I: Les Affaires Reprennent, Pt.1

13 1 17
                                    

La sensation de se noyer l'assaillit soudain. Le niveau de liquide baissait, et il faisait tout ce qui était en son pouvoir pour garder la tête au fond. Mais celui-ci s'évanouissait, fuyant inexorablement tandis que, sanglé sur le dos, il ne pouvait se retourner pour respirer lorsque le niveau fût trop bas.

Puis, alors qu'il se sentait s'asphyxier de plus en plus, il y eut comme un appel d'air, et à ce moment là, les sangles qui le retenaient éclatèrent d'elles même.

Il voulu se redresser mais sa tête, aveugle, cogna avec un bruit sourd quelques chose de dur. C'en était trop, il se retourna avec des gestes électriques, arrachant au passage les seringues de nourrissement, et régurgita dans le fond du caisson de sommeil le liquide de respiration qui ne lui servait désormais plus à rien. Les seringues nourricières, brutalement arrachées alors qu'il se débattait, déversaient leur contenu tandis que le sang se mêlait à la bouillie vitale.

L'air qui pénétrait dans ses poumons lui faisait mal, comme s'il les brûlait par le froid. Il toussa, restant allongé dans les résidus de son sommeil, faute d'avoir l'espace de se relever.

Sa tête semblait prête à exploser. Grognant et crachotant, il crut percevoir une voix lointaine tandis que, dans un sifflement suraigu, la porte de sa prison s'ouvrit en grand. L'air parût plus froid que jamais, irrespirable.

La voix semblait toute proche, et ses yeux étaient comme collés. Deux bras enserraient sa tête pour le maintenir tandis qu'on lui appliquait un masque. Il se débattit, sans succès.

Soudain, un vent froid et violent s'insinua dans ses poumons sans qu'il puisse tenter de retenir son souffle déjà court, et il rejeta le masque avec violence. La voix s'affolait, parlant avec un débit de plus en plus rapide.

Ses yeux furent libérés, et il parvint enfin à distinguer un amas de lumières sans formes, entrecoupés d'une fumée brunâtre qui s'échappait de son nez et de sa bouche. Une silhouette obstruait de temps à autre la lumière, sa main dispatchait énergiquement les volutes afin qu'il puisse enfin respirer normalement, sans que le gaz de nettoyage pulmonaire vicié ne viennent ré-encrasser ses poumons fraîchement lavés.

Sa vue s'éclaircissait, l'air de la pièce, plus froid que le liquide de sommeil sur sa peau nue et trempée, le faisait frissonner désagréablement. Il ferma à nouveau les yeux et se concentra sur la voix qui, syllabe après syllabe, semblait lui revenir, comme un souvenir d'un passé proche qui s'était égaré en chemin. L'effort mental pour retrouver ses esprit lui faisait mal. Son cerveau, à l'instar de ses muscles, était resté inerte durant un sommeil sans rêve artificiel dont il ne voulait pas connaître la longueur.

Les mots qu'elle disait, au début du charabia à peine audible, devenaient de plus en plus clair.

— Prenez votre temps... entendit-il.

Son débit de parole, très rapide, semblait désormais être passé de la panique à la joie. Il se calma, concentré sur les mots de moins en moins incompréhensibles, comme si les éléments de langage lui revenaient à mesure qu'il les entendaient. Sa tête était toujours prête à exploser tant l'effort de mémoire fourni était important pour lui, comme s'il piquait un sprint au delà de ses limites sans y avoir été entraîné. Cette dernière sensation lui était tout aussi familière...

— Concentrez vous sur ma voix, est-ce que vous me comprenez ?

Il mit du temps avant de se rappeler l'intérêt d'une question, qu'il fallait donc répondre. Il hocha légèrement la tête, sentant ses muscles se réveiller, et prenant conscience de la douleur émanant de ses bras, ses jambes et son dos, et qui le raidissait brutalement.

— Mon prince, est-ce que vous vous rappelez de moi ?

Le prince ouvrit les yeux. Au dessus de lui se tenait le visage lisse et doré d'une jeune femme souriante et visiblement euphorique. La sensation de la reconnaitre s'empara de lui, sans qu'il ne puisse déterminer de qui il pouvait bien s'agir. Cependant, ce fût sous le coup d'un agacement virulent et mystérieux qu'il bégaya ses premiers mots:

A la Dérive - La Triade des Faussaires - Arc 3Where stories live. Discover now