127 - Second time around

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Cela faisait deux jours. Deux jours depuis que j'avais laissé Mircea accompagner mon fils dans sa dernière demeure. Il m'avait écrit la veille que tout était terminé et que Traian reposait en paix, là où nous l'avions décidé. Je n'avais pas tout à fait accepté l'intrusion de mon demi-frère dans les funérailles de mon enfant, mais il s'était arrangé pour m'acculer dans ma propre demeure, alors que je veillais Traian. La scène qui avait suivi avait été plus que pathétique pour lui, puis pour moi. Je serai fâché de l'écrire mais je pense qu'il était traversé d'un chagrin presque aussi puissant que l'était le mien. Non qu'il m'eût touché, mais j'avais fini par comprendre la raison pour laquelle ses yeux de sauvage ne tarrisaient pas. Il avait appris par l'entremise de Vlad l'Empaleur qu'il était notre frère de sang, non notre neveu, et que toute son existence était construite sur un mensonge et un crime infâme. Pour le citer : l'unique chose bonne qu'il restât à Mircea Viteazul, à ses yeux, étaient Traian et Valeria. Il avait tant supplié que j'avais accepté de le laisser entrer et veiller avec moi Traian tandis que je prenais soin de la petite. Mon frère me confia à mi-mot qu'il pensait savoir que deux Miraï avaient survécu. Deux enfants ou deux adolescents, selon lui. Il marmonnait parfois qu'il les traquerait dès que l'enterrement serait achevé. Il voulait éteindre la lignée Miraï à jamais. Ça n'était pas mon cas : après avoir causé tant de morts, j'étais vidé de toute haine et de toute colère. De toute envie de vengeance. Cependant, je ne dissuadai pas mon frère de s'engager dans cette traque. Il était hors de question que je perdre mon temps et mon énergie à protéger la graîne de créatures qui m'avaient presque tout pris. Je ne jugeai pas nécessaire d'en informer quiconque. Personne ne pouvait se mettre entre un strigoï et sa vengeance et, de toutes les manières, il n'existerait pas un insensé qui oserait prendre sous sa protection deux fugitifs cibles de la haine furieuse d'un strigoï.

Je restai seul, isolé dans une grande demeure excentrée de Paris qui m'appartenait, pendant deux jours. Je répondais de temps à autre à Colibri qui m'envoyait des messages. Je constatai que la présence du voirlouveteau boiteux que l'on m'avait mis dans les pattes redonnait effectivement ses couleurs à ma fille, qui babillait dès qu'elle sentait la présence du petit monstre poilu. Ce dernier refusait de prendre forme humaine. Je le perdis dès mon arrivée dans mon manoir : il échappa à ma surveillance et se terra dans l'une des pièces sombres, poussiéreuses, aux meubles recouverts de draps. Impossible de découvrir sa retraite. Je dus placer, après nous avoir installés Valeria et moi dans l'aile sud-ouest, des gamelles de nourriture pour chien dans chaque pièce, portes fermées. Je me fis mordre cruellement lorsque je parvins à repérer le lieu où le voirloup était et quand je décidai de le capturer pour le ramener dans l'aile occupée, l'installant dans une chambre apprêtée pour lui. Ce qui me marqua fut qu'il n'émit aucun son et finit par se figer lorsqu'il m'entendit gronder, tremblant de tous ses membres, coincé sous mon bras. Ma chemise, en lambeaux et tâchée de sang, était bonne à jeter. Il s'arrangeait pour se cacher dès qu'il m'entendait

Oscar Wilde eut l'outrecuidance de me visiter exactement douze heures après que je refusai de lui donner les détails du lieu où je me trouvais. Cet imbécile ampoulé me connaissait depuis des décennies. Il me bouscula lorsque j'ouvris la porte d'entrée après s'être garé dans un tonitruant crissement de freins, ruinant ma superbe allée circulaire et mordant sur le cercle de pelouse mal taillée couverte de givre.

— Je ne vous embrasse pas, ingrate créature. Et faites poser une rampe sur votre escalier monumental, j'ai failli me rompre le cou.

— C'eût été une grande perte, murmurai-je en laissant la bise me mordre les joues avec un plaisir triste.

— Je vous ai entendu !

Le poète se hâta à travers les couloirs, sachant parfaitement dans quelle aile je nous avais installés. Je le suivis après une ou deux minutes et réalisai trop tard que cet imbécile avait laissé la porte menant à l'enfilade des chambres apprêtées ouvertes. L'odeur du voirlouveteau était chaude, ce petit monstre en avait profité pour filer et je doutais qu'il se laisse à nouveau attraper avec facilité. Lorsque je voulus en faire reproche à l'orphique, ce dernier ne m'écouta même pas, Valeria entre les bras. Cette petite traîtresse babillait doucement de joie, retrouvant un visage connu.

Vampire Consultant 2Where stories live. Discover now