Chapitre 24

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Helei

Décembre 1876

Le duc s'était retiré dans son bureau dès qu'il avait compris le soi-disant enlèvement d'Evangeline. Méphisto, avec l'accord de Valéry, avait tu le sortilège posé par la jeune duchesse.

La nuit était déjà bien entamée lorsque nous nous retrouvâmes, Valéry, Méphisto et moi, dans la chambre du professeur Daergos. La pièce était plongée dans les ténèbres alors que la porte s'ouvrait pour nous laisser passer. Mon corps me portait à peine et je m'écroulai sur le lit à baldaquin alors que Méphisto allumait une lampe à huile. De mystérieuses ombres dansaient sur son visage et sur ses cheveux sombres, leur donnant une texture soyeuse et rougeâtre.

Valéry se laissa tomber sur l'une des chaises et posa son revolver, qui m'avait sauvé la vie, sur la table. Le métal et le bois de rencontrèrent avec fracas, la crosse de l'arme entailla la table. Il paraissait, lui aussi, fatigué. Le silence se tissa entre nous mais finit par être brisé par Valéry.

— Pourquoi Evangeline se serait-elle enfuie ?

Sa question trancha l'air comme une lame particulièrement aiguisée. Méphisto s'assit alors que je me redressais, prenant appui contre l'un des poteaux du baldaquin.

— Elle n'y aurait aucun intérêt. Pourtant...

— Pourtant ? insista Valéry.

— Il y a sûrement un élément qui nous échappe. Quelque chose que l'on ne sait pas et qui l'a poussée à fuir le manoir.

Méphisto se releva et commença à arpenter la pièce. Ses longs cheveux noirs flottaient dans son dos, suivant le mouvement régulier de sa nuque. Je fermai les yeux, l'agitation de mon mentor ne faisait que m'épuiser davantage. Mon corps me paraissait toujours douloureux, mes articulations bloquées par des poids invisibles. Ma peau tiraillait, comme si elle se décollait de mes os. Ma vision était troublée par une sorte de voile opaque et mes yeux secs brûlaient. Un sentiment d'impuissance me tenaillait et bloquait ma gorge. Mes nerfs étaient à vif, je pouvais craquer à n'importe quel instant. Je déglutis, essayant tant bien que mal de suivre la discussion des deux adultes qui, malgré leur fatigue apparente, ne semblaient pas prêts à se coucher.

— Si je résume ta réflexion, commença Valéry, Evangeline aurait simulé son enlèvement avec l'aide des Abscondams pour fuir le manoir ?

— C'est ça.

— Si ces créatures sont dans le coup, elle est avec eux.

Méphisto hocha gravement de la tête avant de s'arrêter près du lit. S'appuyant contre l'un des montants, il y posa la tête avant de fermer les yeux, le silence s'installa à nouveau entre nous. Mes paupières ne tenaient plus ouvertes, signe que le sommeil ne tarderait pas à m'emporter. Le raclement de la chaise contre le sol me tira de ma léthargie tandis que Valéry se levait. Il saisit son arme, vérifia qu'elle était chargée avant de se diriger vers la porte.

— Mélania va m'attendre, je vais rentrer, déclara-t-il.

— Sa grossesse se passe bien ? s'enquit Méphisto en le raccompagnant à la porte.

— Mieux que la première. Bonne nuit, Helei, ajouta Valéry après un instant.

Je lui fis un sourire et un signe de la main avant de me laisser tomber sur le lit, regard vers le ciel. Mon esprit semblait déconnecté de la réalité, j'étais présent mais à la fois totalement absent. Une sorte de brume me maintenait encré dans une léthargie étrange. La porte n'était pas entièrement fermée, des murmures me parvenaient presque distinctement. Un mot attira mon attention et attisa ma curiosité.

L'Ombre du LuxembourgOnde histórias criam vida. Descubra agora