Chapitre 1

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Aujourd'hui était encore un jour de rivalité à la cour de l'empereur d'Autriche. Salieri, comme à son habitude, pestait contre le génie de Mozart. Le petit prodige venait de donner la première représentation de son nouvel opéra et cela avait été un franc succès. Maudissant la beauté de sa musique mais ne souhaitant pas de nouveau l'emporter en corrompant les musiciens de son rival, Salieri refusa toutes les propositions de Rosenberg. L'intendant sembla déçu mais n'insista pas, de peur d'énerver Salieri. Ce dernier réfléchissait à une nouvelle composition qui se voulait meilleure que celles de Mozart. Cependant, la tâche était ardue et après plusieurs heures de travail acharné, le compositeur laissa tomber sa plume en soupirant. A quoi bon ? Mozart finirait toujours par le surpasser et l'humilier. Il fut interrompu par le son de quelqu'un qui toquait à la porte de son bureau. Salieri avait une idée très claire de la personne qui se trouvait derrière cette porte. Il l'ouvrit, et en apercevant la fine silhouette, les habits colorés et les yeux pétillants de son vis-à-vis, il constata qu'il avait eu un bon pressentiment.

« Mon cher Salieri ! Quel bonheur d'enfin vous retrouver ! Qu'avez vous pensé de mon opéra ? demanda joyeusement Mozart en s'installant nonchalamment dans le fauteuil sans même demander la permission.

- J'en ai vu des meilleurs. Mais si vous êtes venu ici pour afficher votre soit-disant supériorité et votre succès, vous feriez mieux de repartir.

- Je ne faisais que prendre de vos nouvelles ! Ne soyez pas si susceptible !

- Je ne suis pas susceptible Mozart, répondit sèchement l'Italien.

- Vous ne renvoyez pourtant pas cette impression », le provoqua malicieusement l'autrichien.

Salieri soupira et se tut. Il savait que cette discussion n'allait mener nulle part, le passe-temps favori de Mozart étant d'essayer de le faire sortir de ses gonds dès que l'occasion se présentait.
Perdu dans ses pensées, le brun ne remarqua pas que son confrère s'était rapproché de son bureau et s'appuyait maintenant dessus tout en observant les différentes partitions dispersées sur le meuble. Il s'empara, d'un mouvement rapide et calculé du poignet, de l'esquisse de concerto que Salieri avait composé un peu plus tôt.

« Mozart ! Rendez moi cela immédiatement ! » Protesta l'Italien en se levant d'un bond.

Mais le petit génie ne l'entendait pas de cette oreille. Il se mit à courir par petits sautillements en brandissant la partition au dessus de sa tête, répandant son rire enfantin partout où il passait. Salieri le poursuivit dans les couloirs du Palais Royal en maudissant l'attention qu'il amenait sur eux deux. Mozart s'arrêtait durant de courts instants afin de déchiffrer l'œuvre de son rival ce qui ne faisait qu'accentuer la rage de ce dernier. Finalement, l'Italien le rattrapa et le plaqua brusquement contre le mur. L'Autrichien avait franchi les limites. Salieri pouvait supporter ses railleries mais ses compositions lui appartenaient : lui et uniquement lui avait le droit de les consulter tant qu'elles n'étaient pas achevées. Le blondinet dû sentir le changement d'atmosphère puisque son petit sourire narquois s'effaça lentement.

« Je n'aurais pas cru que vous prendriez notre petit jeu aussi sérieusement, cher ami. N'êtes vous point habitué à mes pirouettes, à présent ?

- Cela n'a rien à voir avec d'habitude, imbécile. Ce travail m'appartient et je refuse que vous posiez vos sales pattes dessus. Ça me paraissait pourtant être du simple bon sens mais j'oubliais que vous n'aviez aucune morale », répliqua froidement Salieri.

Et était-ce une pointe de déception que le salsbourgeois sentait dans la voix de son vis-à-vis. Salieri avait donc encore de l'estime pour lui ? Ou du moins il en avait avant que Mozart ne fasse de nouveau tout tomber à l'eau. Ses efforts afin de faire évoluer leur relation semblaient toujours voués à l'échec. Mozart savait qu'il ne s'y prenait pas de la meilleure façon et qu'il se comportait souvent comme un irresponsable mais il voulait uniquement comprendre et rendre heureux le sombre compositeur. Pourquoi satisfaire son rival se révélait-il si complexe ? Oh, si seulement il arrivait à briser la carapace que Salieri avait érigé autour de son cœur... Le jeune Autrichien se fit la promesse de ne jamais abandonner sa lutte pour la reconnaissance de Salieri.

L'assasymphonieWhere stories live. Discover now