Les Lames de Carcerem

Profundis

Seraphus n'avait jamais autant sentit un malaise aussi profond qu'au fond de cette galerie. Même à travers la grille et le filtre de son casque, il pouvait sentir la puanteur de la mort et du sang séché. Et pourtant, ce n'était pas cela qui le gênait le plus. Le Paladin de SombreFer avait la désagréable sensation de marcher depuis plusieurs heures alors que cela ne faisait que quelques minutes qu'ils progressaient lui et Sammael, dans le tunnel creusé à même le sol. Plus les secondes s'égrainaient et plus les griffes du doute grattaient aux portes de sa conscience. Chaque pas le rapprochait du moment ou son esprit allait lui hurler de faire demi-tour pour rejoindre Atanatios qui se battait seul contre les hérétiques. Il ne doutait pas que cet environnement corrompu les laisse sortir bien plus vite qu'ils n'ont passé de temps dedans. Cette simple pensée raffermissait sa volonté, car c'était une preuve suffisante pour le space marine que sa cible cherchait à les ralentir. Ils n'allaient pas fléchir si près du but. Seraphus devait abattre sa cible afin de libérer Carcerem de la sombre influence qui l'accablait.

- Mentor, on fait du surplace.

Sammaël avait rompu le silence vox et s'était adressé à Seraphus via leur canal-inter escouade sur un ton très calme. Seraphus soupçonnait son ancien élève d'être victime des mêmes tentations de repli, mais n'en laissait rien paraître et restait parfaitement maître de lui-même. Le jeune astartes avait toujours eu la confiance de Seraphus. Lorsqu'il n'était encore qu'un scout sous ses ordres, son instinct et son sang-froid avait permis à Seraphus d'accomplir la plupart de ses missions de reconnaissance l'esprit tranquille, en sachant que Sammael et son frère Arald se tenait à ses côtés. Même en cet instant ou l'infecte sorcellerie du warp tentait de les repousser en jouant sur leurs faiblesses, Seraphus savait qu'il pouvait avancer sans faillir tant la volonté de son ancien élève était d'acier.

Sammael le fit se stopper en posant le gantelet sur son épaulière. Il le força doucement à se retourner et pointa de son bolter derrière eux. Seraphus ne fût pas surpris outre mesure de constater que l'entrée du tunnel était à peine à quelques dizaines de mètres derrière eux.

- Notre perception du temps est faussée ainsi que nos horologium intégrés. On ne fait pas du surplace, nous avons progressé. On essaie juste de nous faire croire l'inverse. Ne te laisse pas avoir par ce que tu vois, ressens ou entends. Ne te fie qu'a ton instinct et à l'Empereur, mon frère.

Seraphus en était convaincu. Cette tentative de les freiner était si pathétique qu'il tentait d'imaginer plusieurs théories quant aux raisons de la faiblesse des pouvoirs qui sévissaient ici. Il ne pouvait être sur de rien, mais il spéculait que les objectifs de l'ennemi, quels qu'ils puissent être, devaient accaparer toute son attention pour le Paladin de SombreFer, c'était le plus probable. Cependant, le vétéran avait appris dans la douleur que les options les plus probables sont, paradoxalement, les moins susceptibles de se produire.

À peine eut-il finit d'y réfléchir que le temps reprit son cours dans une onde de choc silencieuse qui remonta des profondeurs de la galerie. Puis elle reflua dans un souffle à peine plus fort qu'un murmure. Les sons, jusqu'ici étouffé, redevinrent parfaitement audible.

- Je prends la tête, mentor. Annonça Sammael

Seraphus ne dit rien. Il sentait que son ancien élève était particulièrement impatient d'en finir avec cette opération. Comme il le comprenait. Plus le temps passait et plus rien ne se passait comme prévu. Les deux astartes reprirent leur progression à pas mesuré, toujours plus profondément. Le temps avait beau avoir repris ses droits, l'odeur âcre du sang persistait. À cela, se mêlait un fond diffus d'autres remugles indéterminés et Seraphus ne se doutait que trop bien du genre de chose capable de produire ce genre de fragrance toxique.