Chapitre 2 : Renaître

289 49 65
                                    


J'ai toujours cru que mourir faisait mal, on vient bien à la vie dans la douleur alors pourquoi aurait-ce été le contraire pour la mort. Pour être honnête, mourir assassinée ne fait pas mal mais ça décuple vos sentiments. J'ai ressenti une énorme rage, une puissante injustice, une sourde colère. Quel droit avaient-ils de m'ôter la vie ? 

Quand mon patron m'a appelée, je savais que je ne devais pas décrocher. Après tout, ma journée était terminée. Mon devoir de ce jour accompli. J'étais confortablement installée dans mon divan moelleux avec Antoine, mon mari. Il avait débouché une bouteille de rouge, programmé une série dont nous raffolions sur Netflix, tamisé les lumières du salon et, j'en suis certaine, avait prévu une fin de soirée "galipettes" sous la couette. Je n'avais donc aucune envie de briser cette ambiance parfaite. Alors qu'Antoine souffla de frustration, je me suis levée pour aller répondre. 

- Simone ! Sincèrement désolé de vous déranger aussi tardivement mais auriez-vous l'amabilité de me rejoindre le plus rapidement possible au bureau ? C'est très important ! S'il vous plaît ?

 Edgar Wallace, mon patron, n'a pas besoin de se présenter au téléphone. Je reconnaîtrais sa voix n'importe où. Elle est tellement nasillarde, trop aiguë pour un homme et, franchement, très agaçante. C'est dommage pour un homme aussi bien bâti que lui. Grand, brun, yeux verts, musclé et sincèrement altruiste. Camille et Nicole n'arrêtent pas de minauder devant lui. Après avoir cassé l'ambiance romantique créée par Antoine et d'assez mauvaise humeur, je me suis donc déplacée jusqu'au travail. Il devait être dans les alentours de 21h30. 

En me dirigeant vers la  porte du bureau de Monsieur Wallace, j'ai remarqué la lumière allumée dans mon bureau situé quelques mètres plus loin. Agacée par le fait qu'un intrus puisse rentrer dans mon domaine, qui était fermé à clé soit dit en passant, je me dirigeai d'un pas rageur vers la porte entre ouverte quand j'entendis: 

- Cette conne nous facilite la tâche, elle est tellement organisée. C'est un vrai jeu d'enfant.

Une voix masculine que je semblais reconnaître vaguement s'échappa alors. Intriguée, je me suis penchée un peu plus en tendant l'oreille. 

- Nous allons intervertir les manuscrits corrigés et prêts à être édités avec ceux non corrigés. J'ai hâte de voir sa tête quand elle réalisera dans quelle merde elle est. Vivement la réunion de fin de semaine, ça va être un moment de jouissance absolu!

 Alors cette voix, je savais à qui elle appartenait, sans l'ombre d'un doute. C'était Manon Steel, lectrice et correctrice comme moi. Elle ne m'avait jamais adressé la parole mais je la soupçonnais d'être à l'origine de certaines rumeurs douteuses: une liaison avec le patron qui m'aurait apporté de meilleurs contrats ainsi qu'une belle augmentation.

J'avais très envie d'entrer en hurlant dans mon bureau. J'étais déjà hilare de voir la trouille qu'ils auraient. Mais j'avoue, je voulais terriblement me venger. J'allais attendre qu'ils soient partis et remettre tout en ordre, comme si rien ne s'était passé et jubiler en voyant leur tête se décomposer quand ils essaieront de me mettre en faute et qu'ils réaliseront que j'étais au courant de leur médiocre petit plan. 

Bon, d'accord, ce n'était pas une sanglante vengeance mais j'avais la satisfaction de pouvoir déjouer facilement ce piège tendu.  

J'ai donc reculé silencieusement dans le couloir et ai été frapper chez mon patron. La porte étant ouverte, je suis rentrée sans attendre qu'on m'en donne l'autorisation. Un post-it jaune se trouvait sur le bureau immaculé. 

"Rendez-vous aux archives. EW".

C'était bien mon jour ! On me fait revenir au bureau en soirée, je découvre que mes collègues veulent me faire tomber en disgrâce et maintenant, je dois me taper le sous-sol !

En arrivant sur place, j'ai tout de suite vu la porte des archives ouverte. Je me suis avancée dans les allées sombres en criant après Edgar Wallace. J'ai entendu un bruit sourd dans l'allée sur ma gauche, un juron ridiculisé par la voix qu'il a employée et mon patron surgir d'un coup avec une énorme caisse entre les mains. 

- Ah! Simone, vous voilà. Aidez-moi à porter ceci jusqu'aux tables de consultation dans le fond, je vous prie. J'arrive avec deux autres caisses. 

Une fois ma caisse posée sur la table, j'ai lu ce qui était écrit dessus:

"Œuvres non-publiées de Mr.X"  

Ce rendez-vous nocturne avait donc un rapport avec mon déjeuner de ce midi. J'aurais dû m'en douter. Edgar Wallace était déjà rentré chez lui quand j'en suis revenue. 

Mais je n'ai pas eu le temps d'en apprendre plus. La lumière s'éteignit brusquement et puis... 

Je me suis relevée, j'ai vu mon corps étendu dans une mare de sang. J'ai regardé autour de moi, j'ai vu des ombres étranges sur les murs, les couleurs s'étaient effacées. Tout était devenu gris. En réalisant mon assassinat, j'ai hurlé ma rage, ma colère et mon injustice. 

- Et maintenant ! Que vas-tu faire ?

Une ombre se détache du mur, s'élargit pour se matérialiser devant moi. Un homme apparaît, il est grand et porte un costume noir aussi noir que ses cheveux et ses yeux, une chemise blanche mais pas de chaussures. Une tâche sombre dans ce monde devenu gris. C'est lui qui m'a posé cette question ... 

"Et maintenant, que vais-je faire ?"

Tout est possible quand on est mortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant