La cité Lunaire

La nouvelle

La pénombre envahissait déjà la seule pièce de cette demeure. Tous les meubles de métal rendaient l'endroit froid et angoissant. Malgré l'obscurité, la clarté de la ferraille scintillait, à en donner mal au crâne. Seule la peau noire du jeune homme, au milieu de la pièce, permettait de radoucir l'atmosphère. Il gratta ses cheveux frisés attachés en chignon et esquissa un sourire.

Sabathiel était assis, un livre entre les mains, comme il le faisait chaque fois qu'il avait un peu de temps devant lui. C'était une vieille relique qu'il lisait. Elle devait dater de l'époque de ses grands-parents ou arrières grands-parents. Le titre « La Terre racontée aux enfants » l'amusait. Il ne l'était plus depuis bien longtemps, mais pourtant il était toujours autant fasciné par les images qu'il découvrait à l'intérieur. Sur la première de couverture cornée et un peu déchirée, il distinguait une ligne d'animaux qui avaient quatre pattes et une bosse sur le dos. Comment s'appelait ces animaux, déjà ? Il n'en n'avait pas la moindre idée. Cette espèce, comme bien d'autres, avait été éradiquée. Quelle tristesse ... Jamais il n'aurait la chance de se tenir face à un animal, de passer ses doigts sur un pelage. Cette idée lui serra le cœur. Il se plongea dans son ouvrage et rêva d'une vie sur la Terre, simple, entourée de verdure. Il revint à la réalité lorsque Nehlia ouvrit la porte.

La fiancée de Sabathiel avait le visage luisant. Elle passait beaucoup trop de temps à l'extérieur. Il n'arrêtait pas de lui dire de changer de travail pour trouver quelque chose d'un peu plus confortable, mais elle aimait bien trop son job.

— Encore la tête dans ce livre ? lança la jeune femme en se débarbouillant à l'aide d'une serviette humide.

— Viens voir.

Sabathiel n'avait pas relevé la tête mais avait ponctué sa phrase d'un geste de la main. Nehlia détacha ses cheveux châtains et les ébouriffa. Quelques cheveux rebelles pointèrent sur le dessus de sa tête, mais le reste retomba en cascade sur ses épaules.

Nehlia embrassa son fiancé sur le front avant de s'asseoir sur l'accoudoir du fauteuil en métal où il était assis. Il lui montra une page sur laquelle figurait la photo d'un animal. Des plumes grises recouvraient tout son corps et ses yeux étaient écarquillés, ronds comme la surface de la Terre. Il n'avait que deux pattes, qui s'agrippaient sur une branche.

— C'est une chouette, précisa le jeune homme face à la mine dubitative de sa bien-aimée. Mon père m'a toujours dit que nos ancêtres élevaient ce rapace, et je comprends pourquoi. Regarde la force qu'elle a dans les serres.

— Fascinant. Peut-être qu'un jour tu pourrais en élever toi aussi.

Sabathiel pouffa et Nehlia se leva pour aller dans leur espace cuisine. Elle attrapa un sac isotherme qu'elle avait apporté avec elle et en sortit deux boîtes en métal.

— Non je suis sérieuse. La recherche avance bien et il paraît que le gouvernement est à deux doigts de créer un petit poisson.

Sabathiel soupira, les yeux levés au ciel, avant de refermer son livre usé et de le ranger dans la bibliothèque qu'il avait hérité de son père. Chaque fois que Nehlia évoquait le gouvernement, il était agacé. Jusqu'ici, la seule chose que le gouvernement avait réussi à faire c'était mettre en danger tous les humains dans une guerre nucléaire, au point de rendre la Terre inhospitalière. Les quelques humains encore en vie étaient constamment en manque de vitamine D et d'oxygène, tout ça à cause du foutu gouvernement. Mais Nehlia ne voulait pas voir les choses en face. C'était l'optimiste du couple. Ou peut-être était-elle simplement dans le déni ? Sabathiel la rejoignit dans la cuisine et ouvrit les boîtes en métal qu'elle avait posées.