Samedi 15 avril 2000 (suite)

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Jérémy et moi marchions côte à côte en direction de la place Ducale, parfois bousculés par l'effervescence de la rue. Ne sachant que dire, je me tournai vers lui et jetai "Y'a beaucoup de monde dehors aujourd'hui!" et il répondit "C'est parce que c'est le retour du soleil". Conversation terminée, veuillez dire quelque chose si vous voulez commencer une nouvelle discussion. Mais j'ai jamais été bonne pour ça.

Finalement, nous n'eûmes pas à marcher en silence longtemps parce que, lui, savait quoi dire.

- C'était pourquoi l'hésitation à la fenêtre?

J'hésitai à répondre franchement mais me ravisai. Moi même je ne le savais pas.

- J'étais perdue dans mes pensées.

Il leva un sourcil, amusé.

- Tu pensais à moi?

- Tu aimerais bien.

A ce moment, un passant passa entre nous et nous mîmes du temps à nous rapprocher tel que nous l'étions. C'est comme si cette séparation avait brisé notre nouvelle complicité, avait divisé le cocon chaleureux que nous avions tissé depuis quelques minutes. J'aurais bien pris une seconde pour le haïr de nous replonger dans le silence, mais Jérémy lui avait déjà lancé un regard noir, ça suffisait amplement.

- Et toi, la colère d'hier, c'était pour quoi ? Osai-je demander après quelques secondes.

J'avais peur que la tension revienne et qu'il n'ait plus envie de me parler. Mais après tout, c'était quand même un peu de ma faute, et j'avais besoin de savoir véritablement ce qui l'avait bloqué.

A ma grande surprise, il ne me parut pas embêté de répondre :

- J'aime pas les surprises. Et, c'était pas contre toi, mais tu m'as surpris.

- Tu devrais pas être gêné. T'as un drôle de talent...

Ses yeux se posèrent instantanément sur moi, dans l'attente certaine d'une suite qu'il espérait intéressante.

- Uh, dis m'en plus... Dit-il, un sourcil levé.

- Je dis juste que t'es plutôt bon...

Sans même le regarder, je le vis rougir. Je l'imaginais tenter de cacher sa gêne, mais je le connaissais trop bien pour savoir que ses lèvres n'arriveraient pas à réprimer le sourire pudique qu'il ne réserve qu'à ces occasions où la joie est trop grande pour être contenue.

- Tu dis ça parce que tu veux revenir jeudi ?

- Tu dis ça comme si tu voulais que je revienne.

- Ouais, si ça te permet de nourrir mon ego avec tes compliments.

Je voyais bien qu'il tentait d'ironiser, malgré sa gêne évidente, mais il fallait être mort pour ne pas ressentir l'effervescence émue de son petit cerveau face à mon maigre compliment.

J'imaginais ce qui pouvait bien se passer dans sa tête et ça me fit sourire de savoir que j'étais sûrement l'une des premières à l'avoir encouragé, et que ce n'était que le commencement.

- Bon, elle est encore loin ta ruine ? Lança-t-il, comme pour abattre le malaise.

- Un petite dizaine de minute je dirais.

Il soupira un coup.

En traversant la forêt, nous dûmes passer à travers un certain nombre de fougères et de ronces. Et c'est en riant que nous arrivâmes devant la vieille carcasse de fer rouillé, objet de notre visite.

"Dis Jérémy..."Where stories live. Discover now