groupe mené par un professionnel, qui enseigne le gamelan à Paris, il exporte ainsi la culture indonésienne musicale, avec un homme qui, de son côté fait la même chose aux États-Unis. Musique et danse étaient là aussi hypnotiques... La gestuelle est visiblement très technique, pas un petit doigt de pied ne bouge au hasard et il faut une attentive concentration pour capter le mystère de certaines danses, très codifiées.
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Bali, ma quête de guérison
AdventureVoyage, rencontre des guérisseurs balinais... Je ne suis pas au bout de mes surprises !