Chapitre 1 : La rencontre.

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"L'amour, c'est comme la foudre : on n'en est nulle part à l'abri" - William Faulkner

Elle

Je n'arrive pas encore à déterminer si aller à ce mariage est une bonne ou une mauvaise chose ? En effet, ma famille et moi avons été conviés à assister au mariage de Giacomo Casarini, qui d'après le carton d'invitation que j'ai entre les mains, va épouser une certaine Serafina Sebastiani qu'il connaît depuis qu'il a l'âge de 15 ans. Une bien belle histoire, mais pour autant, je ne les connais ni l'un, ni l'autre. Si on m'avait donc donné le choix, je n'y serai probablement pas allé. Car je ne comprends pas l'utilité d'assister à l'union de deux personnes qu'on jamais rencontré. Et combien même, il s'agit du frère de l'associé de mon père, je ne vois pas l'intérêt de la présence de toute notre famille à cet événement. Si ce n'est pour montrer aux familles rivales que les Roccelli sont non seulement les alliés des Casarini, mais aussi que nous sommes unis et fort en toute circonstance.

Je ne leur dis pas souvent, mais j'aime les membres de ma famille, je les aime même tous énormément. Mais parfois, leur présence constante autour de moi m'insupporte et me donne des envies de meurtre. Alors de temps en temps, j'ai besoin de m'éloigner d'eux, ne serait-ce qu'une journée, pour souffler et me retrouver seule avec moi-même. Et cet événement aurait été l'occasion parfaite pour avoir un peu de tranquillité. Surtout que la famille Casarini nous a généreusement proposé de rester une nuit ou deux au sien de leur grande maison, plutôt que de faire le trajet retour au petit matin après la fête. J'aurais pu donc profiter de maximum deux jours de paix royale, durant lesquels j'aurai pu faire presque tout ce que je voulais. Je me serai ainsi bien vu restée chez moi, autour de la piscine pour bronzer avec un bon roman entre les mains, à savourer le silence.

Seulement, être la fille d'un dangereux et puissant parrain mafieux sicilien se révèle être plus compliqué qu'on le croit. Certaines personnes s'imaginent que j'ai une vie de princesse, dans un magnifique château avec piscine et vu sur la mer tyrrhénienne. Alors oui effectivement, je vis dans l'opulence, et je n'ai qu'à claquer des doigts pour que chacun de mes désirs matériels se réalisent. Dolce & Gabbana viennent de sortir une nouvelle paire de chaussures, que je n'ai pas dans ma collection ? Pas de problème, je n'ai qu'à prendre ma voiture avec chauffeur pour aller me les acheter dans le magasin le plus proche. Beaucoup de filles rêveraient d'avoir ce genre de vie, mais la triste vérité, c'est que je n'ai pas aucune liberté. A chacune de mes sorties je suis systématiquement suivie par deux gardes du corps, ce qui fait que je n'ai pas à proprement parler de vie privée. Une situation et un statut qui complique ma vie amoureuse. Beaucoup de prétendant non-mafieux finissent par prendre la fuite lorsqu'ils comprennent qui je suis, et surtout qui est mon père. Et les autres ne veulent pas prendre le risquer de se frotter à moi, de peur du sort que pourrait leur réserver mes frères, si notre histoire venait à ne pas fonctionner.

L'autre fait, qui montre que ma vie n'a franchement rien enviable, c'est que nous les femmes de Cosa Nostra sommes considérées comme des ornements que l'on exhibe dans les soirées mondaines. Un objet à qui il est interdit d'exprimer une opinion pour ne pas froisser l'image et la réputation de notre famille. C'est pourquoi au sein de cette société patriarcale, nous sommes cantonnées aux rôles de maîtresse de maison, de mère et d'épouse. Pour avoir un avenir, nous devons affronter les normes d'une société misogyne et rétrograde. Et même si les mentalités commencent à changer, il reste compliqué d'y faire sa place. Et comme le respect est très important aux yeux de Cosa Nostra. Nous devons donc tous, par notre présence, honorer l'invitation lancée par les Casarini.

C'est comme ça que finalement, je me retrouve assise sur la banquette arrière de l'une des Range Rover de la famille, direction Taormina à 2h de route de mon Cefalù natale. Durant tout le trajet, j'anticipe déjà la jalousie que je vais ressentir en regardant ce jeune couple se jurer amour et fidélité devant le prêtre. Un étalage de bonheur devant les yeux de ceux qui sont malchanceux en amour, et qui vivent mal leur célibat. J'imagine déjà la douleur au creux de mon estomac. Mais comme j'ai aussi une âme très romantique et fleur bleue, je sens que je ne vais pas pouvoir pour autant m'empêcher d'être émue, et de trouver la cérémonie magnifique, je me connais. Oui, je suis une femme pleine de contrariété.

Io & Te (Insieme) è Destino ?*Where stories live. Discover now