Chapitre 12

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La place Saint Louis est un incontournable de Metz, pour ses arcades qui abritent plein de petites boutiques de charme, ou d'autres carrément désuètes. La maison du tablier, par exemple, est pourtant une institution en ville, que l'on cherche un tablier pour un usage privé, ou que l'on soit un professionnel de la restauration. Maintes fois remaniées au cours des siècles, elles conservent tout le charme initial de leurs origines moyenâgeuses. Et là, en ce premier week-end de décembre, l'endroit revêt un tout autre aspect, plus féérique : le marché de Noël a été installé depuis une petite semaine. C'est un des marchés de Noël les plus grands d'Europe, parce que réparti sur les sites les plus connus de la ville : la place d'armes, devant la cathédrale, avec sa grande roue, la place de la République, avec sa patinoire, la place St Jacques avec ses artisans mosellans et la place St Louis, avec son carrousel ancien en bois.

Quand j'arrive sur le marché, il est noir de monde, malgré l'heure tardive. C'est vendredi soir, et la Nocturne attire toujours une foule de badauds. Je déambule entre les chalets de bois éclairés, sans m'arrêter, car je ne suis pas super en avance. On ne s'est pas donné de lieu exact de rdv, mais connaissant Mylène, je n'ai pas trente-six endroits où la trouver... Je tente donc les trois stands de vin chaud de la place. Pas que Mylène soit la plus grande alcoolique que je connaisse (nan, elle aime bien boire mais pas à ce point-là ... quoique ?), mais le vin chaud, c'est l'incontournable du marché de Noël ! Et bingo (qui est la plus forte ?) je trouve l'intéressée en question le gobelet à la main sous un parasol chauffant, accoudée à une table haute, riant aux éclats avec Mathieu. Lorsqu'elle m'aperçoit, elle me hurle de venir la rejoindre. Mathieu, tout sourire, me fait la bise avant d'aller me chercher un verre de vin blanc, qu'il refuse que je paie. Lorsqu'il revient et me le tend, quel bonheur pour mes doigts engourdis malgré mes gants !

— Comment ça va Claire ? me demande-t-il avec sympathie.

— Bah ça va ! Et toi ?

— Ça va. Content d'être en week-end. Alors cette visite au tribunal ? Samuel m'a dit qu'il t'y avait vue !

— Ah ? Oui effectivement, c'était sympa. Intéressant, les élèves ont adoré.

— Hum hum.

C'est censé dire quoi ça ? Mathieu me regarde avec un sourire narquois, pendant que Mylène pouffe. Putain, qu'est-ce qu'ils sont lourds ... J'espère bien ne pas avoir à parler de tout ça pendant toute la soirée, sinon ça va vite me gaver ... Heureusement, l'arrivée subite de Fred met fin à mon calvaire. Finalement, le fait qu'il soit là n'est pas une si mauvaise chose. Vu qu'il ne sait rien, les deux autres ne vont pas pouvoir m'asticoter de la soirée. Chouette. Il s'installe à côté de moi, en me gratifiant d'un sourire sincère jusqu'aux oreilles, qui me fait me sentir presque mal à l'aise.

Mylène fait les présentations, puis Mathieu fournit à Fred son gobelet fumant incontournable. Ils échangent quelques banalités, sur la météo ou sur leurs métiers respectifs, et je m'abandonne à la contemplation de la foule autour de nous. Beaucoup de familles, dont les jeunes enfants arborent les fameux bonnets de père Noël en vente un peu partout sur le site, s'attardent aux stands de jouets en bois et autres poupées russes traditionnelles. Elles laisseront progressivement la place aux jeunes et aux couples au fur et à mesure de la soirée. Les stands projettent leurs lumières sur les clients, et les bougies traditionnelles du stand d'à côté plongent les gens dans une lueur familière et reposante. J'observe la foule, qui se laisse aller à quelques dépenses inutiles que la magie des lieux oblige à faire. Même moi, je sais que tout à l'heure, je vais sans doute craquer pour un ou deux objets que je n'avais aucunement l'intention d'acquérir avant ce soir.

C'est un « bonsoir » lancé juste à côté de moi qui me sort soudain de ma torpeur hivernale. Je quitte des yeux le marché pour poser mon regard sur le nouvel arrivé, en écarquillant les yeux. Samuel, beau comme un dieu dans un duffle-coat marine, les mains dans les poches, sans doute à cause du froid, plonge ses yeux bleus dans les miens. J'ouvre la bouche puis la referme. Merde, je dois avoir l'air d'un poisson rouge.

Baby Project [ Sous contrat EVIDENCE EDITIONS ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant