song minseo 11:21
Comme Bang Chan me l'a demandé, j'ai attendu la fin de ses cours devant son école bien sagement. Étrangement, c'est passé plutôt vite. Je me suis occupée à regarder les gens autour de moi, chose que j'avais oublié de faire, vivante.
D'ailleurs en parlant de moi vivante, cela me rappelle la Song Minseo que j'étais. Une fille populaire, heureuse. J'ai jamais pu vraiment être triste, car j'avais toujours du monde autour de moi pour m'aider puis même je n'avais aucune raison de l'être. Ma vie était enviée, je le sais bien.
On m'appelait "la Princesse du Lycée Roha", les garçons attendaient devant le lycée juste pour me voir et m'offrir mille et une fleurs bien que j'avais un petit ami. En parlant de lui, il s'appelle Hwang Hyunjin. On voulait tellement être à notre place, on était le couple qu'on rêve de pouvoir être un jour dans sa vie. On nous souriait, on ne parlait que nous.
Moi et mes grands yeux, mes cheveux noirs et mes lèvres en forme de cerise puis lui et sa beauté inhumaine... Je suis tombé sous son charme sans le vouloir. Je souris en y pensant d'ailleurs, il me manque terriblement.
C'était un petit ami comme peu prétendre en avoir. Il accourait à chacun de mes soucis, me défendait toujours et était aussi le gendre parfait. Mes parents l'adorent. J'imagine qu'à mon enterrement, il a dû pleurer pour la première fois de sa vie. Hyunjin n'a jamais pleuré mais je me souviens de ses mots:
«Si tu venais à mourir, je ne supporterai pas le choc.»
Perdu dans mes pensées, je ne vois pas Chan claquer des doigts devant moi. Quelques secondes après, je relève la tête vers lui et souris en me levant.
«On va me prendre pour un fou à force d'agir ainsi. Suis-moi.»
Je hoche la tête et suis sa tête brune au milieu de la foule d'élèves qui sortent de l'école. Tout en marchant je le détaille du regard, chose que j'ai fini par faire en étant morte.
Ses cheveux bruns sont bouclés et emmêlés, comme si chaque nuit il se les arrachait en écrivant. Son casque à moitié mis autour de son cou, est relié à son téléphone dans sa poche arrière gauche. Son sac de cours tombe presque de son épaule mais il le remet toutes les dix secondes. Tout est en bazar sur lui. C'en est presque un charme.
Il se retourne une fois vers moi et me fait signe de le suivre en tournant à gauche. En le suivant, on se retrouve dans un parc désert, loin de la foule. On s'assoit sur un banc puis il pose son sac par terre et dit alors:
«Tu m'veux quoi?
-... Je ne sais pas, en réalité. Je sais juste que tu es ma réponse.»
Chan lève les yeux au ciel et se pince l'arrête du nez avant de me regarder droit dans les yeux.
«T'es morte comment?»
Et c'est le trou noir. Je le regarde mais rien... Comme si je ne pensais plus à rien et pourtant c'est pas faute d'essayer. Comment? Je ne sais même pas, c'est vrai ça.
J'hausse les épaules et il balance sa tête en arrière et regarde le ciel, son dos contre le dossier du banc. Mon regard le suit puis je dis finalement:
«Comment ça se fait que tu me vois?
-Depuis que j'ai vu ma mère se suicider, j'ai ce genre de don si on peut appeler ça comme ça. J'ai finis par m'y habituer, mais normalement ils savent comment ils sont morts, eux.
-Désolée... Mais je ne sais vraiment pas...
-Song Minseo, c'est ça? On va voir sur Internet.»
Il se redresse et sort son téléphone pour taper mon nom dans la barre de recherche suivi de "crémation". Un frisson parcourt tout mon être puis je regarde alors les résultats.
Je me recule et secoue violemment la tête en voyant ce que Internet semble trouver. Bang Chan me regarde, un peu désemparé et se lève pour me faire asseoir et dit:
«... On va y aller, ok? On va voir si tu as des souvenirs qui reviennent.»
11:59
Arrivée devant l'enceinte je ressens un trop plein d'émotions et me mets à trembler comme une feuille. Je pose le pied au sein de mon lycée et regarde Bang Chan, qui tente de se fondre dans la masse. On marche vite et sans croiser le regard de personne comme m'a conseillé Bang Chan.
Seulement, j'entends une voix que je connais bien et me retourne. Une main prend mon poignet vite et m'attire dans la cage d'escaliers.
Je me retrouve plaquée au mur, Chan à un regard froid et dur:
«Pas de contact visuel avec ton ancien cercle social! Je te l'ai dit! Baisse la tête!
-C'est bon.. J'ai même pas pu la trouver du regard...»
Je fais la moue et baisse la tête, en montant les escaliers suivie par Chan encore énervé.
Une fois arrivés sur le toit, un vent frais s'abat sur mon visage. Ça me rend un peu plus vivante, enfin... Ça reste à voir.
Je regarde alors le toit et me rend compte qu'ils ont installé des grandes barrières, sûrement après l'incident...
Bang Chan me regarde attentivement et me dit de me concentrer. Je marche donc sur le toit de l'école regardant autour de moi et pars m'accouder au bord, mais rien.
Je ne me souviens pas m'être soit-disant "suicidée" ici... Pourtant j'entends des pas venir vers nous, Bang Chan et moi.
L'erreur est fatale, je me retourne et croise son regard. Celui qui fût un jour, l'être aimé.
Je le suis du regard et sens mon cœur s'accélérer. Puis c'est le noir complet, comme si on éteignait la lumière.
Sentie comme projetée dans un autre univers, je me retrouve spectatrice d'une scène dont je suis la protagoniste et Hyunjin, l'antagoniste.
Il fait nuit noire, même froid et je suis au sol, le visage défiguré, je ne me reconnais même plus. Hyunjin au dessus de moi, je le regarde me frapper, impuissante. C'est comme si mes pieds étaient collés au sol.
Je crie à Hyunjin d'arrêter mais il ne m'entend pas et crie des mots inaudibles. Je me vois alors presque inconsciente quand il me prend par le col et me plaque à la rambarde qui nous sépare du vide.
«Je vais t'apprendre à me dire non, petite salope.»
Cette voix alors, fait ressurgir en moi des années de relation toxique... Que mon cerveau avait voilé pour que je ne me souvienne que des bons côtés, une fois morte.
Et c'est là que je le vois me faire glisser de l'autre côté. Il semble un peu paniqué au début comme si lui-même n'y croyait pas. Il se penche et regarde mon corps inerte, tombé trois étages plus bas, prend sa veste et regarde autour avant de partir.
Mes pieds enfin libres de mouvement, je reste un instant là et pars regarder par dessus la rambarde aussi. Je dis alors comme à moi-même:
«Je suis désolée Minseo... »
