Tschuss Kennedy

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Une sonnerie retentit dans la petite pièce. Le réveil enfantin annonce sept heures. Les petites étoiles sur le dessus clignotent en illuminant la chambre. Un simple lit préfabriqué, un tapis sombre à ses pieds, et dedans un enfant.

Cinq minutes plus tard, rien n'a changé. Sauf l'heure. Mais malgré la lumière et le bruit la petite fille dort encore. Ou fait semblant. Enfin faisait car sa mère vient d'entrer dans la chambre, et l'appelle pour qu'elle se lève, et là elle n'a plus le choix. Et oui c'est comme ça. Il ne faudrait pas être en retard à l'école tout de même ! Surtout que maintenant, les classes sont dotées de tableaux numériques. Il parait que c'est meilleur pour le développement de l'enfant et que cela aide les maîtresses à organiser leurs heures de classes. En tout cas c'est ce qu'on leur avait dit, aux parents de l'école primaire Madeleine Jégouzot. C'est le maire de leur petite ville de périphérie parisienne , M. Jouvet, proche du parti communiste qui défendait ce projet, très personnellement. Tellement qu'il l'avait défendu lui-même aux entrées des deux écoles de la ville. Le PC avait d'ailleurs connu une montée fulgurante dans les urnes ces dernières années, d'où son élection. Et d'où peut-être aussi ce projet et ces aides de moins en moins surprenantes. Une aide comme ça, ça ne se refuse pas. Et ça on ne leur avait pas dit, mais affirmé, scandé. Alors comme l'URSS cofinançait, et leur offrait la connexion internet des établissements, pourquoi refuserait-on ? Et puis les enfants aussi les aimait bien ces nouveaux tableaux connectés, alors..

En tout cas, la petite Yéléna, c'est ce qui était marqué sur la porte désormais entrouverte, elle, elle s'en fichait. Un nouveau tableau plus si nouveau que ça n'était pas une raison suffisante pour se lever. Mais bon, il faut bien y aller à l'école. Et puis maintenant que la lumière s'était définitivement introduite dans sa chambre c'était trop tard, elle était réveillée. Elle repoussa alors sa couette pleine d'étoiles sous le sourire satisfait de sa maman qui repartit préparer son petit déjeuner. A bientôt neuf ans la petite fille rêvait d'étoile et de devenir cosmonaute comme Gagarine ou Terechkova. C'était son héroïne! Elle voulait être comme elle un jour. Cette femme pauvre qui a réalisé son rêve de partir dans les étoiles. Certes Armstrong aussi y était allé. Bien sûr il avait marché sur la Lune, mais bon. Il n'était pas le premier à être allé dans l'espace, juste un peu plus loin. Et par rapport à l'univers ce n'est vraiment pas grand chose. Et puis on en parlait beaucoup moins aussi. Il n'y a pas a dire, ils sont vraiment fort ces soviétiques ! Peut-être qu'elle aussi un jour, même si elle était française, elle réussirait à aller dans l'espace, comme Terechkova. En attendant elle voudrait vraiment aller au cosmodrome de Baïkonur, la grande base de lancement située dans la steppe du Kazakhstan. C'était la première mondiale, la plus importante. Elle s'était beaucoup développée depuis la fin de la Guerre Froide. La Guerre Froide. C'était le sujet du moment à l'école. Bientôt on fêterai les 15 ans de la victoire sur le monstre américain. Alors on devait faire des affiches car même si on était en France, ils nous avaient quand même "libéré d'accords et d'un mode de vie dangereux pour l'égalité de chacun". Mais Yéléna, elle s'en fichait autant que des tableaux numériques. En plus elle n'en pouvait plus de n'entendre parler que de ça. Oui, il avait exterminé les États-Unis en bombardant New York, Washington et la Californie, numériquement évidemment( ça reste la Guerre Froide quand même). Oui, les soviétiques avaient gagné. Oui, c'était les plus forts, c'est bon, on avait compris! Alors, la petite Yéléna, que tout cela commençait à fatiguer, comme tous les ans d'ailleurs, n'avait aucune envie de retourner à l'école.

Pourtant elle fut bien obligé d'y retourner comme tous les jours de la semaine et ceux à venir. Après s'être habillée et avoir pris un bon petit déjeuner elle était prête. Pile a l'heure. Mais elle aurait pu être un peu en retard sa mère préférait cela à ce qu'elle ne mange pas avant de partir. Et oui le petit déjeuner est essentiel, comme le répétait le gouvernement où la majorité était communiste et très attentif à l'éducation des enfants. Et Yéléna non plus ne voulait pas louper ce repas. Elle avait le droit de manger des oreshki et c'était la seule fois de la journée. Alors hors de question de faire l'impasse. En plus ils étaient bio. Pas local- ils étaient conçus et fabriqués en URSS, comme pratiquement tous les produits des nouveaux leaders du commerce les épiceries Universam- mais bio. C'est déjà ça de pris, surtout avec la crise climatique actuelle. En plus il contenait des sucres lents, parfaits pour tenir jusqu'au repas du midi, surtout que les repas de la cantine n'étaient pas aussi bon que les oreshki . Alors ces gâteaux elle pouvait même les manger dans la voiture, sa mère s'en fichait tant qu'elle en mangeait cinq chaque matin. D'ailleurs en parlant de voiture il était temps de partir.

Tschuss KennedyWhere stories live. Discover now