Part I

13 1 0
                                    

J'étais à Vladivostok lorsque tout a commencé. Mon amie et moi avions pris quelques jours de repos loin de la frénésie de Tokyo. Je ne le savais pas encore mais Vladivostok allait s'avérer être l'une des villes les moins touchées par l'épidémie. L'Esprit du vent avait tourné en notre faveur. Du moins c'est ce que je pensais lorsque les premiers infectés devinrent incontrôlables. Ambre et moi avons eu la bonne idée de nous reclure plus loin dans les terres quand la folie rejoignit la ville et que les événements commencèrent réellement à échapper à tout contrôle. Nous restâmes dix jours coupées de tout contact. Aucune nouvelle de nos familles et amis. Un silence assourdissant pour seule compagnie. Au bout du dixième jour, un groupe de jeunes londoniens se présenta à nous et nous annonça la fin d'une ère. Mon cœur hurla à l'agonie mais ma bouche n'émit aucun son. Les morts nous encerclaient et nous dûmes apprendre à nous cacher, nous entraider, survivre loin de toute civilisation. Mais par-dessus tout surtout, nous dûmes apprendre à tuer. Après six mois dans ce nouveau monde, nous avions réussi à créer quelque chose qui ressemblait à une famille. Elle était bien différente de celle que nous avions perdu, mais elle était notre petit bout de paradis. Toutefois, la réalité nous rattrapa lors d'une nuit d'hiver aussi froide que la mort elle-même. L'un des nôtres s'était fait écorcher par une infectée alors qu'il patrouillait quelques jours plus tôt. L'effroi et le déni l'avaient poussé à garder le silence et faire comme si de rien n'était. Malheureusement, cette nuit-là ce ne fut plus ces émotions qui animaient ses sens, mais bien l'odeur de la chair. Il s'était jeté sur sa propre sœur pendant qu'elle dormait et lui avait arraché la gorge. Son hurlement de douleur résonnait encore dans ma tête chaque nuit. Il avait attiré des dizaines de rôdeurs et avait poussé le reste du groupe à se séparer. Ambre et moi nous étions enfuies vers le nord avec deux couteaux mal aiguisés pour unique arme. Le plan était simple, si un événement comme celui-ci devait se produire, il nous fallait rejoindre le bastion de résistance le plus proche. Il était situé à Sokcho, une ville la province de Gangwon en Corée du Sud. Avant que le monde soit complétement dévasté, les média et les radios avaient diffusé une liste de villes dans lesquelles se rendre afin d'être pris en charge et protégé. Plusieurs mois s'étaient écoulés depuis et rien n'indiquait que ces endroits existaient toujours mais nous ne pouvions risquer de rester au même endroit plus de quelques jours. À deux nous étions trop exposées, trop faibles. Nous réussîmes à trouver une voiture en état de marche et prîmes la route pendant 6 heures avant d'être bloquées par des dizaines de voitures abandonnées. L'air était glacial et la faim commençait à nous prendre aux tripes si bien que nous décidâmes de chercher des vivres dans la première supérette que nous croisâmes. Les inscriptions des panneaux indiquaient que nous avions passé la frontière nord-coréenne. L'endroit était désert et silencieux. Un frisson s'était glissé sous ma peau alors que je bourrais un sac de fortune avec des vivres dont je ne connaissais rien. Le cri de mon amie confirma la désagréable intuition qui s'était emparée de moi. Ce que je vis en la rejoignant me pétrifia. Ce n'était pas un infecté comme les autres. Il était plus grand, plus massif et une étincelle de vie semblait luire dans son regard. Terrifiée, mon premier réflex fut de tirer mon amie loin de cette chose et de courir le plus loin possible. Mais l'infecté se révéla également bien plus rapide que ses congénères. Il nous rattrapa sans difficulté et nous projeta à plusieurs mètres sans effort. Alors qu'il se dirigeait vers mon amie, une boule se forma dans mon ventre. La mort était un démon qui m'avait toujours hanté, mais je savais que je ne pourrais vivre seule dans un monde comme celui-ci. J'aspirais l'air à pleins poumon tandis que je ramassais mon couteau abîmé. Dans un dernier souffle, je couru dans la direction de l'infecté, me jeta sur son dos et lui asséna un unique coup dans son crâne. Un hurlement inhumain s'échappa de sa gorge mais il ne mourut pas sur l'instant. Mes pieds eurent juste le temps de toucher le sol qu'il m'asséna un coup de griffe qui transperça la peau de ma joue. L'infecté s'effondra à mes pieds la seconde suivante. Je n'avais pas encore réalisé encore ce qu'il venait de se produire lorsque mes yeux tombèrent dans ceux de mon amie. Un désarroi immense se lisait sur son visage et des larmes se mirent à inonder ses joues. J'effleurai ma peau de mes doigts et découvris avec horreur le liquide rouge qui les avait recouvert. J'étais infectée. Il ne me restait désormais que quelques jours à vivre. Des larmes coulèrent sur mes joues tandis que je fermais les yeux pour me calmer.

The fallen worldWhere stories live. Discover now