La malédiction de Valiki Jan

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J'étais de corvée cuisine, comme presque tous les jours puisque mes camarades estimaient que j'étais trop jeune pour les tâches plus risquées. Je préparais un ragoût, avec du poisson pêché par Matt le matin-même.

—Alors petit, qu'est-ce que tu nous prépares de bon ? me demanda Billy en ébouriffant ma tignasse noire.

—Un ragoût avec la pêche du jour !

—On va se régaler ! Sans Matt et toi à bord, je ne sais pas ce qu'on mangerait ! s'amusa-t-il avant de quitter la cuisine.

Ils avaient tous des gestes très affectifs envers moi. Le genre de gestes qu'ils ne se permettaient pas d'avoir entre eux. Au fond, je savais très bien qu'ils avaient eu pitié de moi lorsqu'ils m'avaient rencontré dans cette taverne. Mes joues laissaient apparaître les sillons des larmes séchées que j'avais laissé couler après la mort de ma mère. J'étais entré dans cette taverne, sans trop savoir pourquoi, après des jours à dormir dans la rue. Je n'avais pas d'argent, pas de toit, rien à manger ... Je cherchais sans doute un peu de chaleur humaine. J'avais perdu ma seule famille. Lorsque mes pieds franchirent le seuil de la taverne, les yeux de Matt se posèrent immédiatement sur moi. Après une longue conversation où j'avais encore laissé couler le flot de mes larmes pour lui raconter comment les anglais avaient exécuté ma mère, il m'avait pris par les deux épaules et m'avait promis une nouvelle vie, loin de l'Angleterre. Je n'étais qu'un enfant déraciné à l'époque, alors je l'avais suivi sans réfléchir.

Très vite, ils m'avaient tous pris sous leur aile. Mais celui qui m'impressionnait le plus c'était notre capitaine : le capitaine Jones ! Quand j'étais près de lui, je n'avais peur de rien. Il me faisait me sentir en sécurité. Après seulement une semaine à bord, il m'avait fait assez confiance pour m'emmener sur le bateau à piller. Tous les marins du navire étaient partis sur l'île la plus proche pour quelques jours. Il ne restait que trois hommes à bord, endormis. Il ne fallait faire aucun bruit pour ne pas engendrer une bataille qui nous causerait des pertes. Mon cœur battait si fort dans ma poitrine. Je sentais l'adrénaline envahir mes veines. Pour la première fois depuis la mort de ma mère, je me sentais en vie ! Ce fut ce jour-là que je compris que les pirates pouvaient sauver des vies. Ils avaient sauvé la mienne.

Quand le ragoût fut terminé, tous les membres de l'équipage s'assirent à même le sol. Il n'y avait que Billy qui était encore debout, pour aller chercher Jones qui guettait l'horizon, avec sa longue vue. Lorsqu'ils arrivèrent, je vis les visages de mes camarades s'illuminés. C'était le moment du discours de celui qu'ils avaient élu capitaine du navir.

—Bonjour, camarades ! Aujourd'hui est une nouvelle journée. Après ce délicieux repas concocté par Walter, nous partirons en direction du nord, si cela vous convient. J'ai entendu dire qu'une île presque déserte contenait un trésor qui promettait l'immortalité. Qui veut l'immortalité ?

—Moi ! Crièrent en cœur mes camarades.

Jones se tourna ensuite vers moi et me sourit chaleureusement. Il me prit dans ses bras et termina :

—Bonne appétit à tous ! Heureusement que le ciel a mis ce petit sur notre route !

*****

Pendant plusieurs mois, nous voguions tranquillement et pillions les navires pendant que les équipages dormaient, jusqu'à ce jour. Le jour où nous fumes attaqué par un autre bateau pirate. Ses voiles étaient noires et rouges. Mais je reconnus que c'étaient des pirates au petit drapeau noir sur lequel était représentée une tête de mort, en haut du plus long mât. Vingt assaillants sautèrent sur le pont de notre vaisseau, armes à la main. Leurs regards me firent froid dans le dos. Ils étaient là pour nous faire saigner, et rien d'autre. Mes camarades se ruèrent en hurlant sur les ennemis, épées et sabres à la main. D'autres pirates sanguinaires vinrent à leur tour. Ils étaient bien plus nombreux que nous ! Nous n'avions aucune chance de nous en sortir en vie. Matt ne vit pas le sabre s'enfoncer dans son dos. Il s'écroula au sol. Une tâche pourpre recouvra le bois de notre navire. Terrorisé, je me recroquevillai derrière un tonneau, les mains sur les oreilles. Je ne voulais pas assister au massacre de mes amis. Après un moment, Le capitaine Jones m'attrapa par le bras et me jeta dans une embarcation de sauvetage. Il s'assit à côté de moi et fendit la corde en deux à l'aide de son crochet. Ses vêtements étaient tâchés de sang et je pouvais deviner l'émotion qui le traversait, en quittant son navire. Il n'aurait jamais abandonné ses amis s'il restait une chance de survie ... Notre bateau dégringola jusqu'à la surface de l'eau.

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⏰ Last updated: Apr 06, 2020 ⏰

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