La captive du sahara ( suite)

6

                Mattew jubilait. Hamalca venait de lui annoncer que Malucia était sortie; direction chez le cheikh. Leur plan marchait à merveille.
À vrai dire, il ne serait pas trop choqué de voir que sa fille refuse le cheikh car depuis... Depuis qu'il l'avait pêchée dans le désert, il la sentait différente. Elle avait grandi, tant sur le plan physique que psychologique. On avait enlevé sa petite fille et on lui a remis une femme.
Surtout quand il l'avait surprise en pleurs quand il s'était réveillé, il était certain que quelque chose clochait.
Sa fille n'était pas du genre à abandonner aussi facilement!
Et pourquoi c'est sur le petit frère qu'elle pleurait au lieu de son fiancé?
Epuis d'ailleurs, où sont les résultats du médecin?
Malucia disait que ce n'était pas grave, que c'était dû à la fatigue, au stress, etc...
Après tout il était son père donc il ne pouvait pas se laisser ainsi berner par sa fille.
Mattew se mit sur ses pieds d'un pas décidé, il devait passer voir ce médecin...

              Mohamed la lyncha du regard.
-Vous lui avez prêté le flanc! Éreinta-t'il furieux.
-Non! Il m'a tirée au flanc! Se défendit Malucia en sanglotant, apeurée.
Elle ne regrettait rien. Ce serait mentir de le prétendre.
-Et moi dans tout ça? Ma réputation est fichue avec ça? Quel genre d'exemple...
-Mais Mohamed, pourquoi cries-tu ainsi sur cette jeune fille? Intervint Moralija, en rentrant pour aller consoler Malucia.
-Tu ne vois pas que tu l'effraies!
-Mère, elle est déshonorée! S'écria Mohamed en cessant de faire les cents pas pour se tourner vers sa mère et Malucia.
-Et en plus, enceinte! Vous vous en rendez compte? Que vont dire le peuple et la famille, les amis?
-Tais-toi Mohamed! Dis-moi donc, combien de femmes as-tu déshonorées? Est-ce que tu aimes cette fille au moins? Il n'y a pas que la virginité qui importe pour un bon mariage! L'amour compte aussi! Déclara Moralija, blessée de réaliser à quel point son aîné ressemblait à son père.
Mawy l'avait épousée que par convenance.
C'est-à-dire un mariage arrangé par leurs parents. Par ailleurs, il ne la regardait même pas quand il passait au village.
-Je sais mère mais c'est la loi! Répliqua Mohamed, les sourcils froncés.
-Tu es cheikh mon fils et au-dessus de la loi!
-Personne n'est au-dessus de la loi!
-Oui mais toi, tu peux la changer ou la modifier mon fils!
-Ce serait triché!
-Qui n'est pas prêt à se sacrifier n'est pas encore prêt à aimer! Déclara Moralija en sortant, furieuse.
Il eut un silence de mort dans le bureau après son départ.
Mohamed était assis au bord de son bureau vitré et Malucia était au centre de la pièce.
Non, elle n'était pas venue pour sangloter ou pour écouter sa volonté encore moins pour lui accorder le bénéfice de l'éreinter à sa guise.
Elle releva fièrement son menton, essuya ses larmes.
-Oui, cheikh je suis enceinte de mon truand, je viens pour savoir si vous me voulez encore? Demanda-t'elle, déterminée.
Mohamed lui lança un regard incrédule.
-Jamais je ne trahirai mon peuple et transgresserait la loi encore moins élever l'enfant d'un truand dans ma maison! Déclara-t'il, furieux.
-Dans ce cas je n'ai plus rien à faire ici! Au revoir cheikh! J'espère que vous seriez heureux avec votre altesse! Fit Malucia en faisant demi-tour pour partir.
Elle s'était faite la promesse de ne plus remettre les pieds dans ce pays.
-Attendez!
Malucia s'arrêta net et se tourna vers lui.
-Oui?
-J'accepte de vous épouser à une condition! Fit Mohamed en se levant pour aller se poster en face d'elle.
-Je vous écoute, cheikh! Répond Malucia en le fixant audacieusement.
-Vous ne garderez pas cet enfant!
Même sa mère et sa soeur ainsi que Yuseinm et les domestiques qui écoutaient à travers la porte étaient choqués par ce qu'il venait de dire.
Malucia lui asséna une belle gifle.
-C'est ça une femme! Prends note Mohana! Fit Moralija à voix basse.
Mohamed posa sa main droite à la joue endolorie.
-Même si j'ai dix mille raisons de rejeter cet enfant mais j'en ai une qui m'en empêche et vous souhaitiez la connaître?
Mohamed hocha doucement la tête en signe d'approbation, incapable de parler tant il était ébahi.
-Eh bien mon très cher cheikh... C'est parce que j'aime énormément cet enfant, avant même qu'il ne naisse et vous savez pourquoi? Je suis tombée amoureuse de son père! Déclara courageusement Malucia.
Tout le monde en fût ébahi.
-Ma pauvre enfant! Fit Moralija en posant ses mains jointes sur son coeur, émue.
-C'est tout ce que je voulais vous dire! À Dieu cheikh!
Sur ceux, elle sortit.

          -Malucia, ça va? Demande Annabelle tendrement.
Malucia n'avait pas cessé de pleurer, pas parce qu'elle regrettait le cheikh mais parce que son enfant n'aurait jamais la chance de rencontrer son père.
Eh oui, quelques jours après sa visite chez le cheikh, elle avait décidé de quitter le pays, retourner en Amérique, quoi!
Un jour, peut-être, sa fille retrouverait son père...
Et elle dans tout cela? Non, peine perdue, elle n'arriverait jamais à l'oublier et peut-être qu'elle ne retrouvait jamais l'amour.
Et dire qu'elle le fuyait!
Sa fille serait la plus heureuse au monde.
Elle se l'était promise.
Au moment de monter l'avion, pour quitter à jamais le lieu qui a tant bouleversé sa vie, elle se retourna vers le désert qui semblait l'appeler.
Son esprit captif là-bas l'appelait au secours.
Son coeur restait prisonnier dans ses paumes.
-Ma chérie, tu viens? Demande Mattew , inquièt.
-Laisse, chéri... Fit Hamalca en l'attirant vers l'avion, comprenant que Malucia avait besoin d'être seule pour ce moment fatidique.
Malucia sortit le talisman de sa poche. Elle le tint entre ses paumes, au bord des larmes.
-J'ai passé les trois meilleures semaines de ma vie...( elle se moucha et repris) Auparavant, personne ne m'avait jamais ordonné quoi que ce soit mais toi, tu l'as fait et pire encore! ( elle sourit tristement) Avec toi, j'ai passé les pires et aussi les meilleurs moments de mon existence! Je n'oublierai jamais ce soir où tu m'as enlevé brutalement cette cagoule et que j'aie pu me perdre dans tes magnifiques prunelles bleues! Ça a été aussi ma défaite! Merci! Merci pour tout ce que tu m'as appris, pour tout ce que tu m'as donné aussi! Je t'aime! À Dieu!
Sur ceux, elle monta dans l'avion.