5 - Jungkook

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Je me laisse tomber sur la canapé de Jimin. Je suis vraiment une merde. Je n'ai même pas eu la force de me suicider, comme maman l'a fait. Quand j'ai vu son corps tordu et ensanglanté sur le bitume, j'ai voulu la rejoindre. 

Mais Jimin m'a retenu. Quelque-chose de percutant dans sa voix brisée m'a retenu. Je ne pouvais pas le laisser seul en choisissant l'option la plus facile. Et je ne voulais pas que mes restes, une fois éclatés en bas, soient finis par les monstres. 

Mais mon corps ne me répondait plus. Après avoir pleuré, j'ai fait une crise d'angoisse en voyant que je portais toujours ces vêtements imbibés de sang. Du sang de mon père et de mon grand-frère. J'ai alors tout retiré, sous le regard étonné de Jimin. 

Il a voulu les laver, pour m'aider. J'ai compris que les dernières traces de ma famille allaient disparaître. Alors j'ai paniqué, j'ai refusé. Mais garder ces tâches macabres, ayant marqué la fin d'une existence heureuse, était insensé. Je les ai donc cédés à Jimin.

J'ai voulu lui raconter mon histoire, pour qu'il comprenne ma détresse et parce que j'avais besoin de me confier, d'extérioriser cette horreur. Mais quand j'ai vu ses yeux innocents et doux me regarder, je n'ai pas pu. Je ne voulais pas lui infliger ça. Ma peine sera lourde à porter, mais je la porterai seul. Il risquerait d'imaginer des scénarios quand au sort de sa propre famille, en plus. 

J'ai voulu prendre l'air sur le balcon pendant qu'il lançait la machine à laver, et je me suis penché, à tort. Heureusement que Jimin était là pour me secourir. Les chocs émotionnels que j'ai endurés ont tétanisé mon corps. 

"Tu as faim ? s'enquit Jimin."

Il est debout face à moi, l'air timide. Un ange. Il se mord la lèvre inférieure et je me rappelle qu'il y a quelques instants, j'ai embrassé sa joue. Je suis si troublé que j'ai oublié de répondre.

"Tu dois manger, m'assure Jimin en s'asseyant près de moi, un morceau de pain à la main."

Je nie.

"Et les réserves ? lui rappelé-je."

Jimin ne m'écoute pas et me fourre le morceau de pain dans la bouche. Je mastique lentement en le regardant. C'est un sacré personnage, celui-là. 

Jimin consulte une nouvelle fois son téléphone, essaie de passer des appels, en vain. Je suis hypnotisé par les images qui passent en boucle à la télé. Si je n'avais pas tué mon père et mon grand-frère, ils auraient fini comme ces monstres, à s'arracher la chair fraîche.

"Est-ce que tu peux éteindre cette télé ? demandé-je d'une voix blanche. Il n'y a plus rien d'intéressant, ils ne font que se concentrer sur le sensationnel..."

Jimin appuie sur la télécommande et l'écran noir apparaît. Je me sens soulagé. Les cris et le raffut dans le couloir de l'étage semblent avoir cessé. Peut-être qu'il n'y a plus rien à manger. 

À part nous. 

La pièce devient sombre. La nuit se lève. Jimin allait allumer la lumière mais je l'arrête.

"On va se faire repérer !

- Je croyais qu'ils étaient aveugles ? Tu les as bien vus à la télé... leurs yeux... 

- Je ne pense pas qu'ils soient totalement aveugles. Je ne veux pas tenter le risque, appuyé-je."

Jimin ne dit rien. Il n'allume pas la lumière. Il regarde la baie-vitrée :

"Tu crois que ces choses savent escalader les murs ? 

- Non, assuré-je. Et on est assez hauts."

Seuls contre tous (JIKOOK)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant