Chapitre 1

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Le silence. Ce lourd silence qui l'entourait.

Léa ouvrit les yeux, péniblement, et réalisa qu'elle était allongée sur un épais matelas de neige. En une seconde, des images fugaces lui revinrent. Quelques instants plus tôt, elle se trouvait dans le grenier de ses grands-parents. Sa dernière aïeule, sa grand-mère, était partie il y a un mois par une chaude soirée de septembre. Cet après-midi, sa famille s'était rassemblée dans l'antique bâtisse grinçante pour trier des décennies d'objets et de souvenirs dans une ambiance empreinte de tristesse et de nostalgie. On retrouvait en souriant des jouets d'enfants aux couleurs passées, des grenouillères dont on essayait de deviner le propriétaire, des vieilleries qui n'avaient plus la moindre utilité aujourd'hui...

Et maintenant, elle était ici. Le brouhaha et les voix familières s'en étaient allés, seul le silence l'enveloppait désormais.

Bientôt, le froid la saisit. Elle tenta de remuer un doigt, une main, une jambe... Ses membres étaient ankylosés, ses longs cheveux roux emmêlés et constellés de givre, sa joue la brûlait et son poignet gauche lui renvoya une douleur fulgurante. Depuis combien de temps était-elle réellement couchée là ? Il fallait qu'elle se relève. Doucement, elle se mit à genoux et regarda autour d'elle, hébétée. La nuit allait tomber. Seule dans cette clairière encerclée de hauts pins, l'angoisse l'étreignit. Elle devait se ressaisir et trouver de l'aide. La panique l'étourdit. « Reprends-toi, reprends-toi... » se répéta-t-elle comme un mantra.

Elle respira profondément et tenta de rassembler ses esprits. L'espace d'une minute, elle fut traversée par la pensée rassurante qu'elle avait dû s'assoupir entre deux cartons. Oui, bien sûr, c'était un rêve, rien de plus. Comment aurait-il pu en être autrement ? Léa se rappelait vaguement avoir lu quelque chose sur ces étonnants « rêves lucides », où le dormeur a pleinement conscience qu'il est en train de rêver. Elle n'avait jamais expérimenté ce phénomène, mais c'était l'hypothèse la plus probable. Il lui suffisait de trouver un moyen de se réveiller et tout rentrerait dans l'ordre.

Elle essaya de s'en convaincre, mais... une partie d'elle-même lui soufflait que tout cela était bien réel. L'inconfort causé par ses vêtements trempés, la douleur lancinante dans son poignet, la nausée qui s'imposait lentement dans son estomac... Les larmes embuèrent sa vue.

À nouveau, elle se ressaisit. Quoi qu'il pût se passer, elle devait agir. Frappée par un regain d'énergie, elle sauta sur ses deux pieds et entreprit d'avancer, songeant que cela aurait au moins le mérite de la réchauffer. Elle ne portait qu'un gros pull en laine, un vieux jean et une paire de baskets usées, une tenue idéale pour déménager mais bien peu adaptée à la randonnée en forêt. Elle enfonça ses poings dans ses poches pour protéger ses doigts engourdis et réalisa qu'elle avait toujours son smartphone. Elle le sortit fébrilement, priant intérieurement pour que l'appareil fonctionne encore, et fixa l'écran : aucun réseau disponible. Elle souffla du nez avec amertume. Avait-elle vraiment espéré pouvoir contacter qui que ce soit d'ici, au milieu des bois ? Dépitée, elle activa le mode avion pour économiser la batterie. Elle ne pouvait se résoudre à éteindre complètement ce qui demeurait pour l'instant son seul lien avec la civilisation. Avant de le ranger, elle jeta un œil à l'horloge : 16h02. Cela l'étonna car la journée lui semblait bien plus avancée. Une impression qui s'expliquait sans doute par l'épaisse couche nuageuse masquant le ciel et réduisant considérablement la luminosité ambiante.

N'apercevant ni lune ni soleil, elle se mit en route en choisissant une direction au hasard. Elle avait vu suffisamment de reportages en milieu hostile pour savoir que c'était une mauvaise idée, mais elle n'avait guère d'autre possibilité dans l'immédiat.

Dissimulé en partie par la neige, le sol irrégulier et glissant rendait sa progression laborieuse et elle se tordit plusieurs fois la cheville. Au bout d'une trentaine de minutes, elle fut contrainte de s'accorder une pause.

La flamme pourpreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant