Prologue - Greg

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J'ignore pour la troisième fois le téléphone qui vibre dans ma poche de costume et me concentre un peu plus sur le décolleté de Gabrielle. Une coupe de champagne à la main, je fais mine de m'intéresser à ce qu'elle raconte. Ce qui n'est absolument pas le cas. Je pense, et je ne suis pas le seul, que cette jeune femme est de loin la stagiaire la plus incompétente de l'année. Elle ne doit sa place dans notre cabinet de gestion financière qu'à son père, dirigeant de la branche française de l'une des plus grosses banques internationales. Et si, trois mois après son arrivée, elle n'a pas encore été virée avec perte et fracas, c'est parce qu'en plus d'un papa influent, elle a des compétences dans un autre domaine. Aymeric a été le premier à les exploiter, suivi de près par Idriss, puis Erwan et Raphaël. Des chargés de projets seniors, je suis le seul à ne pas lui être passé dessus. Une regrettable erreur que j'ai décidé de corriger ce soir même. C'est pour cela que j'ignore mon téléphone.

Quatrième appel. Nous sommes le 24 décembre à 17 h. Toutes les bourses ont clôturé leur marché plus tôt dans la journée, ou sont en passe de le faire, je sais donc que ce coup de fil n'a que peu d'importance. Oui, même les requins de la finance fêtent Noël...

— Tu ne réponds pas ? demande Gabrielle en glissant un de ses doigts parfaitement manucurés dans ses jolies boucles rousses.

Je souris.

— Si tu veux, je t'attends dans ton bureau, reprend-elle avec un clin d'œil. Tu gères ton client et après, on trinque à Noël, tranquillement.

À la réflexion, je me demande dans quelle mesure cette fille est aussi inconséquente que ce qu'elle laisse croire. Je jette un coup d'œil sur le reste de la salle de réunion transformée, pour l'occasion, en salle de réception. Toute l'équipe est occupée à discuter en sirotant un verre et en dégustant un petit four de chez Le Nôtre. Rien de très habituel chez Corexia. Ici, nous sommes des forçats du boulot. Les journées comptent un minimum de 15 heures, les semaines ne connaissent pas de samedi et peu de dimanches, quant aux vacances, c'est un peu comme une légende urbaine : il paraît que ça existe, mais personne n'a de preuve ! Ce pot de Noël, c'est l'exception qui confirme la règle. Une idée du big boss pour « renforcer la cohésion des équipes et profiter de l'atmosphère particulière de cette période de l'année pour développer une ambiance amicale », selon le mail reçu. Ça m'a fait hurler de rire. Au quotidien, notre directeur encourage et entretient un esprit concurrentiel entre les chefs de projets. Tout est prétexte à statistiques et comparaisons. Le nombre de client, le volume de leur portefeuille à gérer, la rentabilité des dossiers. Cette petite fête a un léger goût d'hypocrisie en ce qui me concerne.

Aujourd'hui donc, vers 16 h, tous les collaborateurs ont éteint leur ordinateur. Notre petite sauterie a débuté par un échange de cadeaux. Une quinzaine de jours plus tôt, tous nos noms ont été mis dans un chapeau. Une main innocente a constitué des duos. Une fois fait, charge pour chacun de trouver un présent pour la personne que le sort lui a attribuée. Un bienheureux hasard a accolé mon prénom à celui de Gabrielle. Elle a reçu un très beau carré de chez Hermès. Et moi, une excellente bouteille de single malt de 18 ans d'âge. Je déteste le whisky. Je ne sais donc absolument pas ce que je vais en faire. Par contre, je rêve d'utiliser le foulard pour entraver ses poignets pendant que je la prendrais... Ce qui concourra à lui procurer un second cadeau : un très bel orgasme.

Je reporte mon attention sur la jeune femme. Son chemisier de soie bleu clair ouvert juste ce qu'il faut, fait ressortir la naissance de ses seins que je devine pulpeux sous le tissu tendu. Sa taille fine est mise en valeur par sa jupe crayon noire. Mon regard se perd sur ses bas assortis et ses escarpins à semelles rouges. Je crois que je vais lui demander de les garder...

À nouveau, mon téléphone vibre. Cette fois, je n'y couperai pas. Je me penche vers Gabrielle et dépose un léger baiser sous son oreille. Elle sent délicieusement bon et j'avoue qu'il me tarde de laisser glisser mes doigts dans cette opulente chevelure de feu. Est-ce sa couleur naturelle ?

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⏰ Last updated: Jul 13, 2020 ⏰

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