Mme de Chartres et la galanterie du XVIIeme

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« Ma chère enfant, si vous ne deviez retenir qu'un enseignement de votre mère que se soit celui-ci : chérissez votre liberté. Elle ne vous est donnée qu'une fois, et une seule fois car, lorsque vous grandirez, votre statut et vos obligations vous l'a retireront. Sans que vous ne vous en aperceviez, elle vous échappera à jamais. Vous devrez tenir votre rang dans la haute société, ainsi est l'inconvénient de notre statut. Votre conduite devra rester exemplaire, afin de ne pas faire l'objet de rumeurs et de scandales. Les pires échos font souvent place à de réels éclats pour divertir les courtisans. Lorsque vous vous marierez, et je suis convaincue que vous le serez...

Mme de Chartres laissa échapper un soupir.

-Trouver un mari ne serra point compliqué mais le garder auprès de vous, voilà le véritable enjeu... Les hommes sont si... si bons menteurs. Ils le sont tous, j'en suis persuadée. Il commencera par des louanges sur vos yeux puis vos formes. Vos paroles lui sembleront alors intéressantes, intelligentes et pleines de bons sens. Vous vous sentirez mise sur un pied d'estale ou tout simplement séduite par ce joli-cœur. C'est alors qu'arrivera une demande en mariage qui vous remplira d'un bonheur inexplicable. C'est en acceptant cette demande que votre liberté s'envolera définitivement. Ce mariage vous donnera sûrement des descendants et je vous prierai de leur faire part de ce que je vous conte aujourd'hui. Ce mariage vous donnera sûrement de faux espoirs tel qu'une existence heureuse jusqu'à vos vieux jours, en compagnie de votre cher et tendre époux. Ce mariage vous donnera sûrement l'illusion d'être désormais protéger des commérages mais il en est tout autre.

Elle marqua une pause pour laisser le temps à sa fille d'assimiler toutes ses paroles.

-Il est sûr que votre mari se lassera de vous, comme il se serait lassé de n'importe quelle autre femme. Il se laissera courtiser par d'autres femmes et viendra alors, le début des mensonges. Les hommes ne sont pas doués dans tous les domaines, mais tous savent pratiquer l'art du mensonge. Cela commencera par une maîtresse puis une seconde puis une autre. Peut être n'en prendra t'il qu'une seule dont il serra follement amouraché. Tout cela, pour vous dire ma très chère, que vous n'aurez plus sa considération. Viendront alors les moqueries et les cruels commérages. Vous vous sentirez alors meurtrie d'avoir été bercée d'illusions. Pour éviter cela, il suffirait de refuser tout mariage me diriez vous. Ne pas se marier c'est préserver sa liberté, celle que vous devez chérir. Aucune tromperie, aucun regard, aucune épée de Damoclès, simplement la cour et ses inconvénients. Il vous suffirait alors de vous isoler dans la campagne pour vivre heureuse. Mais qu'en serait-il de votre devoir ? Terminer vieille fille n'est pas mieux que finir avec un mari infidèle ! Alors, finalement, prendre le risque de se marier serait-il le meilleur choix ? J'en ai bien peur. De toutes les situations dont peuvent résulter votre intégration dans la cour, il n'y a que de tristes débouchés. Vous devrez malheureusement faire des concessions. Et si vous n'êtes pas prête à en faire, je serai à vos côtés pour vous aider à prendre la bonne voie. Et ce, jusqu'à mon dernier souffle... »

Mlle de Chartres hocha la tête docilement puis, du haut de ses six ans, resserra l'étreinte autour de sa poupée.

Devoir sur le discours direct - 15/11/2020

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