Chapitre 1

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Emery

  Des bruits de bombes qui explosent. Des cris. Voilà tout ce qui me parvient.

  Seule, debout au milieu des débris et des volutes de sables qui s'envolent du sol poussiéreux, j'observe la scène avec horreur, les yeux écarquillés, la bouche ouverte sur un « O » de terreur muet. Aucun son ne parvient à sortir de ma bouche. Pétrifiée, je n'ose plus bouger.

  Jusqu'à ce que je le voie. Lui. Au milieu des décombres.

  Corps inerte et ensanglanté gisant par terre, il me fixe de ses grands yeux noirs vides d'expression. Son visage est tuméfié, ses traits déformés, sa peau diaphane. Il ne ressemble en rien à la personne que je connaissais.

  Soudain, ses lèvres bougent pour articuler ces mots que j'entends chaque nuit. Ces mots qui m'effraient, me hantent et résonnent en moi comme l'écho du tonnerre à travers la montagne.

  « Tout est de ta faute ».

  Je recule, secoue vigoureusement la tête et laisse de gros sanglots m'échapper.

  — Non...

  Ma voix n'est qu'un murmure dans le tumulte environnant, comme une plume balayée et emportée par le vent.

  — Je suis désolée.

  Il ne m'entend pas. Il ne le pourra plus jamais.

  Je ne voulais pas cela. Mais c'est trop tard.

  En sursaut, je me réveille et m'assieds d'un bond dans mon lit. Mon cerveau, perturbé par ce qu'il vient de vivre, met quelques secondes à émerger et à comprendre qu'il est de retour dans la réalité. Je déglutis péniblement. Des larmes baignent mes joues, que j'essuie d'un geste lent.

  Encore ce terrible cauchemar...

  Brrrrrr, brrrrrr.

  Je prends quelques secondes pour calmer mon cœur affolé, puis cherche la source de ce bruit infernal.

  Brrrrrr, brrrrr.

  Posé sur ma table de chevet, mon téléphone continue de vibrer sans discontinuer. Je me saisis de l'appareil et le visage ainsi que le nom de Pénélope, l'une de mes meilleures amies, s'affiche sur l'écran. Déboussolée, je le déverrouille pour répondre.

— Allô, soufflé-je à voix basse.

— Euh, Emery chérie, où es-tu ?

— À la maison, dans mon lit. Pourquoi ?

  Étonnée par sa question, je m'empare du réveil pour y lire l'heure.

— Oh, bordel !

  D'un bond, je me lève et quitte la chambre.

— Oui... je crois qu'il y a eu un loupé, confirme-t-elle.

  En effet, il est neuf heures trente, cela fait plus de deux heures que je devrais être au boulot, et trente minutes que la boutique aurait dû ouvrir.

— Mon alarme n'a sûrement pas sonné.

— Je me suis inquiétée quand, en passant devant le magasin, j'ai vu qu'il était fermé et que quelques personnes attendaient devant la porte.

— Il y a beaucoup de monde ?

  À la hâte, j'enfile un jean slim noir et un débardeur vert, le combiné coincé entre l'épaule et l'oreille.

— Cinq ou six personnes, je dirais.

— D'accord. Excuse-moi auprès d'eux et dis-leur que j'arrive d'ici une petite dizaine de minutes.

All the things we lost Tome 1 [SOUS CONTRAT D'EDITION]Where stories live. Discover now