Chapitre 4 : Prim-air (1)

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Léo :

J'espère que je ne fais pas une boulette, mais je ne me vois pas cacher encore un truc de plus à celle qui m'a élevée seule, par-delà ses soucis. En tout cas, pas lui tout entier !

-Ohhhh est-ce donc ce charmant jeune homme qui a fait fuir les voleurs ? Oh merci, merci mille fois ! Kaï, c'est cela ?

Elle l'étreint d'un coup et il a l'air tellement pris de court, avec une allure gauche, que je retiens mon rire. Il fait le malin avec moi, mais il est tout autre avec ma mère.

-Euh... Oui, madame. Léo m'a dit que vous vouliez vraiment me rencontrer, alors quand je l'ai recroisée sur la passerelle, elle en a profité. C'était naturel, vous savez, elle était en mauvaise posture et je n'aime pas ce genre de petits délinquants.

-Oui et puis, vous êtes en très bonne condition physique, vous !

Elle lui chuchote à l'oreille un truc dans lequel j'entends le mot « asthme ». Je pousse un soupir d'exaspération, c'est dingue, c'est pas à elle de lui dire une info pareille comme ça.

-C'est bon, 'man, il est au courant, hein. N'empêche que tout à l'heure, c'est lui qui avait du mal à suivre mon pas.

-Ah c'est vrai qu'elle court vite, votre fille ! J'étais impressionné !

Il préfère ramener l'attention sur ma personne. Intéressant. Les compliments de ma mère te gênent ? Peut-être parce que ça crève les yeux qu'elle est ultraravie que je me fasse une connaissance sur laquelle elle pourrait miser un minimum. Il tapote ses doigts nerveux contre son pantalon.

-Et vous, vous pratiquez un sport ? Vous vivez dans le coin, au fait ?

-Pas un en particulier, et... je suis là que pour un moment en fait, pour... du travail.

Non mais c'est hilarant comme il est mal à l'aise, on dirait que je viens de montrer mon nouveau petit copain qui a trop peur de faire mauvaise impression. Mais il va devoir faire comme s'il y avait assez d'affinités entre nous pour expliquer ses venues. Pour un type qui est censé être un enseignant avec une déontologie, ça doit être un vrai dilemme ! Tiens, à ce propos...

-C'est bon, laisse-le respirer. De toute façon, il va venir plein de fois, t'auras tout le temps de lui faire des éloges. On monte, Kaï ?

Celui-ci approuve comme si je venais de lui sauver la vie, dans le dos de ma mère qui tient ses mains entre elles sous l'excitation, j'ai du mal à croire tout à coup qu'elle approche la cinquantaine. Une fois dans la chambre, je souffle et m'assois sur mon lit. Il se met sur ma chaise de bureau et nous nous regardons en chien de faïence comme si on ne savait pas par quoi commencer après ces présentations.

-Bon ben... « Maitre Kaï », quel va être le programme ?

Il réfléchit, puis jette un œil à mon calendrier.

-Si j'ai bien compris, tu n'as pas vraiment d'activités en dehors de l'école ?

J'opine. Niveau planning, c'est archi vide. Pas d'anniversaires en dehors de ma mère, pas de passion... je suis complètement creuse. Je dois paraitre ridicule à ses yeux.

-Dans ce cas, disons que je te raccompagnerai après l'école, en faisant comme si c'était pour ta sécurité, puis on s'entrainera dans ta chambre, en semaine. Une heure, peut-être... Je verrai selon ta fatigue. Et le week end, on se prévoit des tranches horaires plus longues. On va bosser dans ta chambre ou le jardin pour ne pas éveiller les soupçons. Mais quand tu seras capable de bien t'éparpiller, nous irons plus souvent dehors. Ta mère est là durant tout le week end ?

L'apprenti-maitreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant