Prologue

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Dans la vie, il y a des évènements qui nous marquent à jamais. Des évènements qui, à chaque fois que nous allons penser, dire quelque chose ou effectuer un simple geste, vont se rappeler à nous avec une telle force que le simple fait de respirer devient difficile.

Nous avons beau faire le fort, le fier, nous avons tous un instant de notre existence qui nous a marqué au fer rouge et qui ne nous quittera jamais. Un moment qui nous a forgé tel que nous sommes, nous a changé. En bien ou en mal.

Quoi que nous fassions pour l'oublier, quoi que nous entreprenions pour passer à autre chose et vivre comme nous l'aimerions, cela ne fonctionne pas. Parce qu'à partir du moment où nous l'avons vécu, cet évènement fait partie de nous.

À jamais.

Et rien n'y changera. Nous devons seulement l'accepter.

Personnellement, je n'y suis jamais parvenue. Ce 23 juillet 2015 a gâché mon existence pour toujours et il n'y a aucun moyen de revenir en arrière. Je crois que c'est ce qui fait le plus mal, d'ailleurs, ne rien pouvoir faire.

Rester assise contre le mur à attendre que l'on vienne vous secourir alors que vous voyez les flammes augmenter drastiquement de volume, engouffrant peu à peu tout ce qui vous entoure.

Je me souviens encore de tout, comme si c'était hier. Bien que cela fasse déjà cinq ans, chaque détail de cette fameuse nuit d'été sont ancrés dans mon esprit à l'encre indélébile.

À ce moment-là, je n'avais que quatorze ans. J'étais jeune et insouciante. Les grandes vacances étaient pour moi une véritable bénédiction, je pouvais faire ce que je voulais, quand je voulais, sans aucune restriction. Mes parents ont toujours été indulgents avec moi, me laissant agir à ma guise à partir du moment où je respectais les règles fondamentales de la sécurité.

Ce que j'ai toujours fait, contrairement à mon grand frère, Vincent, toujours là pour désobéir et mettre mes géniteurs hors d'eux. Nous rigolions beaucoup, tous les deux. Nous avions une grande complicité malgré nos caractères diamétralement opposés.

Tous les deux, nous avons toujours aimé l'orage. L'été, lorsque le ciel était clair et que les fortes chaleurs amenaient ce phénomène naturel des plus splendides, nous adorions nous poser sur le balcon de sa chambre pour observer les éclairs fendre l'horizon avec vivacité. Ce sentiment de pouvoir que nous ressentions alors que nous assistions à ce spectacle impressionnant sans en subir les contrecoups était grisant.

Cependant, cela n'a pas duré longtemps.

Ce soir-là, épuisée après avoir passé la journée avec des amies à la plage, je suis allée me coucher tôt. J'étais au courant qu'un orage allait éclater mais j'étais beaucoup trop fatiguée pour y assister. Aussi, pour une fois, j'ai laissé Vincent en profiter tout seul.

Je n'aurais jamais dû.

Encore aujourd'hui, je regrette de ne pas avoir bravé la fatigue pour passer ce moment à ses côtés. Si cela n'aurait rien changé à ce qu'il s'est passé, au moins nous n'aurions pas été seuls dans cette dure épreuve.

La nature peut être aussi magnifique qu'impitoyable. Un jour elle nous montre ses plus beaux atouts et le lendemain elle se retourne contre nous, exhibant sa puissance sans aucun remord. Nous ne nous y attendons jamais vraiment, bien trop empêtrés dans notre quotidien et notre bonheur pour penser que tout va basculer.

Ce n'est pas le chant des oiseaux qui m'a réveillée comme à l'accoutumée mais un bruit abominable de déchirement suivi du hurlement de pure terreur de ma mère. Il n'était qu'une heure du matin, j'avais très peu dormi toutefois, j'étais soudain bien éveillée.

Sans attendre, je me suis ruée vers ma porte d'où s'échappait un vacarme assourdissant. D'un geste brutal, je l'ai ouverte et me suis immobilisée sur le seuil, bouleversée par ce qui se trouvait devant moi.

Des flammes.

D'énormes flammes brûlantes, incandescentes.

Dans un cri, j'ai appelé mes parents ainsi que mon frère cependant, aucun d'eux ne m'a répondu. Ou bien je ne les ai pas entendus à cause du bruit des poutres de la maison qui s'effondraient au sol.

Quand une planche est soudain tombée du plafond et que le souffle provoqué a envoyé une énorme flamme dans ma direction, je me suis reculée en hurlant, fermant la porte derrière moi pour ériger une barrière entre moi et ce monstre de feu.

Avec l'énergie du désespoir, je me suis mise à bouger mes meubles, les plaçant à l'entrée de la pièce qui, jusqu'à présent, avait toujours été mon refuge. Seulement cela n'a servi à rien hormis alimenter le braisier.

Paniquée, j'ai ouvert précipitamment la fenêtre de ma chambre dans l'espoir d'y trouver une échappatoire. Sauf que je me trouvais au deuxième étage. Il m'était tout simplement impossible de sortir d'ici sans me casser quelque chose, voire même me briser le cou.

De plus, j'avais bien trop peur pour oser me lancer dans le vide. Des flammes sortaient des fenêtres de l'étage du dessous, me dissuadant une fois pour toutes de faire le grand saut.

Les larmes aux yeux, soudain consciente que je n'allais pas tarder à mourir brûlée vive, je me suis laissée tomber contre le mur, mes bras entourant mes jambes repliées contre ma poitrine. Des bruits d'explosion continuaient à résonner, me faisant à chaque fois frémir un peu plus.

Qu'étaient devenus mes parents ? Et mon frère ? Avaient-ils réussi à s'enfuir ? Avaient-ils eu le temps d'appeler les secours ? Allaient-ils bien ?

Au fond de moi, je n'arrivais pas à imaginer le pire. Ils devaient être vivants. Cela n'était pas possible autrement. Pourtant, au fond de moi, une douleur intense m'intima que ce n'était déjà plus le cas. Sans savoir comment c'était possible, je savais au tréfond de mon âme qu'il était déjà trop tard.

C'est cette dernière pensée glaçante qui m'acheva. La terreur mêlée à la chaleur ainsi qu'à l'air irrespirable ont eu raison de moi et je me suis évanouie, emportant avec moi mes pensées sombres.

Ce n'est que plusieurs semaines plus tard que je me suis réveillée, dans un lit d'hôpital, branchée de partout et totalement désorientée après autant de temps passé dans le coma.

C'est là que j'ai appris que j'étais la seule survivante.

Le feu se serait déclaré dans le garage à cause d'un éclair. Un bidon d'essence l'aurait alimenté de manière drastique, empêchant mes parents de pouvoir agir lorsqu'ils s'en sont rendus compte. Ils n'ont eu le temps que d'appeler les secours.

Notre maison étant construite essentiellement en bois, l'incendie s'est propagé à une vitesse phénoménale, emprisonnant ma famille, sans qu'ils ne puissent rien y faire.

Je ne suis en vie que grâce à l'emplacement de ma chambre qui était au dernier étage et donc la dernière touchée. Les pompiers sont arrivés rapidement après et sont entrés dans ma chambre car c'était la seule qui était encore accessible. J'ai donc été la première évacuée.

Selon eux, j'ai extrêmement de chance d'être en vie. C'est un miracle que la maison ne se soit pas effondrée plus tôt et que je n'aie pas succombée à cause des flammes ou bien des inhalations de fumée.

Sauf que pour moi, ce n'est pas une bénédiction. Savoir que les personnes que j'aime le plus au monde sont morts dans d'atroces souffrances et que je suis la seule à en avoir réchappé n'est pas une consolation.

Perdre tout ce que j'avais en quelques minutes à peine n'était pas un miracle. En toute sincérité, j'aurais préféré y rester, moi aussi.

Parce que vivre avec ce poids sur les épaules est trop dur à porter. Surtout quand mon propre corps me rappelle sans cesse ce jour où toute mon existence a volé en éclats.


---------------------------------------Chapitre brut, non corrigé, non relu----------------------------------------

La brûlure du cœurOnde histórias criam vida. Descubra agora