Chapitre 1 ~ Sous la fumée et le charbon :

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Une nuit sombre et sans étoiles planait sur le sud de l'Angleterre. À Londres, une fine bruine s'abattait depuis près de douze heures sur ses grandes allées. Un vent plutôt violent pour une nuit de printemps emportait les gouttelettes dans une tempête confuse et violente, et faisait virevolter les nombreuses colonnes de fumée qui s'échappaient des usines de banlieue.

Au cœur de la capitale, Leonidas se faufilait dans les ruelles sombres et désertées, tentant de n'être plus qu'une ombre parmi les ombres, tandis que, une à une les lumières s'éteignaient dans les habitations.

Il courait, tournait, s'arrêtait, rebroussait chemin, dans une danse infernale et incompréhensible de tout œil extérieur. Mais Leonidas était loin de déambuler au hasard dans la ville.

Il était connu, à Londres. Connu comme un voleur hors pairs, peut-être même un assassin. Mais personne n'avait jamais aperçu plus que sa silhouette, comme il sévissait la nuit. Ce qui lui valut le surnom d'assassin du crépuscule.

Nul ne connaissait ses véritables motivations. Et comme de l'inconnu part de nombreuses rumeurs, on disait toutes sortes de choses à propos de ce mystérieux criminel.

Régulièrement, on pouvait lire en première page de célèbres journaux comme le Starlight Echo, par exemple, les titres suivants :

L'ASSASSIN DU CRÉPUSCULE A ENCORE FRAPPÉ.

DES BIJOUX DÉROBÉS EN CENTRE-VILLE. EST-CE L'ŒUVRE DE L'ASSASSIN DU CRÉPUSCULE ?

En réalité, Leonidas ne ressemblait en rien aux idées que se faisaient les habitants terrifiés. Il était calme et parfaitement maître de ses actes, tant lors de ses escapades nocturnes que dans sa vie d'ouvrier.

Il était resté parfaitement maître de lui-même, quand, par exemple, une bande de bourgeois avait commencé à l'insulter, et même à le frapper. Leonidas, en quelques mouvements, avait échappé à leur dangereuse étreinte et fuit en courant.

La seule fois où il avait vraiment été dépassé par les événements était lorsque sa sœur aînée déclara une maladie grave. Elle était mourante, livide et sans énergie, les yeux brillants de fièvre et son front transpirant de longues gouttes.

N'ayant pas les moyens de s'offrir le diagnostic d'un médecin, il était sorti, une nuit, dans l'espoir fou de dérober ne serait-ce qu'un morceau de pain.

Ah, il se rappellerait toute sa vie des étoiles dans les yeux de Zélie lorsqu'il était revenu les poches pleines de trésors. Elle avait murmuré un mot, ce soir-là :

- Merci.

Cela pourrait paraître dérisoire si vous ignoriez le ton et la voix qu'elle avait utilisé. Zélie avait transformé ces cinq lettres en le mot le plus précieux du monde. Il semblait si fou, si puissant, si plein de promesses et de richesses. Tel était le pouvoir de la jeune femme : rendre la chose la plus simple extraordinaire.

Alors Leonidas transforma son escapade en habitude. Chaque soir, il enfilait ses vêtements usés jusqu'aux cordes et se mettait à courir dans les rues de Londres.

Jusque là, il bénéficiait d'une chance inouïe, presque insolente. Il ne s'était jamais fait prendre. Bien sûr, il lui arrivait de rentrer bredouille vers sa sœur, qui le rassurait d'un faible sourire.

Malgré la nourriture et les maigres connaissances de son frère en médecine, elle n'allait pas mieux. À ses symptômes se rajouta une toux sèche et incontrôlable, et sa fièvre augmenta. Elle passait ses journées à somnoler, taraudée par des cauchemars insistants et répétitifs. Leonidas n'avait plus le choix. Il devait faire venir un médecin.

De sang et de charbon Où les histoires vivent. Découvrez maintenant