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Des gouttes de pluie avaient commencé à tomber du ciel comme si elles cherchaient à s'échapper de la tristesse des nuages. Ou peut-être que j'étais trop abattu pour penser autrement. Pour certaines personnes, les jours de pluie avaient toujours été des signes de renaissance, de renouveau. Mais c'était faux : c'étaient des jours où le ciel pleurait les larmes qu'il cachait au soleil.

Tant de temps sans que je puisse la sortir de ma tête. Tant de jour, d'heure, de minute qu'elle passait à se balader en moi sans faire attention à ce que je ressentais.

La vie aurait été tellement plus simple si elle n'avait jamais existé. Parfois, la nuit tombée, mes rêves sombraient dans un monde dépourvu de chagrins et de regrets. J'y plongeais comme je me jetais dans la mer. Mais je finissais toujours par remonter à la surface inconsciemment ─ ou par obligeance de revenir à la réalité, je ne sais plus trop.

J'avais toujours cette impression d'être inutile depuis que je l'avais vu à la bibliothèque. Enfin non, ce n'était pas une impression, c'était une évidence. J'étais inutile. Je n'avais jamais accompli quelque chose d'utile à vrai dire. J'étais dans un moule de harceleur et je n'arrivais pas à me défaire de cette image, parce que j'avais joué ce rôle toute ma vie. J'étais un harceleur inutile.

Et c'était inutile de l'aimer alors que je n'avais aucune chance d'être aimé en retour. Elle devrait encore me détester, c'était évident...

Ce qui est drôle, c'est que pendant tout ce temps, c'était elle qui me harcelait en faisant mal à mon cœur meurtri. Ça devrait la faire bien rire non ? Me voir dévasté d'être ce que je suis. Me voir douter de ma propre existence. Comme je lui ai fait douter de sa valeur. Moi, je rigole à chaque fois que j'y repense, car je me lamentais de ressentir ce qu'elle avait peut-être vécu durant toute son enfance...

La pluie continuait de tomber, mais cela ne m'avait pas empêché de rester sur le banc. Chaque goutte me battait de plein fouet comme si même l'univers me méprisait.

L'univers, c'était Tala ; je sentais à chaque coup sa silhouette se mouvant entre les gouttes d'eaux, une robe légère volant à chacun de ses pas, des cheveux lâchés et mouillés dansant en rythme, d'une allure soignée, avenante et sensuelle. Irréelle, translucide, comme un fantôme qui tourmentait un esprit. Je la sentais approcher ses lèvres de mon oreille pour chanter sa peine.

Puis d'un coup ses chants devinrent des cris. Ils avaient l'effet d'une tempête.

Ses cris étaient la tristesse que le monde ne cessait de jeter. Comment ? Comment avait-elle le don de me faire fondre, de me faire pleurer ? Ma vie était inutile comme elle était essentielle à ma vie. Mes rêves étaient insignifiants devant son être que l'on persécutait pour se sentir satisfait.

J'aurais voulu mourir pour qu'on se rende compte à quel point elle était une personne exceptionnelle.

Mais encore une fois, je restais là. Restais là à pleurer un passé déjà enterré. De sa tombe, je les sentais encore, mes yeux de larmes désespérées à sortir de terre. Ils voulaient crier. Ils voulaient hurler plus fort que Tala. Mais c'était trop tard.

Elle les avait tués.

TALA : IL N'AVAIT D'YEUX QUE POUR ELLEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant