Chapitre 5

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Inferno

J'ai rapidement fait mon sac. J'ai embarqué le peu dont j'avais besoin, et ça se résume à quelques vêtements de rechange. De toute façon, puisque je suis héro à la retraite, je n'ai même pas un résidu de costume. Ou d'armes quelconques. Je n'ai rien d'autre que mon expérience et mes alters.

Je soupire longuement en regardant la pluie commencer à tomber dehors.

Je prends un parapluie avec un grognement, il s'est coincé dans le tube où je l'ai rangé, et sors. Je me rends à pieds à la première gare routière, moins d'une demi-heure de marche, et attends deux heures la prochaine navette pour Musutafu.

Un homme s'approche de moi et commence à discuter, je l'envoie balader avec toute l'indélicatesse dont je peux faire preuve. J'ignore son suivant "connasse", et préfère me concentrer sur mes mains que sur la manière dont je peux les utiliser pour lui casser la gueule.

Le bus arrive plus tôt que je ne le pensais, et pour le bien commun, je me coince entre la fenêtre du véhicule, et une femme peu bavarde aux écouteurs enfoncés dans les oreilles.

Après plusieurs heures de trajet, je suis devant une maison appartenant à quelqu'un que je connais trop bien, et qui m'ouvre à peine arrivée.

- Tu es venue !

- Tu n'avais pas besoin d'être là pour m'accueillir, tu n'habites même pas vraiment là.

Keigo me fait un grand sourire.

- Pose tes affaires, je te fais un débriefing.

Je pose mon sac dans un coin et viens m'installer près de lui, sur le canapé dans son salon.

- Note bien que je ne peux pas être mêlé à cette histoire. No est déjà sur le coup, et je ne t'ai tenu au courant que parce que c'est ton frère. Tu penses faire quoi ?

Je soupire.

- Le sortir de ses embrouilles, lui botter le derrière, et voir avec la Police si on ne peut pas trouver un arrangement. J'espère juste que c'est pas trop grave.

Il me regarde longuement.

- Tu n'avais pas été inquiète comme ça depuis un bail, me dit-il sérieusement.

J'hausse distraitement les épaules.

- Je n'ai même pas la force de te dire l'inverse.

Il soupire en secouant ses ailes.

- Tu as l'air de t'être calmée, depuis la dernière fois que je t'ai vue.

- Je ressemblais à quoi ?

- A un démon vengeur. Tu te souviens ? Tu en voulais à tout le monde et tu cognais tout ce qui bougeait avec ta foudre.

Je regarde mes mains distraitement. Les zébrures qui parcourent mes bras commencent là, à mes poignets. Et elles s'étendent partout où elles ont eu la place de le faire, de mes deux bras, à ma jambe droite.

- Tu as fait quoi, ces cinq dernières années ?

- J'ai été professeur de Kuyudo. Et là, professeur de Maths. Et de pratique héroïque.

- Tu t'étais tournée vers le Kuyudo ? Tu as mis combien de temps à passer de l'arc à ça ?

Je souris.

- Deux semaines avant de réussir à mettre la flèche dans le mille. A cinquante flèches d'entraînement par jour.

- Tu es folle.

- C'est calme, j'en avais besoin pour me calmer un peu. C'était plus possible. C'est à peu près à ce moment là que j'ai perdu totalement contact avec Tomio.

- Il a livré tout un tas de paquets pour des types pas nets. Vous pourrez toujours dire qu'il ne savait pas ce qu'il transportait.

J'hoche la tête et me lève.

- Il faut que j'y ailles. Je n'ai qu'une semaine.

- Je ne serais pas là quand tu reviendras.

- Je m'en doutais.

- Hisa.

Je me retourne pour lui lancer un regard désespéré.

- Quoi.

- Fais attention à toi. Tu n'es pas envoyée sur le terrain par quelqu'un. Et même si tu as toujours ta licence, n'oublie pas que tu n'as pas ton masque pour te protéger.

Je souris doucement.

- Ce n'est pas moi que mon masque protégeait, c'était eux.

Je sors sans me retourner, pour être sûre de ne pas lui laisser le temps de me retenir, même si il aurait pu le faire à vitesse grand "v", s'il l'avait voulut.

Les mains dans les poches, j'entre dans le quartier dont Keigo m'a donné l'adresse. Ce n'est pas si loin que ça, et à force de courir avec mes élèves, j'ai repris le goût d'un sport.

Je sais que je ne trouverais pas mon frère là où on pense tous qu'il est. Mais je veux trouver au passage ceux qui sont susceptibles de lui en vouloir, ou de lui faire du mal. Tout comme je pense pouvoir trouver où il est parti.

Quand il était petit, il m'écouter raconter mes cours, et tout ce qu'on apprenait, en filière héroïque. C'est un filière qu'on ne pouvait pas me payer, alors je prenais des cours par correspondance, m'entraînait dans le gymnase de l'association avec les autres élèves, et allait en cours dans le lycée dans lequel j'enseigne aujourd'hui. J'avais une heure de vélo à faire pour aller m'entraîner. Le concours était aussi là-bas. Je travaillais à côté pour me payer le tout, histoire de n'avoir aucun reproche de la part de qui que ce soit.

J'ai eu mon diplôme, j'ai continué à travailler et à étudier, pour payer mes études, partir de la maison, et aider à payer celles de mon petit frère.

J'arrive en bas de l'immeuble et grimpe aux escaliers extérieurs. J'ouvre la fenêtre miteuse et entre. La première chose qui me frappe est l'odeur de renfermé. Depuis combien de temps Tomio n'est-il pas passé par ici ? Au moins une semaine, sûrement le jour, la veille ou le lendemain de son signalement.

Il n'a pas d'affaires à lui, ici. Ou du moins, pas d'effets personnels, comme des photos, ou un chargeur de téléphone. Mais il en a eu un, de ce que je vois à la prise de courant. Il reste du gel douche dans la salle de bain, et du dentifrice, mais pas de brosse à dent.

Je remarque qu'il a dû avoir beaucoup de mal à se laver dans une cabine aussi étroite, avec ses ailes.

On frappe à la porte et je sursaute. Je m'accroupis, prête à sauter sur la première personne enfonçant la porte, mais rien ne vient.

- S'il-vous-plaît, ouvrez, demande une voix.

Une Plume d'OignonWo Geschichten leben. Entdecke jetzt