4; sans bruit ni fracas.

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    NOTRE PETIT groupe, excepté Arnaud, était réuni dans la salle de bain d'Olive. Georgia étirait sa paupière pour une tracer une virgule de liner. Marion lui flanquait des coups de coude, à moitié pour l'embêter, sous prétexte qu'elle prenait toute la place. 

    Olive, confortablement installée dans sa baignoire, laissait pendouiller une jambe. 

    "Vous vous prenez trop la tête, assura-t-elle. Il va même pas remarquer que t'as une nouvelle robe, princesse." 

    Olive avait cette manière de parler assez crue qu'elle seule pouvait employer avec Georgia et sa susceptibilité légendaire. Il était vrai qu'elle avait plutôt des manières qui différaient d'Olive et son je m'en foutisme légendaire. 

     "Je fais des efforts pour moi-même, se défendit la rousse. J'aime bien avoir une nouvelle robe. 

    - A d'autres."

    Mon amie porta machinalement la main au collier qu'elle portait, jouant avec la petite pierre colorée qui y pendait. Elle la fit rouler contre son pouce sans réfléchir. Olive ne se séparait jamais de son collier mais en changeait la pierre régulièrement. Elle l'avait acheté voilà bientôt deux ans, lorsqu'elle nous avait annoncé qu'elle était genderfluid. 

    Pour éviter de la mégenrer, elle avait obtenu ce collier et instauré un code couleur pour savoir quel pronom employer. Le mécanisme était maintenant bien ancré dans nos têtes et nous faisions attention à ne pas nous tromper. Même Arnaud, qui avait été un peu largué dans les explications, savait une seule chose : il devait faire attention à la couleur. 

    Aujourd'hui, c'était elle.

     "Il vient à quelle heure ? demanda Mathilde qui appliquait de l'highlighter sur le bout de son nez.

   - Je lui ai dit vingt heures. Ca veut dire qu'il arrivera à vingt et une heure." 

    Georgia roula des yeux. Marion étouffa un rire. 

    Puis, la rousse se tourna vers moi, avec son tube de rouge à lèvres à la main, avec l'air d'avoir été frappée par un éclair de génie.

    "Sido, je peux te maquiller ? 

    - Euh...non merci..." 

    La rousse fit la moue en titillant une de mes mèches.

    "Alleeeez, supplia-t-elle. Ca t'ira super bien !" 

    Je coulais un regard de détresse à Mathilde qui me fit comprendre qu'elle ne pouvait rien faire. Elle trouvait sa place dans le groupe déjà vacillante et n'avait pas envie de se mettre Georgia à dos. Sa bouche se tordit d'une jolie moue désolée et ses yeux noisettes se portèrent à ses converses en toile. 

    Alors que Georgia faisait des simagrées, son tube de rouge à lèvres élevé dans les airs, continuant à me supplier, Marion lui attrapa agressivement le poignet. 

    "Arrête ton cirque. Elle veut pas. 

    - Arrête, tu me fais mal, geignit Georgia en coulant un regard noir à Marion." 

    Elle se frotta le poignet pendant que Marion ravalait un râle. J'échangeais à nouveau un regard avec Mathilde. Elle me sourit, timidement, contente pour moi que j'échappe à quelque chose que je n'avais pas envie de faire. 

    "Princesse, quand t'auras fini avec le miroir, je veux bien la place, l'informa Olive." 

    Cette remarque sembla être la goutte de trop puisque Georgia crispa ses poings, enfonçant ses longs ongles écarlates dans la chair. 

Comment j'ai divorcé de ma mère.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant