Chapitre 69 (Maelie)

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Il suffisait que je me montre un peu insistante et que je lui fasse les yeux doux pour qu'Alex Mavri ne puisse rien me refuser. Je le savais et j'en abusais. C'était d'ailleurs ainsi que j'étais parvenue à le convaincre de m'emmener dîner. J'étais si heureuse qu'enfin, l'espace d'une soirée, nous puissions vivre notre amour ailleurs que dans le secret de nos appartements respectifs que je ne mesurais pas les risques qu'une telle entorse à notre vœu de discrétion pouvait nous faire encourir.

Alex Mavri n'avait pas fait les choses à moitié. Il m'avait conduite dans l'un des meilleurs restaurants de la ville. Un italien. Il connaissait visiblement mon goût pour la gastronomie transalpine.

Comme nous venions sur un coup de tête, il avait été impossible de réserver. Il n'était pas certain qu'il reste des tables de libre et, un instant, j'avais bien cru que nous allions finir par manger dans un fast-food. Pour un diner romantique, on avait vu mieux. Par chance, il s'était avéré qu'un couple avait annulé sa réservation à la dernière minute. Nous leur devions notre salut.

Un employé nous mena à une table à l'angle de la salle, juste à côté d'une fenêtre qui donnait sur la rue adjacente. Il nous invita à prendre place, nous présenta les cartes puis retourna sans trainer servir les autres convives tandis que nous en prenions connaissance.

Après son départ, le silence s'imposa durant plusieurs secondes. Alex Mavri semblait assez stressé. Il n'avait de cesse de guetter les passants qui circulaient à flot ininterrompu dehors. De toute évidence, il était toujours aussi inquiet à l'idée que quelqu'un nous surprenne. Je tâchai de le tranquilliser, songeant qu'il faudrait vraiment un très mauvais coup du hasard pour que cela vienne à se produire :

_ Détends-toi un peu, on dirait moi juste avant un examen.

_ Tu as raison, dit-il avant de se justifier. Il s'agit de notre première sortie en amoureux et je crois que je me mets un peu la pression. C'est bien normal, non ?

Il était trop mignon à prétendre ainsi que je l'intimidais. J'aimais à penser que c'était le cas bien que je sache que ça n'était, tout au plus, qu'une partie de l'explication de son tourment. Quoi qu'il en soit, j'avais bien l'intention de faire que ses angoisses ne viennent pas gâcher ce moment que j'avais tant attendu. Comme pour lui soulager l'esprit en le faisant songer à autre chose, je le questionnai :

_ Qu'est-ce que tu as choisi ?

Il parcourut un instant d'un œil attentif les menus proposés avant de finalement trancher :

_ Pour moi, ce sera un risotto. Et toi ?

_ Les pennes à la Napolitaine. Un été où j'étais en vacances avec mes parents à Naples (ça ne s'invente pas), j'en ai mangé et c'était un véritable régal. Je ne vais donc pas manquer l'occasion de reconduire cette délicieuse expérience.

Il se fendit d'un bref éclat de rire. Je m'empressai de le questionner :

_ Qu'est-ce qu'il y a de drôle ?

_ Rien. J'en étais sûr, voilà tout.

_ Sûr de quoi ? lui demandai-je encore.

_ Que tu prendrais des pâtes.

_ En même temps, on est dans un restaurant italien. Ça n'est pas si étonnant. D'ailleurs, laisse-moi te dire qu'avec ton risotto tu ne fais pas dans l'original non plus, le charriai-je à mon tour.

_ C'est vrai. Mais tout de même ! Je crois que je n'ai jamais vu quelqu'un manger autant de pâtes depuis Jean Reno dans le Grand Bleu.

_ Dis oh ! lui lançai-je en faisant mine de m'indigner.

Après quoi, nous partageâmes un sourire qui se prolongea durant plusieurs secondes et qui ne cessa que lorsque le serveur fit son retour pour s'enquérir de nos choix. Nous les lui confiâmes, non sans toujours s'en amuser, et il nota le nécessaire sur son petit carnet avant de filer en cuisine pour passer commande au chef.

Nous fûmes servis étonnement vite et, en voyant mon assiette arriver remplie à ras bord, je me fis la réflexion que j'avais été bien inspirée de ne pas grignoter un petit quelque chose à quatre heures comme j'en avais pourtant l'habitude. Nos hôtes avaient été tout aussi généreux envers Alex Mavri en lui offrant une quantité de risotto telle qu'elle aurait surement suffit à nourrir une famille entière pendant une bonne semaine.

Avant d'entamer ce festin qui aurait valeur de véritable défi pour nos estomacs, nous échangeâmes de nouveau un sourire plein de tendresse.

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