.27 jours après.

506 64 11
                                    

18 heures 49 minutes

Une fois de retour à la maison, je m'étais affalé sur le canapé avec un mal de crâne atroce et le coeur en morceaux. Mes mains n'avaient pas quitté le carnet vert forêt froissé et humide du défunt, et Sugawara n'avait fait que me demander si j'allais bien sur la route. Mais je n'avais pas besoin de lui répondre pour qu'il connaisse la vérité.

Les fins rayons du Soleil couraient sur ma peau, traversaient la fenêtre salie par le calcaire et mes poils se hérissèrent sous la chaleur, caressés par le souffle d'une déesse. Je voudrais qu'on puisse de nouveau se reposer sur l'herbe verte de notre lycée, sauter le déjeuner et se dire que ce n'est pas grave. Je voudrais retourner dans ce café avec toi, que ta main s'enlace dans la mienne, et que sans latence tu me murmures des "je t'aime". Je voudrais que ton visage ne soit plus une tache floue et grisonnante.

Les beaux jours commençaient à me donner envie de sauter d'un pont, j'aurais aimé que tout soit triste autour de moi, que les gens pleurent pour rien, que la joie s'absente quelques mois et puis ne revienne jamais. J'en avais marre de devoir sourire parce que le ciel était bleu et que les oiseaux chantaient. Non, tant que je ne m'en souvenais pas, ça ne valait plus rien.

Mes yeux se mirent à me brûler et je sentis les fourmillements parcourir mon nez, le piquer, me donner envie de fondre en sanglots. De toute façon j'ai pas grand chose d'autre à faire, je me disais, essayant de me persuader que j'avais le choix.

Mon tee-shirt se souleva sous le passage de ma main, et mes doigts glissèrent dans la chaleur répandue sur mon abdomen. Le "pof" du carnet qui tombait par terre me parut lointain et je me permis d'imaginer une autre main qui la mienne : tendre, veineuse, avec des doigts robustes et noueux abîmés par les chocs des ballons de volley. C'est tellement difficile... je ne ressens pas grand-chose, je n'arrive pas à oublier qu'il s'agit de la mienne. Putain, quel paradoxe !

Sugawara, assis par terre, le dos appuyé contre le canapé, prit le cahier et commença à le feuilleter. Si ça avait été quelqu'un d'autre j'aurais hurlé à la mort pour qu'il le lâche, mais en vue de tout ce qu'il avait fait pour moi (pour nous), je pouvais le laisser lire quelques pages.

Nos têtes étaient l'une à côté de l'autre et l'odeur de son shampoing imprégnait mes sens, c'était apaisant, le parfum était doux et sucrée comme les fleurs de lilas et le Soleil se reflétait sur ses mèches grisées. Le bruit régulier des pages qui se tournaient brisait le silence et menaçait mon monde de s'écrouler, j'essayais de m'imaginer ce que Suga pouvait bien être entrain de lire, de découvrir (ou non). Avec surprise et peine il fondrait en larmes et se dirait que c'était bien quand on était encore tous ensemble, sans problèmes, ...

Mais il n'en fit rien. Pire, voilà ce qu'il dit :

- Tu devrais lire ça, je vais préparer le dîner en attendant. T'as de la viande rouge ?

- Regarde en bas, dans le frigo.

La page sur laquelle le carnet était ouvert, celle qu'il voulait que je lise, se trouvait un peu plus loin dans le journal, peut-être une dizaine d'intimités plus loin, plus ou moins.

"Cher journal.

Aujourd'hui on a eu un match de volley, mais pas n'importe quel match ! On joue dans une compétition inter-lycées ! Plus les jours passent, plus on se rapproche de la final, j'ai les jambes qui flageolent rien que d'y penser :(

Akaashi est incroyable comme toujours, j'adore jouer avec lui, toutes ses actions sont parfaites, il n'en rate aucune, j'aimerais tellement qu'il devienne un pro et qu'on continue de jouer ensemble à l'avenir ^^

Mais au moins, je sais qu'on sera ensemble un petit bout de temps hehe... J'arrive pas à croire que je vais écrire ça mais j'ai proposé un rendez-vous à Aka ! Il a accepté, et j'espère qu'il ne croit pas que ce sera juste une sortie entre amis. Je suis tellement angoissé !

Je reviens dans quelques heures pour dire comment ça s'est passé, promis >:)

...

Bon.

Je.

N'arrive.

Pas.

A.

Y.

Croire !

Akaashi s'est pointé un peu en avance (même s'il l'était moins que moi) et portait un tee-shirt blanc avec un blazer bleu marine . Il était magnifique ! Je veux dire, il l'est toujours, mais là ça le changeait, personne ne pouvait le nier. Je m'étais contenté d'une chemise blanche banale, je l'ai regretté toute la soirée TwT

On a mangé ensemble dans un restaurant français, il paraît que c'est à la mode en ce moment. Je crois qu'on a tous les deux aimé :))))))

Et puis, sur le chemin du retour j'ai tenu la main d'Aka. OUI ! On n'a rien dit, on s'est juste tenu la main, comme ça, c'était super naturel ! Il semblait gêné un peu, ses joues avaient terriblement rougi, mais c'était adorable !!!

J'aurais aimé avoir eu le courage de lui dire que je l'aimais, que je ressentais plus qu'un stupide crush, mais j'ai eu peur de pousser un peu trop les choses. On a marché comme ça pendant une vingtaine de minutes, et puis en arrivant sur la place principale nous nous sommes lâchés. On a flippé un peu, déjà que les regards de travers étaient inquiétants... Mais bon, je m'y attendais.

Lorsque nous eûmes quitté la foule et rejoint les rues sinueuses et vides de la ville, sa main s'est de nouveau accrochée à la mienne sans même que je fasse le premier pas !

Mon coeur a explosé."

Ils sentaient qu'ils avaient peur, qu'ils ne voulaient pas que l'autre le rejette, ils se tenaient la main comme deux adolescents lambda, un peu plus qu'amis, peut-être un peu moins qu'amoureux. Ils marchaient côte à côte, leurs pas synchronisés assumaient l'Angoisse entre eux sans même se soucier de s'ils voulaient la dévoiler.

Leurs doigts étaient chauds, humides et maladroits comme la langue passionnée d'Achille à Patrocle, mais bien que perdus dans l'incertitude ils n'osèrent aucun autre contact qui trahirait leurs sentiments intimes. Et sur des airs de jazz rocambolesque leurs désirs inavoués disparurent.

À nos souvenirs manqués... (Bokuto x Akaashi)Where stories live. Discover now